La 8ème édition des rencontres européennes de la participation s’est tenue à Toulouse en juillet 2024. Organisées par Décider ensemble, elles ont rassemblé près de 2000 praticiens de la participation venus de toute l’Europe. La thématique de 2024 « Comment la participation peut-elle accompagner les transitions de demain ? » a donné lieu à une centaine d’ateliers, de débats, dont deux animés par la Région Occitanie avec le concours de l’équipe de la Région Citoyenne. Exemples d’outils innovants, pour mettre en pratique la démocratie participative, présentés lors de ces Rencontres.
Comme chaque année, l’objectif est de poser sur la table les freins, les écueils, les leviers de la participation, et ce sous toutes ses formes. Les intervenants venus de tout pays, viennent apporter témoignages et expertises, soulever des questions, proposer des outils innovants pour mettre en pratique la démocratie participative.
« Intégrer et toucher les 15–30 ans : l’un des défis des instances de concertation citoyenne ? »
Animé par Marine Naudon, chargée de mission à la Région Occitanie
« Nous sommes en 2101 et vous êtes membre d’une association dont la mission est d’assurer et de garantir la représentativité des citoyens. Vous avez eu accès lors de vos recherches à des dossiers d’archives sur des méthodes de participation chez les 15–30 ans. » Voilà le postulat de départ de l’atelier réalisé par Marine Naudon, chargée de mission à la Région Occitanie. Les soixante personnes inscrites ont eu entre les mains des scénarios futuristes réalisés en amont avec des membres du conseil régional des jeunes. Un futur où, par exemple, une grande partie de la population est exclue du numérique. Un monde où les jeunes « ultra-connectés », sont paradoxalement « civiquement déconnectés ». Un autre scénario nous plonge dans un monde idéal, transgénérationnel, où l’on vit dans des habitats partagés. Pour Marine Naudon, il s’agissait de « susciter des réactions positives comme négatives, de s’extraire du présent et de ses contraintes pour se projeter dans un futur plus ou moins proche, possible ou non. L’objectif de ce voyage permet de renouveler notre regard sur les enjeux actuels de la participation chez les jeunes. » De cet atelier interactif et prospectif, différentes pistes ont émergé pour répondre à cet enjeu : donner aux jeunes le même poids dans la gouvernance; leur préserver des espaces informels et adaptés pour dialoguer. Il ressort également qu’il faut les accompagner dans la prise de parole en public, ou encore imaginer des évènements festifs et faire de l’intermédiation créative. Et enfin, autre préconisation qui est ressortie de cette plongée dans le futur : créer des passerelles entre les générations comme par exemple l’expérience de l’habitat partagé.
« Co construction d’un outil d’évaluation des coûts et bénéfices de la participation »
Animé par Alice Scotti, doctorante; CIRAD – UMR G-EAU et Julia Denat, chargée d’évaluation et de valorisation des démarches participatives à la Région Occitanie.
Alice Scotti est partie du constat que dans le domaine de la participation citoyenne, de très nombreux analystes ou acteurs pointent une problématique d’évaluation. Or chaque démarche devrait faire l’objet d’une analyse rétrospective, afin de rentrer dans un processus « d’amélioration continue ». Elle préconise « d’enclencher pour chaque démarche un cycle d’évaluation : schématiquement : les « plus », les « moins », les améliorations à apporter, ce qui permet de structurer encore mieux les démarches suivantes. » Les échanges lors de cet atelier ont souligné l’importance de développer des outils d’évaluation adaptés, de considérer la diversité des coûts et des bénéfices, de promouvoir la transparence et la communication, et d’impliquer activement les parties prenantes dans le processus d’évaluation pour garantir la réussite des projets participatifs.
« Une commission consultative à la campagne, quesaquo ? »
En 2023, le département du Gers met en place une commission consultative citoyenne chargée de contrôler le dispositif du budget participatif : composée à parité de femmes et d’hommes, la CCC analyse et fait le bilan du dispositif. Cette instance de démocratie participative est composée de 68 citoyens, qui prennent part aux débats et aux prises de décisions politiques et font remonter les attentes des Gersoises et des Gersois dans leurs territoires. La commission et l’assemblée départementale travaillent de concert autour de questions aussi diverses que les enjeux de la ruralité, de la biodiversité, de la mobilité, ou encore de la formation de la jeunesse à la pratique de la politique. Lors des échanges, les participants se sont interrogés sur le volet formation des citoyens. L’occasion pour les membres de la CCC de témoigner de leur prise en charge : « Dès le début du mandat citoyen une mallette numérique contenant de la documentation est remise à tous les citoyens titulaires. Les outils numériques cloud, courriels, klaxoon servent à compléter l’animation et conviennent aux conseillers citoyens de cette commission. »
« Mettre le citoyen au centre de nos projets de construction »
Animé par UrbanLink et de la DREAL Grand Est
Comment intégrer les usagers dans la transformation des espaces urbains, pour qu’ils soient au centre des projets de construction ? Comment et par quel biais s’exprime ce diagnostic social ? Pour les usagers qui font remonter leurs avis, se pose la question de où remonte cet avis, et de sa réelle traçabilité. L’expérience de UrbanLink et de la DREAL Grand Est a mis en exergue la dimension fédératrice des projets de rénovation : ils servent de catalyseurs pour connecter les citoyens entre eux. En encourageant la participation active des résidents, ces projets sont des opportunités pour créer des échanges qui ne se produiraient peut-être pas autrement. Par exemple, la conception d’espaces partagés comme des jardins communautaires, des aires de jeux ou des places publiques incite les habitants à se rencontrer et à tisser des liens. Pour optimiser le processus de co-conception, l’équipe de Urban Link utilise des outils type City Builders BIM. Ils permettent de visualiser les propositions des usagers dans un modèle 3D, facilitant ainsi la collaboration entre les différentes parties prenantes et assurant que les idées des utilisateurs sont intégrées de manière efficace et visible.
« Institutionnaliser la participation, innovation ou fossilisation ? L’exemple de la Belgique »
Institutionnaliser la participation citoyenne est-ce la cristalliser ? Quelle évolution du dispositif ? Ces questions étaient le point de départ de cette rencontre qui réunissait des représentants des Commissions délibératives mixtes du Parlement francophone bruxellois et le Service de la Participation de la Région bruxelloise. « Institutionnaliser permet-il vraiment d’innover ou de garder une liberté de ton et une indépendance ? » Question majeure, d’autant que la Belgique est devenue un laboratoire de l’innovation démocratique. Une des innovations est l’institutionnalisation du suivi de l’Assemblée citoyenne. Institutionnaliser c’est d’un côté, reconnaitre et valoriser la participation. Mais pour Jonathan Moskovic, ancien conseiller en innovations démocratiques au Parlement francophone bruxellois, à l’initiative des commissions délibératives mixtes, les risques sont de tomber dans une forme de fossilisation avec, précise-t-il « le risque d’un système qui ronronne, s’installe dans la routine. Les enjeux sont de trouver un équilibre, de cadrer sans trop scléroser les choses. » Les intervenants témoignent d’une administration investie, un gage de qualité pour le processus. « Le politique change mais l’administratif reste. Elle est le relais entre les experts et le parlement. » précise Jonathan Moskovic.
« Comment mobiliser en milieu rural sur les enjeux de transition écologique ? »
Intervenants : WPD (énergéticien européen), et l’association CPIE Val de Gartempe.
Wpd onshore France a présenté un projet éolien dans la Meuse. Ce projet a été réalisé avec une Assemblée Citoyenne d’une cinquantaine de participants. Ce sont eux, accompagnés par les intervenants de wpd, qui ont proposé un dimensionnement, une implantation et in fine l’ensemble du projet de territoire. Un projet éolien dans un village près de Nancy (180 habitants) a été co-décidé avec une assemblée d’une centaine de citoyens. Des ateliers de concertation ont permis d’ajuster les mesures en termes d’aménagement, de protection et d’environnement. Ainsi, l’axe de l’éolienne a été modifié suite à ces concertations, et les citoyens ont pu être informés des étapes de construction.
L’association CPIE Val de Gartempe est venue témoigner de 3 projets partagés : le réaménagement d’un espace qui a été réalisé en s’appuyant sur des rencontres avec les habitants et les élus et, via des ateliers participatifs, avec des enfants. Pour impliquer les citoyens dans une meilleure connaissance de leur patrimoine, l’association a mis en place des balades prospectives, et l’invitation à participer à l’élaboration d’un PLUI. Le troisième projet réunissait différents acteurs citoyens, – commune, région, agence de l’eau – avec pour objectif : « Mettre les lunettes des autres », et croiser les regards autour de l’eau à travers un jeu de rôle. Il est ressorti de cet atelier différentes priorités : informer dès le début pour éviter les a priori, associer les citoyens à toutes les étapes de la conception à la finalisation ; rapprocher les élus des citoyens ; passer par les écoles pour développer la participation ; adapter les outils numériques aux personnes âgées ; aller sur des points clefs de rencontre pour communiquer sur les démarches, et enfin adapter le discours selon les profils des citoyens.
Les prochaines rencontres européennes de la participation se dérouleront du 17 au 19 mars à Strasbourg.
- Pour en savoir plus : Les Rencontres Européennes de la Participation à Rennes