Le Sénégal, confronté depuis plusieurs années à un épuisement de ses ressources halieutiques, cherche à relancer le secteur de l’aquaculture après une succession d’échecs durant les trente dernières années.
Le ministre sénégalais de l’Economie maritime, Souleymane Ndéné Ndiaye, a annoncé le 22 août une « relance » du secteur après des « expériences passées qui n’ont pas donné les résultats escomptés ». « Nous allons identifier dans tout le pays des sites appropriés pour chaque espèce de poisson (à élever) avec l’aide d’un expert vietnamien », a ajouté M. Ndiaye.
De 2008 à 2010, un financement de 53 milliards de francs CFA (80 millions d’euros) a été prévu pour le secteur de la pêche dont 13 milliards FCFA (13,8 millions d’euros) pour l’aquaculture, selon le directeur de ce secteur au ministère de l’Economie maritime, Matar Diouf.
Les autorités envisagent aussi de « +reprofiler+ plusieurs bassins d’élevage souffrant d’une mauvaise conception » en plus de problèmes liés notamment à l’ensablement, l’assèchement et l’alimentation.
Le suivi des projets piscicoles a souvent posé problème, comme à Mont-Rolland, un village situé à 80 km au nord de Dakar: les tilapias du Nil et les silures élevés depuis 2005 nagent dans un bassin de rétention d’eau de pluie, mais sont inaccessibles aux populations faute d’équipements de pêche. « Notre élan a été brisé par la création en juillet 2006 d’une agence de promotion de l’aquaculture à qui on avait tout confié. Nous sommes restés un an sans nous occuper de ces bassins alors que l’agence n’a pas véritablement démarré, faute de moyens », explique M. Diouf.
Sur 18,5 milliards de FCFA (28 millions d’euros) annoncés en 2005 dans le cadre d’un plan d’actions de la pêche continentale et de l’aquaculture 2005-2010, seuls 500 millions de FCFA (762.000 euros) ont été dégagés pour l’équipement de cette agence. En Casamance (sud), une des zones qui, avec le nord, a accueilli dans les années 1980 les premières expériences aquacoles au bord des cours d’eau, l’insécurité a contribué à freiner le secteur, malgré la signature fin 2004 d’un accord de paix entre le gouvernement sénégalais et l’ex-rébellion indépendantiste.
La relance de l’aquaculture intervient alors que le pays fait face à une baisse de quantités pêchées en mer, officiellement passées de 400.000 tonnes dans les années 1980 à entre 300.000 et 350.000 tonnes actuellement.
En outre, selon le centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT), de nombreuses espèces comme le « thiof » (mérou), la daurade, le capitaine et le pageot, des espèces vouées à l’exportation, sont actuellement surexploitées et menacées d’extinction. « La mer est presque vide. Les rares poissons que nous avons au Sénégal viennent des pays voisins » comme la Mauritanie et la Guinée-Bissau, dit Matar Diouf.
Parallèlement, la production nationale de poissons d’élevage est officiellement passée de 150 tonnes en 2000 à 300 tonnes en 2006, très loin de l’objectif de production de 100.000 à 110.000 tonnes fixé dans le plan d’actions 2005-2010. D’où le scepticisme de l’écologiste Ali Haïdar, pour qui « ça ne peut pas marcher chez nous. Le poisson sauvage est quasi gratuit alors que le marché et les débarquements ne sont pas réglementés. Le financier qui va investir (dans l’aquaculture) a besoin d’un prix fixé » à l’avance. M. Haïdar se dit aussi inquiet des « dérèglements écologiques » de l’aquaculture. « Elle pollue les zones où elle est pratiquée » dit-il en citant l’Asie, où « il y a eu des hécatombes de mangroves et de poissons à cause de la nourriture de synthèse pour l’alimentation » des espèces élevées.
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