Deux habitants des îles Pitcairn ont parcouru des milliers de kilomètres à travers le monde pour se rendre à Marseille à l’occasion du 3ème Congrès International des Aires Marines Protégées et parler de leur rêve de protéger la plus grande réserve marine du monde. Melva Warren Evans et Simon Young expliqueront en quoi la constitution d’une réserve marine sera déterminante et bénéficierait à leurs îles et à ses habitants et pourquoi ils réclament au gouvernement britannique d’en faire une réserve. L’île, peuplée de 50 habitants et considérée comme la plus petite démocratie du monde (et l’ensemble de sa population a voté en faveur de la réserve), appelle à la création de la plus grande réserve marine du monde avec plus de 800.000 kilomètres carrés. En 2007, déjà, Global Ocean Legacy (GOL) avait identifié les Îles Pitcairn comme possible réserve marine de grande échelle.
Introduction
Global Ocean Legacy, projet de Pew Charitable Trusts et de ses partenaires, œuvre à l’adoption d’une nouvelle référence en matière de protection des écosystèmes océaniques : la mise en place, d’ici 2022, de la première génération de grands parcs marins à l’échelle de la planète. Ces dernières années, plusieurs évolutions prometteuses ont eu lieu, grâce à la création de grandes réserves marines intégralement protégées : en 2012, l’Australie prenait l’audacieuse décision de créer le Parc National Marin de la Mer de Corail, offrant ainsi une protection intégrale à quelques 502 000 km2 de récifs coralliens, atolls et autres reliefs hauturiers jouant un rôle écologique essentiel, puisqu’ils abritent 62 espèces menacées et protégées par l’État australien. Trois ans auparavant, le Royaume-Uni mettait en place dans l’Océan Indien la plus grande réserve océanique au monde : la Réserve Marine des Chagos, avec plus de cinquante îles et atolls coralliens dispersés sur 640 000 km2. En 2006, les États-Unis créaient le Monument National Marin de Papahanaumokuakea d’une étendue de 362 000 km2. Cette décision a permis de protéger plus de 7 000 espèces marines présentes dans les eaux des îles hawaïennes du Nord-Ouest, dont un quart sont endémiques.« Ces dernières années, plusieurs évolutions prometteuses ont eu lieu, grâce à la création de grandes réserves marines intégralement protégées .»Malgré ces évolutions positives, les écosystèmes marins de la planète continuent de subir de graves dégradations liées à la surpêche, à la pollution, aux changements climatiques et à diverses autres activités humaines qui menacent les modes de vie, la sécurité alimentaire et l’avenir économique de millions d’êtres humains. Il est impératif de mettre en place une meilleure gestion des océans pour préserver tous les aspects de la vie sous-marine et de ses services éco-systémiques qui sont d’une importance capitale. Selon la méthode de calcul retenue, on estime que 6% à 12% des terres émergées font l’objet de mesures particulières visant à protéger la biodiversité et les services éco-systémiques fournis aux sociétés humaines. À titre de comparaison, seul un centième de la surface océanique planétaire bénéficie de protections analogues (septembre 2013). La plupart des zones marines strictement protégées sont limitées en taille et proches du littoral. Elles offrent localement d’importants avantages en termes de conservation des espèces, là où la pêche est déjà très intensive. Toutefois, ces sites n’offrent que peu d’intérêt pour la protection des nombreuses espèces dont les aires de dispersion et de migration sont plus étendues. Les grandes réserves, en revanche, permettent aux divers processus écologiques de continuer à fonctionner plus ou moins comme ils le font depuis des millénaires. Pourtant, ces réserves sont aujourd’hui quasiment absentes de l’arsenal de protection et de gestion des environnements marins. Les grands parcs terrestres de la planète fournissent des services importants, en préservant les écosystèmes et les grands migrateurs, et en permettant le développement d’activités non-extractives telles que le tourisme. Si l’on veut rétablir et reconstruire l’environnement marin mondial, la planète doit se doter de réserves océaniques à une échelle comparable. Global Ocean Legacy intervient auprès des États, des collectivités locales et des scientifiques en vue d’identifier les possibilités d’action et de mettre en place la première génération de méga-réserves marines. Parmi ces écosystèmes, beaucoup n’ont jamais subi de pêches intensives et sont demeurés relativement intacts, relevant administrativement de pays disposant des moyens nécessaires pour assurer l’application et le respect d’éventuelles mesures de protection. Nous croyons fermement que la mise en place d’un réseau mondial de très grandes réserves océaniques intégralement protégées constitue une étape essentielle qui, même si elle intervient tardivement, permettra une gestion nettement améliorée de l’environnement marin mondial.
Argumentaire
La demande croissante de poisson par le marché, alors que le niveau des stocks est sur le déclin, signifie que même les sites les plus isolés et les plus éloignés risquent de facto de perdre leur fonction de réserves naturelles dans un proche avenir, à moins d’une amélioration radicale de la gestion et de la gouvernance des écosystèmes marins.« Il est impératif de mettre en place une meilleure gestion des océans pour préserver tous les aspects de la vie sous-marine et de ses services éco-systémiques qui sont d’une importance capitale »Le but de Global Ocean Legacy est d’identifier et de faire adopter des mesures de protection pour un nombre accru de grands écosystèmes océaniques, que leur isolement géographique suffisait à protéger jusqu’à récemment, et ce avant qu’ils ne subissent d’importantes dégradations environnementales. Les bénéfices escomptés de la mise en place de ces réserves sont, entre autres, les suivants : – Maintien de stocks abondants de grands prédateurs tels que requins, espadons et autres mammifères marins, ainsi que la préservation de réseaux trophiques intacts, qui avaient jusqu’ici été épargnés par la surpêche. – Établissement de sites de référence à des fins ultérieures de recherche scientifique et de sensibilisation du public. – Adaptation de l’échelle de la gestion à celle des grands processus éco-systémiques tels que la dispersion et la migration de nombreuses espèces. Les îles et les récifs océaniques sont généralement petits et relativement isolés les uns des autres par rapport à ceux des côtes continentales. Par conséquent, les espèces marines présentes sur ces sites isolés disposent, pour la reconstitution de leurs stocks, de sources moins nombreuses et plus éloignées. Une gestion efficace doit protéger l’ensemble du cycle de vie des espèces. – Amélioration de la capacité d’adaptation aux effets accélérés du changement climatique. Un nombre croissant d’études scientifiques montre que la protection de la structure des réseaux trophiques et le maintien des fonctions écologiques des espèces ciblées jouent un rôle critique en vue de renforcer la capacité d’adaptation et de prévenir les basculements d’équilibre ainsi que les réorganisations à grande échelle dans les écosystèmes dégradés. – Aide au rétablissement pérenne, à la conservation et au maintien des effectifs des espèces très mobiles et migratrices. Les grandes réserves couvrent des étendues océaniques suffisantes pour offrir d’importants habitats et refuges à des espèces telles que le thon, les requins, les oiseaux de mer, les tortues et les mammifères marins. – Mise en place d’un niveau de protection accru à un coût socio-économique minime. Les très grandes réserves marines intégrales sont particulièrement adaptées aux régions isolées et relativement intactes, car elles protègent la biodiversité, les espèces et les habitats dans des zones où les usages existants sont peu nombreux et où, par conséquent, le potentiel d’apparition de conflits et de coûts sociaux est minime. – Gain d’image pour les pays administrateurs à l’échelle mondiale. Les États ayant institué de vastes zones interdites à toute activité extractive feront figure de chefs de file en matière de bonne gestion innovante de la biodiversité marine.
Conclusion
Il n’existe, à l’échelle de la planète, qu’un nombre relativement réduit de régions intactes où il est possible de mettre en place, de faire fonctionner et de surveiller de très grandes réserves marines. Il est urgent d’en faire la priorité en matière de protection des océans, sur la base d’une forte adhésion des décideurs politiques et des populations.« La mise en place d’un réseau mondial de très grandes réserves océaniques intégralement protégées constitue une étape essentielle .»Pour tous les motifs susmentionnés, les signataires de la présente déclaration expriment leur soutien aux activités de Global Ocean Legacy. Nous sommes désireux d’œuvrer, de concert avec d’autres, à la constitution de ce patrimoine océanique légué aux générations futures et à l’humanité tout entière. Dr. Callum Roberts Professeur de Conservation Marine à l’Université de York (Département de l’Environnement) Dr. Terry Hughes Directeur du Centre d’excellence du Conseil Australien de la Recherche pour l’étude des récifs coralliens, Université James Cook, lauréat et attaché de recherche auprès du Conseil Australien de la Recherche (2012-2017) Dr. Carl Safina Président du Blue Ocean Institute, Professeur-chercheur à l’École des Sciences Marines et Atmosphériques de l’Université de Stony Brook – Contact : Robert Mazurek
3e Congrès International des Aires Marines Protégées (IMPAC)
Après l’Australie en 2005, puis les USA en 2009, la France accueille cette année le 3e congrès International des Aires Marines Protégées, du 21 au 27 octobre 2013, à Marseille et en Corse.
> Les acteurs des aires marines de tous les océans rassemblés à Impac3
Depuis sa première édition en 2005, le congrès international des aires marines protégées est l’occasion de faire avancer la protection des océans. Impac3 constitue une étape clef vers l’engagement international pris en 2010, à Nagoya, lors de la dixième Conférence des parties de la Convention sur la biodiversité biologique : protéger 10 % des océans mondiales d’ici 2020. Aujourd’hui, seuls 2 % sont protégés. La France a placé son ambition à 20% d’aires protégées, soit le double, dans le même horizon.
> Les Aires Marines Protégées dans le monde
L’océan nous rend des services stratégiques : pêche, régulation du climat, développement socio-économique… La mer nous procure aussi des bénéfices moins visibles mais tout aussi essentiels, d’ordre scientifique, culturel… Les aires marines protégées (AMP) permettent de gérer et de protéger durablement le milieu marin. Ce sont des espaces délimités en mer où l’homme, et notamment les usagers locaux, se fixent des objectifs de protection de la biodiversité et des écosystèmes à long terme. Le plus souvent, les aires marines protégées n’excluent pas le développement durable d’activités.
> La France et les Aires Marines protégées
Avec 11 millions de km² d’espaces maritimes répartis sur les océans du globe, la France possède le second espace maritime mondial. Elle héberge ainsi 10 % des récifs coralliens, 20 % des atolls, 6 % des monts sous-marins. Ces milieux sont d’une grande richesse biologique. Ils supportent de nombreuses activités économiques dont le développement non maîtrisé provoque des pressions sur les écosystèmes marins et les fragilise.
La France est donc particulièrement concernée par la mise en œuvre d’aires marines protégées. Son code de l’environnement les classe en 15 catégories réserves naturelles, parcs nationaux, parcs naturels marins, sites Natura 2000, sites du patrimoine mondial de l’humanité, sites Ramsar…). S’engager dans la voie de la protection du milieu marin amènera l’humanité à avoir une relation plus harmonieuse avec la nature.
> Le WWF est les aires marines protégées
Fort de son expertise le WWF portera et soutiendra, au cours de cette semaine de congrès, plusieurs projets d’AMP :
– L’initiative Nord du Canal du Mozambique, pour la création d’une aire de gestion et de conservation transfrontalière au nord du canal du Mozambique.
– L’initiative Marine Méditerranéenne, pour une garantie du maintien du capital naturel, l’essor économique et la production de moyens de subsistance durables via une gestion concertée et responsable des ressources de la Méditerranée.
– Initiative Mer de Corail, pour un accord bilatéral avec l’Australie.
– La création d’un réseau d’aires marines protégées entre les îles Crozet (France) et Edwards (Afrique du sud), pour la préservation de la biodiversité des îles de l’Antarctique du sud.
La France, une puissance maritime…de surface
Aujourd’hui s’ouvre le troisième congrès international des aires marines protégées (AMP) à Marseille. Pendant une semaine, les acteurs des AMP de tous les océans seront réunis en France. FNE attend qu’à cette occasion des engagements forts soient enfin pris par la France pour la création d’un réseau d’aires marines protégées sur son territoire.
Avec un espace marin grand de 11 millions de km², qui abrite 10% des récifs coralliens du monde et 50000 km² de récifs et de lagons, la France doit faire figure d’exemple en matière de protection du milieu marin. C’est pourquoi elle s’est engagée, à classer 20% des ses eaux en aires marines protégées d’ici 2020. Une belle ambition… sur le papier. Car l’actualité est plutôt au déclassement : les décrets de création de nouveaux parcs sont en cale sèche, les missions des parcs naturels marins en projet ont fermé, les vases du port de Loctudy sont immergées en pleine zone Natura 2000 en mer… Manifestement, les aires marines protégées ont disparu de la politique maritime française.
« Les engagements du gouvernement pour la mer à l’issue de la conférence environnementale sont très insatisfaisants, rappelle Bruno Genty, président de France Nature Environnement. Le congrès international des aires marines protégées est la dernière séance de rattrapage en la matière pour le gouvernement français… et un avant-goût de la COP Climat que la France accueillera en 2015. »
– Les demandes de France Nature Environnement
FNE demande de toute urgence la création du parc naturel marin du Bassin d’Arcachon, dont la phase de préfiguration est finalisée depuis plus d’un an ! Sur ce territoire, tous les indicateurs sont au rouge : pression démographique et urbanistique, dégradation du milieu, pollutions… Un parc marin, avec une gouvernance équilibrée, est indispensable pour protéger le patrimoine naturel du Bassin et les activités qui en dépendent.
En 2014, FNE demande également la création du parc naturel marin des Pertuis charentais et le lancement d’une mission d’étude en Corse. En Outre-mer, suite à l’appel à projet de l’Etat, FNE attend l’activation du projet de parc national zones humides en Guyane, à Kaw, dont l’un des deux axes concernait la zone littorale, et la création d’un parc naturel marin en Martinique.
« Accueillir un événement international ne suffit pas à faire une politique ambitieuse de protection du milieu marin, indique Denez L’Hostis, responsable du dossier Océans, mers et littoraux pour FNE. La France ne peut plus se contenter d’afficher ses ambitions à l’international : elle doit maintenant prendre des engagements fermes dans ses eaux marines. »