Ce Document de propositions de l’IDDR, centré sur le cas français des COP régionales de la planification écologique initiées à l’automne 2023, examine leur contribution à la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et propose des recommandations pour la poursuite des travaux des Régions.
COP régionales de la planification écologique :
quelles leçons en tirer ?
Les stratégies nationales françaises dédiées à la biodiversité mises en œuvre depuis le début des années 2000 ont jusqu’ici échoué à stopper sa perte. En cause, la difficulté à déployer les mesures à tous les échelons d’action, au-delà d’acteurs tels que le ministère et les agences de l’environnement ou les acteurs de la conservation, ainsi que leur caractère national, qui ne favorise pas la prise de mesures aux endroits et à l’ampleur les plus idoines.
Des innovations en matière de gouvernance ont été mises en place dans différents pays d’Europe au cours des deux dernières années afin de mieux porter la question de la biodiversité dans les projets de développement des territoires, comme la planification écologique en France, le programme national néerlandais pour les zones rurales (NPLG) et l’accord vert tripartite au Danemark.
Ce Document de propositions, centré sur le cas français des COP régionales de la planification écologique initiées à l’automne 2023, examine leur contribution à la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et propose des recommandations pour la poursuite des travaux des Régions.
Il pourra notamment informer la manière dont les COP se mobiliseront en 2025 autour des enjeux liés à l’adaptation à la suite de la présentation du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).
Messages Clés
Les enjeux de la biodiversité devraient, tout comme les questions climatiques, être abordés dans les COP de manière transversale. Les questions de restauration des écosystèmes concernent en effet par exemple les acteurs du logement, du transport ou de l’alimentation.
Cette transversalité est nécessaire pour assurer la cohérence entre les actions en faveur de la transition dans une perspective de « ne pas nuire »,
mais aussi pour identifier les solutions apportées par la biodiversité en faveur d’un développement territorial résilient.
La dimension de concertation des COP régionales pourrait être renforcée en croisant les expertises au sein des différents groupes thématiques, dans l’idée de construire une vision collective pour le développement social, économique et environnemental du territoire.
L’identification de projets spécifiques pour la mise en œuvre de la transition par les collectivités devrait découler de leurs besoins exprimés, en fonction de leurs enjeux prioritaires de développement territorial, plutôt qu’être opérée de
manière descendante à partir des leviers identifiés au niveau régional. Cette approche améliorerait l’appropriation des leviers par les collectivités et la pertinence des projets proposés.
La prise en compte de la biodiversité dans les feuilles de route régionales de la planification écologique doit faire l’objet d’une amélioration constante, afin d’assurer une déclinaison adéquate de la SNB.
La mise en œuvre du PNACC, mais également l’élaboration du plan national pour la restauration de la nature, sont l’occasion de revenir sur le sujet de la biodiversité dans les COP régionales et de déployer les modalités de gouvernance présentées.
5 critères de réussite de la planification écologique
Le tour d’horizon de la littérature1 par Mariam Fofana et Agnès Hallosserie pour l’Iddri, a permis d’identifier cinq critères de réussite de la planification écologique, qui dépassent la seule biodiversité ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre et soulignent la nécessité d’une approche intégrée à l’ensemble des enjeux d’un territoire et leurs interactions.
- Définition claire des objectifs : fixer des objectifs précis dans le temps et l’espace pour une planification mesurable.
- Inventaire et analyse des données : intégrer une vision transversale des interactions du système grâce à une collecte et une analyse approfondies des données.
- Pertinence des propositions : enrichir la planification par des données socio-économiques (utilisation des forêts, poids industriel, sensibilités culturelles) pour une prise en compte globale de la biodiversité.
- Scénarios alternatifs et concertation : proposer des scénarios alternatifs permet d’élargir les sphères de concertation et de faciliter les négociations entre acteurs, en recherchant un consensus sur les objectifs et les méthodes.
- Mise en œuvre, suivi et évaluation : assurer un suivi rigoureux avec des rôles clairs, en tenant compte du soutien politique à toutes les échelles et des priorités sectorielles et territoriales.
Ces recommandations soulignent l’importance de « spatialiser » le dialogue, afin d’identifier les points de tension et localiser précisément les zones où les interventions sont les plus pertinentes. Les outils de modélisation, comme la cartographie ou les systèmes d’information géographique, sont efficaces pour cette démarche, à condition que leur lecture soit simplifiée afin que chacun puisse les comprendre et les utiliser.
De plus, bâtir les conditions propices à un consensus dès les premières étapes de l’élaboration des plans reste un défi majeur. Enfin, bien que l’approche participative nécessite des ressources humaines et financières importantes, elle reste souvent essentielle pour renforcer les collaborations, aligner les intérêts des acteurs et construire un langage commun, clé de la réussite de la planification écologique (Iddri, 2024).
- Cette revue de la littérature repose sur la compilation de 80 articles publiés entre les années 1970 et aujourd’hui, dont 10 ont été sélectionnés pour une analyse approfondie. À noter que cette recherche ne visait pas à évaluer les plans ou politiques publiques de planification mentionnés dans la littérature ↩︎
Synthèse de la revue de littérature relative à la planification écologique
Biodiversité et planification écologique
Explorer le potentiel des politiques de planification écologique pour atteindre les objectifs pour la biodiversité
Contexte et enjeux
Les politiques intégrées pour l’environnement, impliquant une coordination entre les différents secteurs afin de réduire les impacts de l’aménagement du territoire et des activités économiques, sont identifiées depuis plus d’une décennie comme un enjeu majeur pour lutter contre le déclin de la biodiversité.
Cependant, ces appels n’ont pas porté leurs fruits et le « verdissement » des secteurs en faveur de la biodiversité au cours de la dernière décennie n’a pas été à l’échelle.
L’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, publiée en 2019 par l’IPBES (Plateforme scientifique et politique intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), souligne que la planification multisectorielle et la création d’équilibres localement pertinents sont des approches pour atteindre la durabilité.
La planification écologique et ses concepts apparentés relèvent de ces approches promues par l’IPBES. Cependant, leur application tâtonne. Des initiatives telles que la planification écologique en France permettent d’étudier la mise en application de ces politiques intégrées et la manière dont elles peuvent répondre aux enjeux environnementaux, à différentes échelles.
La « territorialisation » (déclinaison dans les régions) de la planification écologique donne du corps aux transitions sectorielles, en les inscrivant dans le contexte des écosystèmes naturels en présence, avec les enjeux qui leur sont propres.
La planification écologique révèle les usages conflictuels potentiels des terres et des mers, entre les activités existantes (par exemple, l’agriculture intensive) et les enjeux environnementaux, ou entre enjeux environnementaux eux-mêmes (course à l’espace pour la production durable pour l’alimentation humaine, animale, l’énergie issue de la biomasse ou l’implantation d’infrastructures de production d’énergie renouvelable, et la conservation de la biodiversité).
Elle rend ainsi plus explicites les conséquences des choix d’aménagement des territoires. En soulignant le rôle des élus locaux dans la planification écologique, la territorialisation permet également de rapprocher ces enjeux des citoyens, en les remettant en contexte dans l’environnement proche de chacun.
Si la dimension climat (atténuation, adaptation) est relativement bien prise en compte dans ces politiques, c’est moins le cas pour la biodiversité, qui est pourtant le deuxième pilier de la transition écologique. La biodiversité reste traitée dans les politiques comme une contrainte ou un élément limitant, nécessitant une gestion des impacts.
Cela met en difficulté la réalisation des objectifs adoptés dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (CDB) ou des stratégies nationales qui en découlent, et limite les réponses apportées dans les autres champs de la planification écologique (logement, climat, agriculture etc.), qui sont alors majoritairement technologiques ou techniques.
Une approche tenant compte de la biodiversité appellerait des transformations plus systémiques.
Objectifs
L’Iddri observe et analyse ces processus politiques en France, afin de confirmer leur potentiel pour renouveler la gouvernance et la mise en œuvre des politiques pour la biodiversité, y compris dans leur articulation avec les enjeux climat.
L’objectif est d’en tirer :
- une analyse critique de la manière dont la planification écologique, dans ses dimensions spatiale, temporelle et relative à la gouvernance, intègre les enjeux pour la biodiversité, en lien avec les stratégies nationales pour la biodiversité ;
- la formulation de propositions, notamment en termes de méthode et de gouvernance, pour améliorer la manière dont la planification écologique contribue à l’intégration de la biodiversité dans l’aménagement du territoire et les activités socio-économiques.