Tribune sur l’affaire Doux co-signée par les élus écologistes : Anny Poursinoff, députée EELV de la 10ème circonscription des Yvelines – Joël Labbé, sénateur EELV du Morbihan – René Louail, Conseiller régional de Bretagne EELV et Brigitte Allain, députée EELV de la 2ème circonscription de Dordogne.
Le dépôt de bilan du groupe DOUX est une catastrophe sociale de premier plan. La fermeture de cette entreprise va entrainer la suppression de plus 3400 emplois salariés et risque de sonner le glas de 700 éleveurs. Elle est la démonstration évidente de l’absurdité du modèle agro-industriel soutenu à bout de bras par des subventions publiques. Depuis ses origines, le groupe DOUX a fonctionné sous perfusion d’aides publiques en engrangeant plus d’un milliard d’euros d’aides européennes ces quinze dernières années, ce qui représente l’équivalent du budget annuel d’une région comme la Bretagne. Rien que l’année dernière, le groupe DOUX a reçu 54,9 millions d’euros de subventions. Les écologistes n’ont eu de cesse de dénoncer la fuite en avant du libéralisme et du productivisme en agriculture. Les dégâts sont considérables en France. Ils le sont tout autant au Brésil où l’échec de DOUX se solde par la ruine de dizaines de milliers de familles paysannes. Le « modèle » breton est dans l’impasse, les conséquences économiques sont dramatiques pour la région. Outre le fait qu’il est indispensable de réaliser une expertise financière du groupe DOUX étendue au patrimoine du fondateur de cette entreprise, qui devrait être utilisé pour payer les pots cassés, il y a urgence à reconstruire une filière avicole qui réponde aux attentes de nos territoires en développant des produits de qualité à haute valeur ajoutée, intégrant notamment les pièces et la découpe pour créer de l’emploi agro-alimentaire, en même temps que les circuits courts. Au niveau européen, la réforme de la PAC qui est discutée au Parlement européen doit mettre un terme à cette logique de conquête des marchés mondiaux. Plus un centime de fonds publics ne doit être accaparé par des groupes de l’agro-alimentaire pour exporter et casser l’agriculture des pays du Sud, comme les élevages de volaille d’Afrique Noire. Si ces derniers veulent se battre sur le marché mondial qu’ils le fassent avec leurs fonds propres et pas avec l’argent des contribuables. Plus globalement, cette situation catastrophique du 3ème exportateur mondial de volaille montre à quel point une stratégie d’industrialisation, de baisse effrénée des coûts, de recherche du profit, stratégie qui se veut « concurrentielle » est en, réalité peu durable voire vouée à l’échec. Cet échec retentissant devrait être l’occasion d’ouvrir les yeux sur l’évolution de la filière avicole et d’en tirer les conséquences. La course à la concurrence de la France avec le Brésil, les Etats-Unis et la Thaïlande est sans fin, perdue d’avance, et se fait à coups (et à coût !) de sélections monstrueuses, d’aliments OGM, de soja destructeur de l’environnement, d’éleveurs et d’ouvriers surexploités et de menaces mondiales de grippes aviaires, virus en développement permanent dans des élevages concentrationnaires, en dépit du bon sens et du développement durable. Depuis plus de 20 ans, la filière volailles française a développé une stratégie perdante de haut de gamme avec des labels qui respectent mieux l’animal et la qualité du produit, mais ne correspondent qu’à une partie de la demande, et de bas de gamme pour l’exportation avec restitutions exorbitantes. Nous devons produire une volaille dans le respect de l’animal et de la qualité du produit, en accompagnant l’évolution de la demande européenne, mais aussi en marquant la différence auprès du consommateur, notamment sur l’alimentation, la santé des animaux et les conditions de travail dans la filière. Parallèlement à cet aspect de compétition et de spirale de la dégradation de la qualité, ces systèmes de production sont inacceptables sur le plan social, enfermant le producteur dans un système intégré dans lequel il n’a plus aucune latitude. Il est également inacceptable sur le plan du bien être animal, sacrifié aux impératifs de rendement et de productivité. Mais le consommateur doit être mieux informé de ces situations et les rejeter avec nous. L’évolution de l’aviculture doit s’inscrire du point de vue de la santé publique dans le cadre d’une diminution globale des consommations de viande dans nos pays développés, qui ne saurait se traduire par une augmentation d’exportations assujettissant les pays du Sud au lieu de promouvoir le développement de leur propre élevage face à leurs besoins. Enfin, l’ensemble des aspects de ce système intégré, de la recherche à la sélection, de la chaîne naisseurs/engraisseurs ou producteurs d’œufs à la production d’aliments et à la commercialisation, doit être globalement réorienté vers de nouveaux systèmes durables et souhaitables. Les ministres Stéphane Le Foll et Arnaud Montebourg, doivent se saisir d’urgence de ce dossier, et bâtir sur ce champ de ruines, avec tous les acteurs intéressés, une agriculture qui réponde aux attentes de nos concitoyen-ne-s, notamment via un plan de reconversion pour tous les éleveurs mis sur le carreau par ce système industriel bas de gamme. Il est temps de créer une agriculture locale et familiale, créatrice d’emplois et de dynamisme rural et respectueuse des ressources naturelles. La conférence de Rio aurait été bien inspirée de prendre à bras le corps le sujet de l’élevage industriel, par rapport auquel les citoyens du monde commencent à sortir de l’indifférence, réalisant l’horreur, l’indignité, les impacts avérés et les menaces croissantes que représentent ces usines à viande, de par le monde.