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La reconnaissance par l’ANSES de la toxicité à faible dose du BPA ouvre-t-il enfin la voie à son interdiction ?

Bisphénol A : l’Anses confirme les risques mais l’industrie chimique veut retarder son remplacement

Mardi 27 septembre, l’ANSES a rendu public deux nouveaux rapports sur les effets et les usages du bisphénol A, ce composé dont l’usage a été interdit il y a quelques mois pour la fabrication des biberons. Sa toxicité semble se confirmer, avérée chez l’animal, suspectée chez l’homme, notamment en ce qui concerne le développement du système de reproduction (perturbateur endocrinien). Selon le Réseau Environnement Santé, leurs conclusions devraient conduire à une extension de l’interdiction de ce perturbateur endocrinien. Mais, l’industrie chimique ne l’entend pas ainsi …

Afin de réduire le niveau d’exposition des populations les plus sensibles, femmes enceintes ou allaitantes et jeunes enfants, l’Anses a recensé les produits susceptibles de contenir du bisphénol A. Pour mieux évaluer l’impact du bisphénol A (BPA), les experts de l’Anses ont passé au peigne fin plus de 70 nouvelles études publiées entre juin 2010 et janvier 2011, ainsi que divers documents d’expertise internationaux récents. Ils se sont intéressés notamment intéressés aux effets du BPA sur 8 organes ou systèmes : systèmes reproducteurs mâle et femelle, cerveau, système cardio-vasculaire, thyroïde, système immunitaire, intestin, prostate et sein. Résultats, chez l’animal, le bisphénol A a des effets délétères démontrés sur la reproduction et la glande mammaire, le cerveau et le comportement, le métabolisme des glucides (sucres) et des lipides (graisses). Chez l’homme, les effets suspectés concernent la reproduction, les maladies cardio-vasculaires et le diabète. Fait marquant, le bisphénol A serait toxique à faible dose d’exposition, inférieure à la DJA (dose journalière admissible) actuellement en vigueur en Europe, au moins durant certaines périodes du développement (vie fœtale et premiers mois suivant la naissance). Bien que l’évaluation des risques ne soit pas terminée, l’Anses affirme comme objectif prioritaire la prévention de l’exposition des femmes enceintes ou allaitantes, des nourrissons et des jeunes enfants. – Télécharger les rapports de l’Anses « Effets sanitaires du bisphénol A » et « Connaissances des usages du bisphénol A » au format PDF en cliquant ici. Simultanément, l’Anses a mené une recherche sur les usages du bisphénol A, qui peut entrer dans la composition de divers plastiques et résines. Des DVD aux lunettes, en passant par les phares de voitures et certains revêtements de sol, le bisphénol A est omniprésent. Mais il pose essentiellement problème lorsqu’il se trouve dans un matériau ou un récipient en contact avec les aliments : revêtement intérieur des canettes et boîtes de conserves, bonbonnes, bouteilles, gourdes, bouilloires, vaisselle en plastique, voire dans un jouet ou article de puériculture. Avant d’émettre de nouvelles recommandations, l’Anses souhaite faire le point avec les industriels sur les composés qui pourraient être employés en substitution au bisphénol A, et dont des données scientifiques devront démontrer l’innocuité. En effet, la récente affaire du bisphénol S rappelle qu’il est nécessaire de trouver un produit de substitution du BPA réellement inoffensif, sans quoi, l’interdiction de ce composé n’a que peu d’intérêt. Enfin, puisque la réglementation relative au bisphénol A (notamment fixation de la DJA) est du ressort des instances européennes, l’Anses transmet ses travaux à ses homologues européens, EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et ECHA (Agence européenne des produits chimique). Cet appel à contributions est ouvert jusqu’au 30 novembre 2011. Il vise à recueillir des données scientifiques, notamment sur les produits de substitution du bisphénol A disponibles en fonction des usages, afin de les prendre en compte dans l’avis que l’Anses rendra début 2012 en première réponse aux saisines des ministères chargés de la santé et de l’environnement sur les perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A. Les contributions sont à envoyer avant le 30 novembre 2011 à cette adresse. Le Réseau Environnement Santé (RES), qui avait donné l’alerte il y a déjà 3 ans, s’est félicité de cette nouvelle expertise en défaveur du bisphénol A, et demande une extension de son interdiction : « Le RES se félicite de ce changement de doctrine de l’ANSES, une demande que nous portons depuis notre création, il y a 3 ans » commente André Cicolella, porte-parole du RES. « Il faut maintenant que l’ANSES aille jusqu’au bout de sa démarche en fixant une nouvelle Dose Journalière Admissible (DJA) à partir de la littérature scientifique actuelle. En appliquant les règles habituelles en évaluation des risques, celle-ci devrait être 2 millions de fois plus faible que l’actuelle DJA ». Une telle réévaluation de la DJA revient de fait à interdire l’utilisation du BPA en priorité dans les matériaux susceptibles de contaminer l’homme : boîtes de conserve, canettes de boisson, petit électroménager de cuisine et autres usages de contact alimentaire, matériel médical… estime le Réseau Environnement Santé . « L’actuelle DJA a servi jusqu’à présent de rempart à l’industrie agro-alimentaire contre toute politique de substitution du BPA et de fin de non-recevoir à nos interpellations » déclare Yannick Vicaire, chargé de mission chimie-procédés, « nous demandons à l’industrie d’anticiper l’inéluctable évolution réglementaire. Les alternatives existent ; tout retard serait injustifiable au vu des enjeux sanitaires pour le fœtus et le nourrisson ». Message entendu par la classe politique qui à l’instar de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a voté à une large majorité, mercredi 28 septembre, un projet de loi visant à suspendre la fabrication et la commercialisation de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A (BPA) à partir du 1er janvier 2014. « Un délai qui doit permettre aux industriels de mettre au point des substituts et aux autorités sanitaires de vérifier leur innocuité », a précisé la députée Michèle Delaunay (PS, Gironde), rapporteur du texte. Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le 6 octobre et soumise au vote des députés le 12 octobre. Mais message non reçu par l’industrie chimique. « La substitution du bisphénol A, utilisé pour la fabrication de très nombreux plastiques et omniprésent dans l’environnement quotidien, n’est pas envisageable pour le moment », a affirmé jeudi l’Union des industries chimiques (UIC) dans un communiqué de presse. « La substitution du BPA n’est pas une démarche simple dans la mesure où son remplacement par une seule substance n’est techniquement pas envisageable aujourd’hui, en particulier dans les résines au contact des aliments », explique l’UIC. En outre, l’organisation professionnelle affirme ne pas pouvoir « accepter le principe de remplacement d’une substance bien évaluée par une substance moins bien évaluée du point de vue de ses impacts sanitaires et environnementaux ». « Face à des préoccupations scientifiques majeures, l’UIC demande aux pouvoirs publics de prendre en compte les incertitudes de l’évaluation et l’absence de substituts immédiatement disponibles pour certaines applications », poursuit le communiqué. Les industriels de la chimie demandent donc que « les effets à très faible concentration chez l’homme soient confirmés par des études scientifiques complémentaires et fassent l’objet d’un partage de vues au niveau européen ».

 

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