Les Nations Unies ont déclaré 2012 Année internationale de l’énergie durable pour tous. Electriciens sans frontières, ONG de référence dans le domaine de l’accès à l’énergie a souhaité, indépendamment de l’action qu’elle conduit au bénéfice des plus démunis, contribuer à la réflexion et faire des propositions. – Agir là où les autres ne vont pas … – Etat des lieux de l’accès à l’énergie dans le monde. – L’énergie pour mieux vivre – Les défis de l’électrification dans les pays en développement – Le défi de la lutte contre la pauvreté – L’accès à l’eau de tous – Catastrophes naturelles et crises humanitaires : l’électricité pour survivre – Quel modèle économique pour l’accès à l’énergie des plus démunis ? – Quelle transition énergétique pour les plus pauvres ?
Agir là où les autres ne vont pas…
Le devoir de solidarité s’impose aujourd’hui comme une réponse aux défis sociétaux de la mondialisation et de l’écologie. Il s’impose aux états, aux institutions, aux entreprises, mais aussi aux individus, et nombreux sont ceux qui s’engagent dans une démarche de bénévolat au service des autres. Ils y trouvent une citoyenneté en accord avec leurs exigences morales et humanistes. Ils y trouvent aussi des espaces de responsabilité, dont la vie professionnelle les prive souvent, ainsi que des repères pour construire leur projet personnel et donner du sens à leur vie. C’est ainsi qu’à Electriciens sans frontières près d’un millier de bénévoles oeuvrent au déploiement d’une démarche solidaire au service des plus démunis, en leur permettant d’accéder à l’électricité, vecteur de développement. Ces démunis sont souvent non prioritaires, voire ignorés par les grandes institutions internationales, et à l’écart, dans leur propre pays, des programmes de développement. Des milliers de villages, en Afrique et ailleurs, voient passer, à quelques centaines de mètres, des lignes électriques dont ils ne profiteront jamais : ils ne sont pas de bons clients potentiels. Electriciens sans frontières compte à son actif, depuis 1986, des centaines de réalisations à travers le monde au bénéfice de ces populations oubliées. Il s’agit, chaque fois que possible, de favoriser directement, grâce à l’électricité, leur développement économique : plateformes multi fonctionnelles pour piler le mil ou décortiquer le riz, ateliers de menuiserie, production d’huile ou de spiruline, irrigation et maraichage, … Mais il s’agit aussi de préparer et d’accompagner ce développement à travers de meilleures conditions d’éducation et des soins de meilleure qualité. Presque tous les projets d’Electriciens sans frontières incluent l’électrification d’une école, d’un dispensaire ou d’une maternité. Permettre à un instituteur et à ses élèves (et aux parents qui souhaitent s’instruire eux aussi) de travailler après la nuit tombée, proposer à une matrone et à ses patientes un éclairage qui ne soit pas celui d’une mauvaise lampe à huile chère et inefficace, ont le même point commun : ces activités n’ont rien de lucratif. De même, permettre à des villageois, isolés de tout, de recharger des téléphones portables ou de se retrouver le soir à la lumière d’un lampadaire, constitue un facteur de lien social difficile à chiffrer en euros. Ces actions là sont les priorités de l’ONG. Car si Electriciens sans frontières ne le faisait pas, qui le ferait ? Cette longue et riche expérience, au service des plus pauvres parmi les plus pauvres, a permis de dégager des critères réalistes de choix des projets, et une conduite de l’action basée sur une éthique de développement matériel et culturel, un partage systématique des connaissances, le respect des modes de vie, le refus de l’exclusion, et le dialogue avec les populations concernées. L’électricité au service de la collectivité doit être ce levier qui permet l’accès de tous à ces droits humains fondamentaux : l’accès à l’éducation, aux soins, à une eau de qualité, à l’information et aux échanges. C’est à la fois la fierté, le rôle et la place d’Electriciens sans frontières : aller où les autres ne vont pas, faire ce que les autres ne font pas. Afin de contribuer à briser le statu quo de la misère.Etat des lieux de l’accès à l’énergie dans le monde
En 2011, près d’un quart de la population mondiale n’avait d’autre accès à l’énergie que les sources dites traditionnelles telles que le bois et la tourbe, généralement complétées de bougies et de pétrole lampant. Ces ressources énergétiques sont chères, chronophages, polluantes, peu efficaces et dangereuses. A ces populations dépourvues de tout accès à l’électricité s’ajoutent de surcroit trois milliards de personnes dont l’accès est minimal, caractérisé par des coupures souvent plus longues que les durées de fourniture effective. Or, l’énergie constitue une condition fondamentale du développement, économique mais aussi et surtout humain. Sans énergie, il n’y a pas d’accès à l’eau potable, ni de lumière dans les maisons, les écoles et les centres de santé. Ainsi, dans les pays en développement, c’est le fonctionnement de l’ensemble des services de la collectivité qui se trouve actuellement entravé par l’accès insuffisant à l’énergie. Reconnaissant que l’accès à des services énergétiques modernes et abordables dans les pays en développement est « essentiel pour réaliser les objectifs de développement arrêtés au niveau international, dont ceux du Millénaire, et assurer un développement durable, ce qui contribuerait à réduire la pauvreté et à améliorer les conditions et le niveau de vie de la majorité de la population mondiale », l’Assemblée générale des Nations Unis a proclamé l’année 2012, Année internationale de l’énergie durable pour tous. – Résolution de l’Assemblée générale A/RES/65/151 déclarant 2012, Année internationale de l’énergie durable pour tous, 16 février 2011L’énergie pour mieux vivre
Bien qu’il ne fasse pas partie des Objectifs du Millénaire pour le Développement, l’accès à l’énergie est considéré par l’ONU et la Banque Mondiale comme une condition nécessaire pour les atteindre. La corrélation entre le niveau de l’indicateur de développement humain (IDH) et le taux d’accès à l’énergie est très marquée. L’indicateur de développement humain est notamment particulièrement bas lorsque la consommation d’énergie est faible, ce qui confirme l’importance capitale d’un accès initial minimal à l’énergie. L’énergie est indispensable pour accomplir l’ensemble des activités humaines fondamentales, qu’elles relèvent de la survie la plus élémentaire (accès et purification de l’eau, cuisson de la nourriture et chauffage, soins médicaux performants) ou de l’amélioration des conditions de vie en société (lumière, mobilité, éducation, communication, activités productives, loisirs…). L’énergie n’a pas sa fin en soi mais dans les services et activités qu’elle permet de développer. Leur hiérarchisation permet de prioriser les projets d’accès à l’énergie qui doivent, à chaque fois, accompagner une action de développement bien identifiée. Mais surtout, la pérennité des systèmes d’accès à l’énergie ne peut être assurée que si un ou des techniciens sont formés et sont en mesure de les entretenir et de les développer. Cela implique qu’ils puissent en retirer un revenu et donc qu’une activité économique soit mise en place. Éclairer une école ou électrifier un centre de soins doit s’articuler avec des activités productives comme des moulins à grain ou du pompage d’eau, ou des services comme la recharge de batteries pour des téléphones portables ou des lampes individuelles. Au Burkina Faso, dans la région du Gulmu, Electriciens sans frontières a mené avec l’ONG Tin Tua un programme d’électrification solaire de 20 centres de formation. L’arrivée de l’électricité a permis d’augmenter les plages d’enseignement et d’étude dans les salles d’alphabétisation, donnant ainsi aux femmes la possibilité de participer aux cours du soir. Les formateurs peuvent préparer leurs cours une fois la nuit tombée. Des troupes de théâtre viennent y répéter le soir : ces troupes se déplacent dans des villages reculés pour jouer en langue locale des pièces qui sont de véritables outils de communication, d’information, de sensibilisation auprès des populations: sida, MST, excision, mariage forcé, travail des enfants, importance de l’alphabétisation etc. Grâce à l’installation d’ordinateurs, les responsables de chaque centre peuvent gérer l’ensemble des taches administratives mais aussi vendre des services de reprographie et de support informatique aux collectivités voisines. Les recharges de téléphones sont une source de revenus conséquente, et un service clé offert aux populations. Les moyens audiovisuels mis en place et partagés avec les villageois sont autant de sources d’information et de renforcement des liens sociaux. Et les techniciens de Tin Tua formés à la maintenance des installations solaires proposent désormais des prestations. L’accès à l’électricité des diémas du Gulmu a ainsi a permis d’améliorer les conditions d’enseignement, de créer des activités économiques, de faciliter l’accès à l’éducation et à l’information de populations jusqu’ici très isolées, de les sensibiliser aux questions sanitaires, et donc de contribuer à plusieurs des Objectifs du Millénaire pour le Développement.Les défis de l’électrification dans les pays en développement
« Encore 2 milliards d’individussans accès aux services énergétiques essentiels,
pourquoi ?« Aujourd’hui près de 1,5 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité, et plus de 1 milliard n’y ont qu’un accès précaire et intermittent, si bien que près d’un tiers de la population mondiale est dans la pénombre tous les soirs. Si l’on constate un progrès depuis 2002, il reste que les chiffres ont peu changé en un demi-siècle. Le fossé de consommation entre pays développés et les autres n’est pas en voie de résorption. Cette année encore, comme en 1972, un français a consommé 6 fois plus d’énergie qu’un africain. Et 5 jours suffisent à un français pour consommer autant qu’un togolais en un an ! De plus, des services énergétiques efficaces et propres ont une charge capitalistique qui les rend peu accessibles aux plus défavorisés, qui doivent se contenter de moyens de fortune peu efficaces, polluants, et de surcroit plus onéreux ! Pour atteindre un accès universel à l’électricité d’ici 2030, une multiplication par cinq de l’investissement actuel (9 milliards de dollars par an) serait nécessaire. S’il semble très élevé, ce montant ne représente que 3% de l’ensemble des investissements du secteur énergétique. Pour le couvrir, un prélèvement de 0,012€/kWh consommé dans l’Union Européenne, ou de 1,6€ par baril de pétrole consommé, serait suffisant. Ce n’est pas tant l’importance des coûts qui pose problème, que la capacité effective de mise en œuvre des mesures nécessaires par la communauté internationale. Les gouttes d’eau font les grandes rivières… Faute d’une approche globale, coordonnée et solidaire, irréaliste dans le contexte actuel, Electriciens sans frontières s’est engagée, depuis plus de 25 ans, dans des centaines d’actions de portée locale ou régionale, dont l’efficacité et la pertinence ont été démontrées. Qu’il s’agisse d’électrifier une école au Togo ou de programmes plus vastes, tous répondent à la même volonté : développer un accès à l’électricité sûr, pérenne, et respectueux de l’environnement, au service des plus démunis. Retour d’expérience et rationalisation des choix techniques ont permis de donner à des projets d’apparence dispersée, une réelle cohérence, et d’engager des programmes de plus long terme : centres de santé à Madagascar, villages de la province de Phongsaly au Laos, écoles du Matam et de la région de Saint Louis au Sénégal, centres de formation du Gulmu au Burkina Faso, … Toutes ces actions ont en commun un facteur clé de réussite, et un gage pour l’avenir : l’appropriation par les acteurs locaux des technologies mises en œuvre. Le transfert systématique de compétences, grâce à des formations adaptées et une volonté de « faire avec », permet à la fois d’assurer la pérennité des installations, et de soutenir l’émergence d’opérateurs locaux qui seront, demain, porteurs d’essaimage. Et qui seront surtout des acteurs incontournables, le jour où la communauté internationale se résoudra à concrétiser ses ambitions affirmées en 2012. C’est ainsi que les actions d’Electriciens sans frontières sont guidées par cette ambition constante : agir contre l’indifférence du présent, et préparer l’avenir.
Le défi de la lutte contre la pauvreté
Depuis plusieurs décennies, de nombreuses organisations multilatérales, internationales, nationales, religieuses ou non gouvernementales ont consacré d’importants moyens à la lutte contre la pauvreté dans le monde. Si celle-ci recule significativement dans les grands pays émergents tels que la Chine, l’Inde ou le Brésil, elle continue de progresser ailleurs. La pauvreté ne se mesure pas seulement en termes de revenu financier par habitant, mais également en accès à l’éducation, aux soins ou à un habitat et à un environnement sains. Dans la lutte contre la pauvreté, il ne faut négliger aucune initiative, quels que soit la taille et les moyens de ceux qui en sont à l’origine – des grandes institutions internationales aux plus modestes associations humanitaires. Toutes leurs actions sont complémentaires et porteuses de sens. En apportant l’électricité aux populations les plus démunies, Electriciens sans frontières contribue à initier puis à maintenir des cercles vertueux de développement humain. Le projet Pépagou, conduit entre 2009 et 2012 au Togo avec des partenaires français et locaux, notamment une association de femmes togolaises, est à ce titre exemplaire d’une approche pluridisciplinaire. Il a permis d’accomplir plusieurs actions de développement diverses et complémentaires : – raccordement d’une école et d’un dispensaire aux réseaux d’eau et d’électricité ; – construction de latrines raccordées à un bassin d’épuration par des jacinthes d’eau et à un biodigesteur produisant du biogaz ; – développement d’une mini-industrie de transformation et de séchage de fruits ; – développement de la culture de jatropha, plante productrice d’huile servant de biocarburant. En se concentrant sur les besoins les plus élémentaires de la population, cette série d’actions pose les fondements d’un développement pérenne. Reposant sur la valorisation des ressources locales, elle permet aux communautés locales de s’approprier ces méthodes et de les reproduire. Lutter contre la pauvreté c’est d’abord donner aux individus les moyens de maitriser et d’exploiter les ressources de leur environnement naturel, afin qu’ils puissent consacrer leur énergie et leurs capacités au développement d’activités productives.L’accès à l’eau de tous
L’accès à l’eau constitue le besoin le plus fondamental des êtres humains ; il est la condition de la vie, de l’alimentation et de la santé. Comme l’accès à l’énergie, il constitue l’un des principaux facteurs de développement économique et humain. Or, un milliard d’hommes et de femmes ne dispose pas d’accès à l’eau de proximité. Cette carence est particulièrement marquée dans les zones urbaines des pays en développement, en raison de leur croissance souvent anarchique. La mise en place de systèmes d’alimentation en eau nécessite, dans la plupart, des cas le recours à une source d’énergie : il faut capter l’eau par pompage ou par gravité, la traiter et la transporter en veillant à sa protection contre les contaminations externes. Cela suppose l’accès à une énergie fiable et bon marché pour les populations les plus démunies. La dépendance de nombreuses communautés au fioul, source d’énergie onéreuse et souvent difficile à transporter localement, constitue un handicap majeur. C’est pourquoi, en l’absence de réseaux électriques passant à proximité, il est nécessaire de trouver des solutions alternatives bon marché, simples et utilisant le potentiel de ressources énergétiques locales : solaire, éolien, biomasse et hydraulique. Electriciens sans frontières a développé de nombreuses réalisations d’accès à l’eau s’inspirant de ces objectifs, par exemple à Madagascar, au Burkina Faso, en Ethiopie ou au Mali. Les solutions gravitaires et solaires ont été privilégiées à travers la mise en application d’un schéma récurrent : construction d’un château d’eau au cœur des villages et distribution dans un réseau de bornes fontaine. Les facteurs de succès sont le dialogue avec les populations directement concernées, leur formation, et leur implication dans le projet avec la mise en place d’une organisation adaptée pour exploiter et renouveler les installations. Fort de son engagement en faveur de l’accès à l’eau des populations rurales et urbaines les plus défavorisées, Electriciens sans frontières a pris part au 6ème Forum Mondial de l’Eau qui s’est tenu en mars 2012 à Marseille. L’ONG a piloté le Groupe de travail mobilisé autour de la thématique de l’accès à l’eau par l’accès à l’énergie. Une quinzaine de solutions ont été présentées, émanant de nombreux pays. En conclusion de ses travaux, le groupe s’est engagé à jeter les bases d’une plateforme collaborative avec la participation de toutes les parties prenantes d’un projet : autorités locales et régionales, ONG et, naturellement, les bénéficiaires. Electriciens sans frontières entend poursuivre son action en faveur de l’accès à l’eau et à l’énergie pour que le maximum de communautés puisse être alimenté, à proximité de ses habitations, en eau et en énergie de manière économique et pérenne, et disposer des conditions nécessaires pour s’engager dans un processus de développement bénéfique pour les populations.Catastrophes naturelles et crises humanitaires : l’électricité pour survivre
Si l’électricité est un levier indispensable pour le développement des populations les plus pauvres, elle est encore plus vitale dans les situations d’urgence humanitaire. Ballons éclairants pour organiser les premiers secours, groupes électrogènes pour permettre aux équipes médicales d’intervenir, points lumineux pour sécuriser les lieux de survie, sont autant de moyens indispensables pour venir en aide aux populations en détresse. C’est depuis longtemps l’une des missions majeures d’Electriciens sans frontières : intervenir aux côtés des autres grandes organisations humanitaires lors des catastrophes naturelles. En Haïti, dès les premières heures, ses équipes de bénévoles se sont mobilisées pour déployer des matériels de première urgence et apporter leur savoir faire aux ONG présentes. Des mois durant, elles se sont relayées dans les décombres de Port-au-Prince, Léogâne et Carrefour, pour alimenter ou sécuriser près de 200 sites, hôpitaux, centres de soins, orphelinats, camps de sinistrés. Elles ont ainsi démontré combien l’électricité, comme l’eau ou le riz, était indispensable pour que la vie reprenne. Dans des camps plongés dans une obscurité absolue, les centaines de lampadaires solaires installés par Electriciens sans frontières ont fait reculer la peur, les violences et les viols, et ont permis à 200 000 haïtiens privés de tout, de reprendre pied dans une vie sociale retrouvée. Voir des enfants s’attabler autour d’une partie de dominos ou improviser un match de foot à la nuit tombée, suffit à donner de belles raisons d’espérer. Aujourd’hui, aux catastrophes naturelles vient s’ajouter une multiplication des situations de crise humanitaire. Face à ce contexte dramatique Electriciens sans frontières ne saurait rester inactive : sa vocation, son expérience, et sa capacité d’intervention sont sans équivalent dans le monde des ONG. Forte de ses compétences spécifiques, Electriciens sans frontières a donc fait le choix d’unir ses forces et d’agir en partenariat avec d’autres Organisations de Solidarité Internationale. Dans la Corne de l’Afrique, au Niger comme au Mali, l’afflux de réfugiés ne cesse de grossir, et les besoins sont immenses. Electriciens sans frontières, grâce au soutien de ses donateurs et partenaires, y prend toute sa part. Et sur le terrain, ses bénévoles continueront de donner leur énergie à ces milliers de femmes et d’hommes poussés par la famine ou les guerres, qui survivent dans des conditions d’extrême précarité. Eux aussi ont droit à la dignité et à ce peu de lumière qui change la vie.Quel modèle économique pour l’accès à l’énergie des plus démunis ?
L’accès à l’énergie est consommateur de moyens capitalistiques importants; de lourds investissements doivent être réalisés pour développer des outils de production, de distribution et de stockage, avec des temps de retour portant généralement sur plusieurs dizaines d’années. Ces investissements sont, dans de nombreux cas, inaccessibles pour une large partie des populations les plus pauvres de la planète. Pourtant, ces populations ont quotidiennement recours à l’énergie pour répondre à des besoins élémentaires, mais les formes d’énergie qui sont à leur portée (bougies, lampes à pétrole, bois), les condamnent à une triple peine : ces énergies se révèlent, à l’usage, coûteuses, peu efficaces et dangereuses. Au final, les dépenses des ménages « du bas de la pyramide » sont, pour leurs consommations d’énergie, estimées à 433 milliards de dollars, soit 7% de leurs revenus. Cette solvabilité relative doit permettre d’envisager des modèles économiques adaptés à ces populations les plus vulnérables, et fondés sur des technologies performantes, sûres et non polluantes. La mise en place de modèles durables et compatibles avec la situation des plus pauvres, est aujourd’hui facilitée par l’émergence de technologies toujours plus efficaces sur le plan énergétique, par l’apparition de produits mieux adaptés (portés par l’intérêt de grands groupes industriels pour ce marché de la pauvreté), et par une réduction des coûts permise par la dissémination à grande échelle de ces produits. En l’absence de soutiens institutionnels, elle suppose l’existence de dispositifs locaux de micro crédit non dissuasifs. Les acteurs engagés dans ce domaine porteur d’enjeux immenses, savent cependant qu’il n’y a pas d’émergence naturelle de modèles économiques innovants, forcément décalés par rapport à des logiques et des traditions sociales lourdement enracinées. Ils savent aussi qu’il n’y a pas non plus génération spontanée d’entrepreneurs locaux, capables de mettre en place et de porter des projets novateurs. Là où il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’électriciens, et les success stories vantant l’initiative individuelle ne disent pas toujours les actions de formation et d’accompagnement indispensables pour faire germer l’envie d’entreprendre et donner les moyens de réussir. Les Organisations de Solidarité Internationale, comme les acteurs institutionnels, ont donc à construire des modèles économiques spécifiques, adaptés aux besoins prioritaires, aux moyens et à la culture des populations concernées, et à soigneusement préparer les conditions de leur appropriation et de leur réussite. On ne bâtit pas le même projet pour des agriculteurs du nord Laos que pour des éleveurs transhumants des pays du Sahel. En partenariat et avec le soutien actif de l’ADEME, Electriciens sans frontières a ainsi développé et mis en place, dans plusieurs villages du Cambodge, une activité de recharge de lampes portables reposant sur la création de micro entreprises de production d’énergie et de mise à disposition pour le consommateur final de lampes rechargeables en leasing. Ce programme initié en 2006 a démontré qu’il était possible pour les villageois de remplacer, et pour un coût inférieur, leurs lanternes à pétrole polluantes et dangereuses, par des lampes électriques plus performantes. Il a également montré que l’activité ainsi créée générait des revenus suffisants pour assurer un fonctionnement économiquement viable aux entreprises en charge de gérer la recharge des lampes. La réussite de ce projet a reposé sur deux conditions clés. Des matériels adaptés aux usages : les lampes utilisées doivent être robustes, et leurs batteries d’une autonomie suffisante, et cela à des coûts abordables. Et des partenaires de qualité : des relais locaux fiables sont indispensables pour assurer le suivi de l’opération et l’accompagnement dans la durée des opérateurs. L’expérience acquise permet aujourd’hui à Electriciens sans frontières d’engager de nouvelles opérations du même type en les adaptant à des contextes économiques et culturels aussi divers que celui des iles du lac Titicaca ou des villages des hauts plateaux malgaches. Avec la même préoccupation de formation et de partage de compétences, par ce que là sont les fondements du Electriciens sans frontières s’engage en faveur de l’énergie durable pour tous 9/10 développement. Et une volonté constante : permettre aux plus démunis d’accéder à une énergie propre, sûre et à la mesure de leurs moyens.Quelle transition énergétique pour les plus pauvres ?
En 2012, près de trois milliards de personnes dépendent de la biomasse pour leurs besoins énergétiques ce qui se traduit par une déforestation importante. Selon l’OMS, 1.3 millions de personnes décèdent chaque année à cause de la mauvaise combustion des appareils de cuisson et de chauffage. L’utilisation des lampes à pétrole et des bougies est aussi à l’origine de nombreux incendies. L’accès à une énergie efficace, sûre et moins polluante est à la fois un enjeu de développement économique et humain mais aussi un enjeu sanitaire et environnemental. L’accès durable à l’énergie doit reposer sur des formes d’énergie adaptées aux usages et aux besoins fondamentaux des populations les plus pauvres, et sur des technologies et des équipements les plus efficaces et les plus propres possibles. Il s’agit à la fois de répondre aux besoins immédiats et de favoriser le développement des plus démunis, en utilisant les ressources énergétiques les moins nuisibles pour l’environnement et le changement climatique. La production d’électricité, à partir de sources renouvelables non polluantes (solaire, hydraulique, éolien), chaque fois qu’elles sont disponibles localement, doit donc être favorisée. Comme le souligne le dernier rapport du GIEC (Groupement Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), les énergies renouvelables pourraient fournir les trois quart de la demande énergétique mondiale contre à peine 15 % à l’heure actuelle. Les expériences d’Electriciens sans frontières sont aujourd’hui une référence, qu’il s’agisse de l’utilisation de turbines hydrauliques au Laos ou au Népal, ou d’ensembles photovoltaïques pour alimenter des centres de santé à Madagascar, des écoles au Sénégal, ou des systèmes d’irrigation au Burkina Faso. Les centaines de projets conduits dans plus de 40 pays suffisent à montrer que, même dans les zones les plus déshéritées, l’usage de formes d’énergie performantes et naturellement propres n’est pas une utopie. Bien plus, le recours à des sources d’énergie locales et non épuisables, réduit la dépendance des populations concernées vis-à-vis de moyens traditionnels coûteux (pétrole, piles jetables) et souvent hors de portée pour les villages isolés. La transition énergétique vers les énergies renouvelables dans les pays en développement est donc à la fois possible et économiquement justifiée. Elle ne peut cependant réussir que si les actions mises en place sont ancrées dans la durée. C’est pourquoi la pérennisation est au cœur des projets portés par Electriciens sans frontières. Elle suppose d’abord une adéquation entre les services énergétiques rendus et les besoins des populations. Mais le bon fonctionnement des installations sur le long terme passe aussi par un transfert de compétences, des modules de formation adaptés, et un accompagnement afin que, sur le terrain, les acteurs s’approprient les technologies mises en place. La réussite des projets repose enfin sur la mise en place systématique d’activités génératrices de revenus destinées à financer la maintenance des matériels et à soutenir durablement l’émergence et l’activité d’opérateurs locaux. Depuis plus de 30 ans, les bénévoles d’Electriciens sans frontières, avec le soutien de nombreux donateurs et partenaires, mettent en œuvre et partagent leurs compétences pour développer un accès à l’électricité sûr, pérenne et respectueux de l’environnement au service des populations démunies. Au cœur de l’Afrique, au Cambodge comme au Pérou, leur action reste guidée par les mêmes principes fondamentaux : le recours privilégié aux énergies renouvelables, l’appui sur les acteurs locaux et la formation de techniciens. En articulant fourniture d’énergie pour les ménages ou pour des services collectifs, et création d’activités génératrices de revenus pour les populations locales, les interventions d’Electriciens sans frontières démontrent qu’il est ainsi possible d’assurer durablement cette transition énergétique indispensable au développement des plus pauvres de la planète.Electriciens sans frontières
ONG de référence dans le domaine de l’accès à l’énergie, Electriciens sans frontières conduit des projets de solidarité internationale au bénéfice de populations dont le développement et parfois la survie sont compromis, faute d’un accès sécurisé et pérenne à l’électricité. L’association met en outre ses compétences au service de nombreuses ONG et acteurs de la solidarité internationale pour réaliser à leur demande des missions d’expertise de leurs installations électriques à travers le monde. Elle est également mobilisable en tout temps en cas de crise humanitaire. Electriciens sans frontières rassemble 1 000 bénévoles, principalement des salariés ou ex-salariés de la filière électrique française. Depuis 1986, les bénévoles d’Electriciens sans frontières travaillent pour développer un accès à l’électricité sûr, pérenne et respectueux de l’environnement au service des populations les plus démunies de la planète. Le recours aux ressources locales et la formation de techniciens constituent les principes fondamentaux de ses interventions dans plus de 40 pays, visant à articuler fourniture d’énergie pour les ménages ou pour des services collectifs, et création d’activités génératrices de revenus pour les populations locales. S’inscrivant pleinement dans l’initiative de l’ONU, Electriciens sans frontières s’est fixé l’objectif de réfléchir avec l’ensemble de ses partenaires aux enjeux de l’accès à l’énergie pour tous. Les conclusions et propositions issues de cet échange seront partagées à l’occasion d’un colloque qui réunira l’ensemble des acteurs concernés au début de l’année 2013, en vue de faire émerger des stratégies de développement de l’accès de chacun à des ressources énergétiques fiables et peu coûteuses.Promouvoir les énergies durables au Tadjikistan
Les habitants des montagnes du Pamir au Tadjikistan utilisent extensivement une plante appelée « teresken » pour leurs besoins en énergie, surtout lors des hivers rigoureux. Un projet local, aidé par le PNUE, cherche actuellement d’autres alternatives pour protéger cette région de la désertification qui la menace. Par exemple, l’usage de sources d’eau chaude permet aux habitants de cultiver des légumes sous serre ainsi que de chauffer leurs maisons.