La hausse des températures est indéniable. Le mois de novembre 2010 à lui seul serait même le plus chaud à l’échelle mondiale depuis 1881 selon le Goddard Institute for space studies, un laboratoire de la Nasa. Et pourtant, les hivers qui se suivent en France et en Europe depuis 10 ans sont plus rigoureux. Pourquoi ? Selon une nouvelle étude scientifique publiée au début du mois de décembre 2010 par le Journal de Recherche Géophysique, le coupable serait la fonte de la calotte glaciaire arctique. Le réchauffement a entraîné sa réduction de 20% ces 30 dernières années. D’ici la fin du siècle, elle pourrait même avoir disparu. Résultat des courses : la surface du globe à cet endroit se réchauffe, la mer devient plus chaude que l’air ambiant dans cette zone polaire. Conséquence : le choc entre une mer réchauffée et un air plus froid génère une pression qui pousse l’air polaire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, c’est-à-dire vers l’Europe. Ainsi, alors que des records de froids ont été enregistré en France en novembre, au Groenland, les températures n’ont jamais été aussi douces…
Une mer sans glace, et c’est tout le système de pressions qui s’en trouve bouleversé « Mettons que l’océan soit à zéro degré », explique mardi à l’AFP Stefan Rahmstorf, spécialiste du climat au prestigieux Institut Potsdam (Allemagne) pour la recherche sur l’impact climatique. « Il est ainsi beaucoup plus chaud que l’air ambiant dans cette zone polaire en hiver. Vous avez alors un important flux chaud qui remonte vers l’atmosphère, que vous n’avez pas quand tout est recouvert de glace. C’est un changement énorme », ajoute-t-il. Le résultat, selon cette étude publiée par le Journal de Recherche Géophysique, est un système de hautes pressions qui pousse l’air polaire, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, vers l’Europe. « Ces anomalies pourraient tripler la probabilité d’avoir des hivers extrêmes en Europe et dans le nord de l’Asie », y explique le physicien Vladimir Petoukhov, qui a dirigé l’étude. D’autres explications pour ces hivers atypiques, comme une baisse de l’activité solaire ou des changements dans le Gulf Stream, « ont tendance à en exagérer les effets », ajoute M. Petoukhov. Il souligne également que lors de l’hiver glacial de 2005-2006, quand les températures étaient de 10° inférieures à la normale en Sibérie, aucune anomalie n’avait été constatée dans l’oscillation nord-atlantique, phénomène météorologique avancé par certains comme une explication possible de ces hivers rigoureux. Les chercheurs soulignent que ces hivers particulièrement froids en Europe ne reflètent pas la tendance globale constatée sur l’ensemble du globe, où 2010 devrait être l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées. « Quand je regarde par ma fenêtre, je vois 30 cm de neige et le thermomètre dit -14° », raconte M. Rahmstorf, qui s’exprimait au téléphone depuis Potsdam. « En même temps, au Groenland, nous sommes au-dessus de zéro en décembre ». Décidément, on en perd le Nord !