Parce que les enjeux du développement durable se situent à un niveau global et éloigné de notre réalité quotidienne, la nécessité du changement peut avoir du mal à nous concerner….une hypothèse pour y voir plus clair..
Deux environnements différents d’action
La résistance au changement et les freins observés concernant l’engagement en faveur du développement durable pourraient provenir du décalage entre deux types d’environnement: – notre environnement proche, immédiat, concret et familier qui nous concerne dans la vie de tous les jours, – et l’environnement éloigné et abstrait dans lequel nous devons nous projeter pour envisager les retombées potentielles de nos efforts de changement. Du décalage entre ces deux environnements pourraient surgir des facteurs de freins et de résistance. L’environnement dans lequel doit être prise la décision de s’engager en faveur du développement durable est en effet un environnement qui paraît abstrait, lointain et théorique d’une part, et d’autre part il semble entrer en contradiction avec notre environnement et notre mode de vie courant, qu’il faudrait remettre en question avec des efforts (en temps, en argent) et des dérangements. Cet environnement pour lequel il m’est demandé de me placer à un niveau global, celui de la « planète », est invisible pour moi, et de plus il peut me paraître hypothétique. Les deux environnements, celui que je vis, et celui dont on me demande de prendre conscience, ne se croisent pas forcément.Un peu d’imagination….
Outre le caractère lointain de cet environnement pour lequel je peux ne pas me sentir concerner, le développement durable pourrait demander un certain sens de « l’imagination » ! Pourquoi ? Pour identifier ces facteurs de résistance, amusons-nous à rechercher tout ce que nous devons nous dire pour nous convaincre, si nous ne sommes pas déjà convaincus, que le développement durable est une bonne chose. Pour m’engager en faveur du développement durable, je dois adhérer, sans avoir de preuve tangible au quotidien, à l’hypothèse (encore controversée par certains) selon laquelle : a) les changements climatiques sont une réalité, et constituent une situation sérieuse et menaçante b) l’activité humaine est responsable de ces bouleversements c) Mais ce n’est pas tout. Je dois aussi faire l’hypothèse que mon action individuelle à sa petite échelle, va avoir des conséquences concrètes alors que je connais bien, en même temps, la dimension dérisoire de cette action, et l’importance de la responsabilité de tous dans cette affaire. C’est pourquoi l’environnement dans lequel je me projette pour agir en faveur du développement durable est doublement abstrait et éloigné : a) je dois agir au nom d’une réalité non concrète et tangible au quotidien : les changements climatiques agissent à un niveau global, nos environnements proches ne sont immédiatement et visiblement touchés, et il y a débat sur un impact réel des problèmes environnementaux sur nos vies (les liens avec les maladies, le cancer sont encore parfois discutés, ou en tout cas manquent de preuves…) b) je dois agir en sachant que mes actions individuelles seront d’abord peu utiles avec peu d’impacts. Je dois faire le pari que cela créera un effet d’entrainement. Je dois pour ainsi dire m’aveugler sur les conséquences immédiates de mon action, ne pas me décharger de ma responsabilité sur autrui, faire comme si cela allait avoir un impact, parce que j’y crois… Dans un premier temps, lorsque j’agis en faveur du développement durable, ce sont d’abord des valeurs que je défends et une certaine vision du monde, avant de chercher un impact concret. Je dois penser que ces valeurs vont se diffuser et être suivies par d’autres. Seul l’effet d’imitation et d’entrainement créera une situation où un changement véritable et véritablement efficace sera possible. C’est en cela que le développement durable demande un certain sens de l’imagination et de la projection dans un autre environnement, où d’autres modes de vie, de fabrication et d’échanges sont possibles.Des pistes pour lever les obstacles :
Par rapport à l’environnement quotidien qui ne fait pas apparaître toujours l’urgence d’une action, et par rapport à l’impact réel des actions à notre petite échelle, dans les deux cas, il faut aller au-delà de la réalité. Tel pourrait être l’effort majeur à entreprendre. – Chercher le plus souvent possible des liens avec notre vie au quotidien (notre santé, notre porte-monnaie, notre confort de vie), et des gestes simples qui ont des conséquences immédiates pour nous, en plus d’agir plus globalement. – Faire prendre conscience de la réalité du problème et de notre responsabilité partagée (la science ne pourra pas résoudre les choses à notre place), sans dramatiser afin de conserver la sensation de notre utilité et de l’efficacité de nos actions. – Encourager la diffusion des convictions, et les systèmes de parrainage par lesquels chacun sent qu’il peut avoir un impact sur les autres et participer à étendre l’effort commun. Identifier ces décalages et ces résistances nous permet d’identifier en même temps des manières de lever ces obstacles. Elles ne sont pas révolutionnaires, mais plutôt simples et pourraient être efficaces. L’effort n’est pas énorme, ce sera notre conviction qui rendra notre action efficace. Laure Rivory