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Montagne et climat

Changements climatiques : comment les professionnels de la montagne s’adaptent à l’inéluctable

Par Olivier Giraud

Particulièrement touchée par la crise climatique, la montagne est au cœur des changements de pratiques. Les divers acteurs de son économie y répondent par l’anticipation et la résilience.

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L’évolution progressive du business model

Le changement climatique pousse en premier lieu les professionnels de l’industrie outdoor à revoir leurs pratiques. En mars 2022, L’Usine Nouvelle rapportait que plusieurs d’entre eux se sont tournés vers l’écoconception, le recyclage ou encore le Made in France. Rossignol, la célèbre marque de skis, a pris les devants pour répondre au changement climatique tout en pérennisant son activité économique. L’équipementier a présenté son nouveau modèle de ski, Essential. Là où ses autres modèles ne sont recyclables qu’à 7%, celui-ci le sera à 75% grâce au faible nombre (sept) de matériaux utilisés pour sa conception et la priorisation de ceux qui sont facilement recyclables. L’objectif est de préserver la planète au moyen d’une pression allégée sur l’exploitation de ses ressources. Comme le précise David Bouvier, directeur marketing du ski de l’entreprise, « nous avons l’ambition qu’un tiers de nos skis s’intègrent dans une démarche d’économie circulaire d’ici à 2028 ». Fabriqué à Sallanches, Essential a d’ailleurs remporté fin juin 2022 le prix de l’économie circulaire au cours des EcoSport Awards.
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En raison du changement climatique, le groupe Rossignol a par ailleurs lancé un projet pilote, la première station multi-activités Outdoor Experiences, à Drouzin-le-Mont. Plutôt que de dépendre des seuls sports d’hiver, l’offre proposée est multi-saisons et sans remontées mécaniques. Cette approche entend répondre aux attentes des usagers pour une modification des pratiques en faveur de l’environnement. Les activités comprennent entre autres le VTT électrique, la marche nordique ou le ski de randonnée. Fort d’une trentaine de stations de trail, le réseau développé par Rossignol totalise plus de 500 parcours. Si toutefois le retour sur investissement de cette activité reste actuellement faible dans le chiffre d’affaires global du groupe, il s’agit pour lui de démocratiser les pratiques « douces » ou naturelles de la montagne. Avec son rôle d’ingénierie touristique, Rossignol apporte son nom, sa publicité, du matériel et une aide pour numériser la station en l’échange d’un abonnement payé par cette dernière. Ce souci de l’environnement se retrouve également au sein de structures hôtelières, à l’instar d’Almaé Collection.

Le développement d’une pratique globale

De loin, une image d’Épinal colle au monde du luxe : la dépense. Dans tous les domaines, le haut de gamme serait une affaire de prestige dont la mesure serait exclue. Étoile montante de l’hôtellerie, le groupe Almaé Collection de Vincent Gombault, ancien gourou de la finance ayant fait fortune, démontre le contraire. Inscrit dans les préoccupations environnementales, Vincent Gombault s’est appuyé tant sur son expertise que sur sa passion hôtelière pour adapter sa chaîne au défi climatique. Porte-étendard d’Almaé, l’hôtel cinq étoiles l’Armancette, établi à Saint-Gervais-les-Bains, a déjà intégré malgré son jeune âge le club exigeant des Leading Hotels of the World (LHW). Sise à New York, cette filiale d’Hotel Representative Inc. représente près de 400 hôtels de luxe dans plus de 80 pays. Or cette organisation a fait sienne les questions de durabilité et de responsabilité environnementale. Vincent Gombault n’a toutefois pas attendu cette reconnaissance pour appliquer la philosophie du « prendre soin » et intégrer l’écologie dans l’ADN d’Almaé. Enfant, Vincent Gombault passait ses vacances à Saint-Nicolas-de-Véroce, un lien dépassant le simple attachement. Dans le numéro d’hiver 2018/2019 de Projections, journal de Saint-Gervais, il fut ainsi remercié nommément pour son soutien financier en faveur de la restauration de la chapelle des Chattrix ainsi que de la chapelle des Plans. Pour Chattrix, le journal évoquait l’« engagement sans faille » de Vincent Gombault à « préserver et valoriser le patrimoine local », vers lequel il est finalement revenu, après une carrière brillante dans les fonds d’investissement. Son groupe Almaé a intégré cette approche dans son activité. Le dossier de presse de l’Armancette insiste sur sa défense d’une « montagne préservée ». En plus d’intégrer le recyclage à ses pratiques à l’instar de Rossignol, l’hôtel travaille de manière poussée avec des associations variées. Chacune dans leur domaine respectif, elles accompagnent l’hôtel dans ses objectifs. Protect Our Winters par exemple, « sensibilise et conseille l’hôtel dans ses démarches quotidiennes pour lutter contre le changement climatique ». Dans le même ordre d’idées, L’Armancette a planté des fleurs mellifères et installé des ruches pour aider à la survie des abeilles et créer son propre miel. Le lieu dispose enfin de recharges pour véhicules électriques dans son garage, privilégiant ce mode de transport plus écologique. D’autres acteurs, comme les guides de montagne, doivent pour leur part envisager des changements plus radicaux dans leur activité.

Une réponse réactive et multiple

À l’occasion du bicentenaire de sa fondation, en 2021, la Compagnie des Guides de Chamonix a publié, en coopération avec le Syndicat des Guides de Montagne, la Mairie de Chamonix et l’Office français de la Biodiversité, un livret intitulé « Les guides de montagne et le changement climatique : une histoire d’adaptation ». S’il y est rappelé que le changement est une constante de ce métier, l’accélération du changement climatique est considérée comme un facteur à lourd impact. Guide et président de la Compagnie, Olivier Greber souligne que cette « préoccupation majeure » va nécessiter une approche multiple : déplacement de la saisonnalité, fréquentation de nouvelles zones, « non impactées par la dégradation du permafrost », voire une diversification socio-économique et la recherche de revenus complémentaires pour les professionnels. Le livret anticipe néanmoins des opportunités. Le prolongement des saisons douces devrait probablement accroître l’attractivité de la montagne et faciliter les métiers d’accompagnateur et de guide en hors-saison.
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En complément à cette adaptation, la Compagnie des Guides de Chamonix a créé, à nouveau en 2021, le Fonds pour l’environnement et la haute nature (FOEHN). Son objectif est de soutenir des actions de protection de l’environnement en général et plus spécifiquement à la montagne. Le fonds s’articule autour de trois grands piliers : l’observation, la protection et la sensibilisation. Ses missions intègrent notamment le nettoyage ou la gestion du milieu montagnard, un soutien à la recherche, ou encore à la restauration des écosystèmes. Pour mener sa tâche à bien, il compte sur les dons de particuliers et d’entreprises. Avec ses propres ressources, le Fonds a financé en 2022 un cycle de formation gratuit auprès des enfants de la vallée de Chamonix, avec une découverte des espèces et des habitats, mais aussi une sensibilisation « aux enjeux auxquels la vallée est confrontée dans le contexte du réchauffement climatique ». Malgré cet ensemble d’actions et l’adaptabilité de la profession, la Compagnie admet qu’elle devra, à court et moyen long terme, repenser la pratique de son activité. Somme toute, les professionnels de la montagne ont chacun trouvé des manières de s’adapter au changement climatique, dans l’attente des évolutions encore incertaines des années à venir.

 

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