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Le point de vue des associations sur 18 ans de tri et de recyclage

Eco-Emballages : les points noirs du point vert

Par Les Amis de la Terre - le Cniid et Agir pour l'environnement

A l’occasion de la présentation à la presse par Eco-Emballages du Plan national du tri et du recyclage ce jour, les associations de protection de l’environnement le Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets), les Amis de la Terre et Agir pour l’environnement présentent une lecture critique du bilan du système de tri et de recyclage français. Elles rappellent à la même occasion les dysfonctionnements et les dérives trop souvent occultés du dispositif Eco-Emballages.

En mai dernier, Jacques Dermagne, Président du Conseil Economique, Social et Environnemental remettait la « Marianne d’Or » du Développement Durable à Philippe-Loïc Jacob, Président du Conseil d’administration d’Eco-Emballages, saluant ainsi « le travail mené depuis 18 ans par Eco-Emballages en faveur du tri et du recyclage dans les collectivités ». « Cette Marianne d’or du développement durable salue le travail réalisé par les équipes d’Eco-Emballages avec les entreprises, les collectivités, et les habitants. Aujourd’hui 63% des emballages ménagers sont recyclés, un vrai succès que l’on doit à l’engagement de tous » expliquait alors Philippe-Loïc Jacob… Un prix qui ferait presque oublier les déboires financiers de l’éco-organisme survenus en décembre 2008. Pour rappel, lire sur CDURABLE.info : « Eco-Emballages : plus de contrôles pour les éco-organismes », en cliquant ici. Mais pas seulement… Les ONG rappellent que si en 1992, l’Etat a confié à Eco-Emballages des missions d’intérêt général via un agrément qu’il lui a délivré, c’est pour « contribuer à la politique de prévention de la production de déchets d’emballages et favoriser la collecte, le tri et le traitement des emballages ménagers ». Selon une analyse critique réalisée par le Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets), les Amis de la Terre et Agir pour l’environnement, près de 20 ans plus tard, le compte n’y est pas…. Selon les trois ONG, si le tri a sensiblement augmenté, de nombreux points noirs ont entaché le dispositif du point vert : – les contributions des entreprises à l’éco-organisme n’ont pas permis une réduction significative du volume d’emballage – les performances de recyclage présentées par Eco-emballages sont surestimées – la prévention des déchets, priorité européenne et nationale, n’est toujours pas mise en œuvre efficacement bien qu’elle constitue une des missions de l’éco-organisme. « Nos associations souhaitent vivement que les pouvoirs publics soient enfin dotés de moyens de contrôle suffisants pour faire respecter les obligations assignées à l’éco-organisme dans le cahier des charges », explique Anne-Laure Wittmann des Amis de la Terre.

Les points noirs du point vert

Une analyse réalisée par Les Amis de la Terre – le Cniid et Agir pour l’environnement
Les Amis de la Terre, le Cniid et Agir pour l'environnement manifestaient ce mercredi 30 juin à l’occasion de la présentation à la presse par Eco-Emballages du Plan national du tri et du recyclage - Photo : Cniid
Les Amis de la Terre, le Cniid et Agir pour l’environnement manifestaient ce mercredi 30 juin à l’occasion de la présentation à la presse par Eco-Emballages du Plan national du tri et du recyclage – Photo : Cniid
La prévention des déchets : une mission non remplie « Elaborer un plan national du tri et du recyclage, comme présenté aujourd’hui, est une démarche qui va a priori dans le bon sens. Le Cniid, les Amis de la Terre et Agir pour l’environnement souhaitent cependant rappeler que la priorité est la prévention des déchets par leur réduction à la source, en particulier du nombre d’emballages. Force est de constater qu’en 18 ans, le dispositif Eco-Emballages n’a manifestement pas permis de réduire significativement le volume d’emballages mis sur le marché. La mission de prévention figure dans le cahier des charges d’Eco-Emballages seulement depuis 2004. Or l’éco-organisme a développé une politique « restrictive » sur les messages délivrés par les collectivités en matière de prévention. Cas exemplaire : le Syndicat Mixte Oise Verte souhaitant mentionner le geste de boire l’eau du robinet dans un guide destiné aux habitants s’est vu refuser les aides financières d’Eco-Emballages pour la communication. Les actionnaires d’Eco-Emballages, regroupant de grandes entreprises de produits de consommation courante, sont les premières à communiquer sur le tri, verdissant ainsi leur image, mais refusent catégoriquement toute communication sur la prévention des déchets, de peur que cela nuise à leur activité. Le Plan national du tri et du recyclage d’Eco-Emballages fixe un objectif de réduction de 100 000 tonnes des emballages mis sur le marché d’ici 2012. Les associations ne peuvent que saluer cette initiative. Mais les mesures pour l’atteindre demeurent floues. Elles reposent sur le renforcement de l’accompagnement des entreprises pour améliorer l’éco-conception de leurs emballages. L’éco-conception inclue la recyclabilité mais n’est pas forcément synonyme de réduction. Les associations demandent à Eco-Emballages d’arrêter son discours ambigu visant à assimiler prévention et recyclage qui sont deux choses distinctes. La prévention des emballages doit aboutir à une réduction significative en tonnage et en volume. L’amélioration de la recyclabilité des emballages, si elle est nécessaire, ne répond pas à l’impératif de prévention des déchets. En outre, sur les 16,2 millions d’euros de budget prévus pour la mise en œuvre du Plan national du tri et du recyclage, le montant alloué à l’atteinte de l’objectif de réduction de 100 000 tonnes des emballages n’est pas précisé ». Des performances de recyclage artificiellement gonflées « Il est certain que le taux de recyclage a augmenté sensiblement depuis 1992. Il est cependant difficile d’y voir clair concernant le taux de recyclage actuel des emballages : en effet, les statistiques produites par l’éco-organisme ne reflètent pas vraiment la réalité. Eco-Emballages le reconnaît dans le document de présentation du Plan national de tri et de recyclage transmis aux membres de la Commission Consultative d’Agrément. On peut lire page 10 et 11 que : – les taux de recyclage des métaux sont majorés (…) – le taux de recyclage du verre est surestimé (…) – le taux de recyclage des papiers et cartons, et dans une moindre mesure, celui du plastiques sont surestimés (…) » Quel est alors le vrai taux de recyclage des emballages ménagers ? Très difficile à savoir. « En effet, on peut, en lisant le document de présentation du Plan transmis à la CCA, lire et calculer trois taux de recyclage différents selon les données présentées : 55,8 %, 61,3 % ou 63 %. Il va donc être fastidieux de vérifier si l’objectif de 75 % de recyclage des emballages ménagers en 2012 (imposé par la loi dite Grenelle 1) est effectivement atteint étant donné que l’on ne dispose pas d’un chiffre correspondant à la réalité. S’il est difficile à calculer, la moindre des choses est d’indiquer une marge d’erreur. Le rapport d’audit interministériel publié en 2009 avait d’ores et déjà souligné que le taux réel de recyclage serait inférieur d’environ 10 % par rapport au taux affiché par Eco- Emballages (taux affiché fin 2009 de 61 %) ». Développer le tri mais pas à n’importe quelle condition « L’élargissement des consignes de tri pour les emballages en plastique est prévu pour 2015. D’autres emballages que les bouteilles et flacons pourront être triés. Si les associations s’en félicitent, elles souhaitent rappeler qu’une partie des emballages en plastique pourrait être évités (exemple des films et barquettes pour des fruits et légumes robustes) et devrait être retirée du marché. Le tri de ces emballages et leur recyclage ne permettent pas de justifier leur présence en magasin. Enfin, les différents types de plastiques arrivant en centre de tri ne seront pas forcément recyclés. Il y a un risque qu’une partie d’entre eux soient incinérés ou co-incinérés en tant que combustibles solides de récupération, notamment dans des cimenteries. Si l’élargissement des consignes de tri des emballages plastiques va dans le bon sens, elle ne doit pas donner lieux à des dérives menant à l’inaction en terme de prévention ou à l’incinération d’une partie des déchets triés. Les citoyens ne comprendraient plus l’intérêt environnemental de leur geste s’ils apprenaient qu’une partie des plastiques triés en plus des bouteilles finissaient dans des installations d’incinération ou de co-incinération ». Zones d’ombres sur les contributions des entreprises et les aides allouées « Comme le répètent depuis des années les associations de protection de l’environnement, le barème amont définissant les contributions financières des producteurs au dispositif Eco-Emballages ne les incite pas suffisamment à réduire les déchets d’emballages. Plus grave encore, selon les conclusions du rapport d’audit interministériel, l’éco-organisme ne calculerait pas comme il se doit ces contributions. Par exemple, certaines entreprises bénéficieraient encore des montants de contribution prévus dans l’ancien barème alors que le barème actuel les a augmentés. En aval, ce même rapport dénonce les modalités de la redistribution des contributions vers les collectivités. Les soutiens sont plafonnés à partir d’un certain tonnage d’emballages triés, n’incitant pas les collectivités à faire plus d’effort sur le tri et le recyclage. Le futur barème devra donc proposer un mécanisme de soutien linéaire afin de favoriser les collectivités qui auront les meilleurs taux de recyclage ». Des moyens de contrôle dérisoires pour un éco-organisme dont le budget dépasse les 400 millions d’euros « Le rapport d’audit interministériel soulève un autre problème de taille : le manque de moyens des pouvoirs publics pour contrôler l’éco-organisme. Ceci avait été mis en avant lors d’audits précédents (1998 et 2005) mais rien n’a été entrepris depuis pour y remédier. On peut notamment lire qu’« un agent à temps partiel au ministère en charge de l’environnement et un agent à temps partiel à l’ADEME ne représentent pas des moyens suffisants pour contrôler des éco-organismes qui disposent de plusieurs dizaines de collaborateurs et de budget de fonctionnement très supérieurs à ceux dont disposent les pouvoirs publics» (p.28) et que « les censeurs successifs ont indiqué qu’ils ne disposaient ni de l’autorité suffisante ni des moyens matériels pour exercer leur mission de contrôle.» (p.29). C’est notamment ce manque de contrôle qui a rendu possible les placements à risque d’Eco-Emballages dans des paradis fiscaux. Les mesures du Grenelle changeront-elles la donne ? On peut le souhaiter… mais on peut aussi en douter. Le Cniid, les Amis de la Terre et Agir pour l’environnement souhaitent vivement que les pouvoirs publics soient enfin dotés de moyens de contrôle suffisant pour faire respecter les obligations assignées à l’éco-organisme dans le cahier des charges. C’est en effet un des seuls moyens, sur le court terme, pour améliorer le dispositif, dans un contexte où Eco-Emballages est en position de force puisqu’il organise les filières de tri et de recyclage dans la quasi-totalité des collectivités, ne laissant ainsi aucune place à l’éventualité du non renouvellement par l’Etat de son agrément, quand bien même le cahier des charges n’est pas respecté. »

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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