« L’économie doit redevenir une science morale ! », lance le philosophe Patrick Viveret, dés l’ouverture du Parlement des Entrepreneurs d’avenir. Le ton est donné. Pendant ces deux journées d’échanges, de débats et de réflexions, plus de mille « Explorateurs d’avenir », ont cherché comment « réinventer l’entreprise pour un avenir souhaitable ». Au sein des 11 commissions, des idées et des propositions concrètes ont émergé, pour porter plus loin les bonnes pratiques de la RSE.
Tout d’abord, pour réinventer l’entreprise, il faut en mesurer autrement la richesse. Deux actions à mettre en oeuvre sont précisées : faire évaluer le capital immatériel de l’entreprise et mettre en place un autre modèle comptable (modèles de comptabilité environnementale ou universelle comme Care et Gaia).
Pour celles et ceux qui avaient préféré s’interroger sur la croissance (nécessaire) des entreprises, la question était alors de savoir « Comment grandir sans se renier ? ». La notion d’empowerment a émergé : il faut considérer et responsabiliser les salariés en les associant aux décisions et ce, à tous les niveaux de l’entreprise.
Et pour dessiner un avenir souhaitable dans ce contexte de crise, les entrepreneurs ont rappelé leur besoin de financement. L’inédite « Charte des Investisseurs d’avenir » a retenu l’attention. Elle porte sur cinq principes :
– équilibre entre investissements financiers et dimension sociale et humaine
– respect de la temporalité de l’entreprise
– partage équitable de la valeur réalisée
– transparence
– dialogue.
La présidente de Planet D, Caline Jacono souligne les enjeux : « Il faut diffuser cette Charte, la crédibiliser par l’action, créer un label sur le modèle de l’investissement socialement responsable et établir un processus d’amélioration ». C’est sur ce colossal défi que s’est achevée la première série de commissions du Parlement.
Le lendemain, furent présentées les conclusions de l’enquête menée par le groupe de travail « Entreprendre au féminin » d’Entrepreneurs d’avenir. Pilotée par l’e-media Terrafemina, cette étude doit permettre d’écrire l’avenir de l’entreprenariat au féminin. Véronique Morali, fondatrice du site, tire un bilan « très positif » de la série de témoignages recueillis. L’étude souligne les différences hommes/femmes et apporte trois propositions concrètes pour promouvoir les femmes chefs d’entreprise : le développement de leur formation continue – la mise en réseau et le coaching – l’exemplarité pour mettre en valeur des parcours de femmes.
L’exemplarité, c’est aussi ce que l’on espère des pouvoirs publics en invitant la commande publique à prendre en compte la Responsabilité Sociétale des Entreprises, dans les appels d’offres. Les intervenants ont noté un réel effort de critérisation mais regretté l’absence de volonté politique.
Le Parlement a aussi été l’occasion de répondre aux questions de chaque entrepreneur désireux de réussir ses premiers pas vers la RSE. Claire Peradotto, dirigeante de Peradotto publicité a présenté, lors de cette commission, une initiative concrète, fruit du travail d’une quarantaine d’entrepreneurs de la région Provence- Alpes-Côte-d’Azur : l’éventail du développement durable (DD). Cet objet ludique et pédagogique explique aux entrepreneurs en cinq onglets (social, sociétal, environnemental, économique, gouvernance) les piliers du DD. Dans l’amphithéâtre voisin, les entrepreneurs plus engagés dans la RSE se demandaient « Comment innover en s’appuyant sur les salariés les moins qualifiés ? ».
L’importance de mobiliser et de responsabiliser tous les salariés était encore au coeur de la commission suivante : « Des entreprises d’avenir : quels modèles ? » Sur le versant plus environnemental, la mise en place de procédés d’éco-conception et la création d’un « label économie d’avenir », permettant un allégement des charges, ont émergé. Plus largement, l’élaboration d’indicateurs spécifiques qui permettent de définir et de distinguer les entreprises d’avenir est une demande récurrente. Qu’il s’agisse de référencer les fournisseurs pour s’assurer « des achats vraiment responsables » ou de questionner la pertinence de « La norme ISO 26 000 », il convient aujourd’hui d’encourager les retours d’expérience pour préciser encore les critères qui déterminent la direction à suivre.
Pour réinventer l’entreprise enfin, un appel à la « collaboration radicale » a été lancé. Anne-Sophie Novel, créatrice de la barre d’outils Ecolo-Info, qui facilite l’accès à l’information sur le DD, suggère que les Entrepreneurs d’avenir expérimentent des collaborations au sein du réseau. Des valeurs communes doivent les unir. Ils doivent s’organiser par territoires ou par secteurs d’activités. La coopération doit primer sur la compétition.
Voir aussi l’article d’Anne Cormier