American écolo raconte une Amérique peu connue : celle des cantines scolaires et des cimetières, des autoroutes tentaculaires du Texas et des banlieues campagnardes du Nebraska, des usines à bétail biologique et des petits poulaillers urbains, des loisirs familiaux et des comportements insolites de certaines féministes, mais aussi celle de hippies modernes et de scientifiques époustouflants. Toute une culture dont on n’imagine pas qu’elle soit si différente de la nôtre. Les Etats-Unis ont changé au cours de la première décennie du XXIe siècle, bousculés par trois événements choc : l’attentat du 11 septembre 2001, l’ouragan Katrina en août 2005 et l’élection de Barak Obama en novembre 2008.Cette évolution est chroniquée par une Française devenue binationale, lestée d’une sensibilité particulière pour les choses de l’écologie. Au travers des détails d’une vie quotidienne partagée, l’auteur a compris pourquoi – et non seulement en quoi – les Américains étaient différents. Mais reste-t-il une place pour cette différence revendiquée dans le monde d’aujourd’hui ?
L’auteur de ce livre, Hélène Crié-Wiesnerest journaliste spécialisée en environnement et vit au Etats-Unis depuis 10 ans. Franco-américaine, elle travaille aujourd’hui en indépendante pour la presse française, notamment pour Sciences et Avenir, Politis, Libération et Rue89 où elle anime le blog intitulé American Ecolo, à l’origine de ce livre. Elle raconte : « Au tout début du 21ème siècle, Bush était maître en son pays, et les écolos rasaient les murs. Al Gore-le Zorro-vert est arrivé, qui a mis l’environnement à la mode. Peu à peu la société américaine a évolué, avec beaucoup de ratés et de belles fulgurances. En immersion volontaire pendant dix ans, j’ai fini par en tirer un livre. La relation des Etats-Uniens à l’environnement est chaotique. Depuis l’après-11 septembre 2001, je raconte leurs aventure énergétiques, automobiles, gazières, agricoles, culinaires… Ahurie, fâchée, épatée, morte de rire ou découragée, j’ai connu beaucoup d’états d’âme contradictoires dans mon nouveau pays ». Hélène Crié-Wiesnerest poursuit : « Comme la plupart des plumitifs de ma génération Gutemberg, j’ai voulu rassembler mes articles dans un vrai livre en papier : tout de même, on comprend mieux l’histoire quand il y a un début, un milieu et une fin (provisoire). Et puis, dans un livre, on a la place pour ajouter des détails et des explications, mettre des faits en perspective, éclairer a posteriori des analyses pas très fines ».Extraits
Voici des extraits du premier chapitre de « American Ecolo », le livre. Drôles de gens Pour moi, Française, regarder vivre les Américains relève souvent de l’expérience ornithologique. A table, à l’école, au volant, face à un supérieur hiérarchique, un avocat, le professeur de leur enfant, un prêtre ou un voisin -, ils se conduisent d’une manière différente de celle à laquelle j’ai été habituée. En plus, leurs machines à laver le linge ne lavent pas comme les nôtres, leurs aspirateurs sont archaïques, leurs fers à repasser ne chauffent pas assez, leurs trains sont vieillots, ils aiment habiter en lointaine banlieue, ils mangent du pain de mie avec tout, leurs cartes de crédit n’ont pas de puce, et ils tiennent leur fourchette comme un bâton de ski. Ma révolte constante contre ces gros défauts ne m’a pas empêchée de récemment recevoir avec joie la nationalité américaine. Car il faut bien admettre que ce pays présente des côtés agréables. On n’a jamais l’impression d’y étouffer, les magasins d’alimentation et les pharmacies sont ouverts 24 heures sur 24 et aussi le dimanche, le client ne se fait jamais engueuler, les salles de gym (propres) ouvrent à 5 heures du matin, et les gens sont toujours prêts à rendre service, même dans les administrations. Dieu, qu’ils sont bizarres, ces Américains ! Le défi du développement durable au Texas Je suis arrivée au Texas en 2000. Puisque c’était mon thème de prédilection lorsque j’exerçais encore mon métier de journaliste en France, l’hebdomadaire français Politis m’a demandé de tenir une rubrique dans laquelle je parlerais de l’environnement et du développement durable aux Etats-Unis. (…) J’ai commencé mes chroniques sur les chapeaux de roue, ravie de partager mes découvertes en approfondissant au passage des pistes de réponses que je savais être trop superficielles pour m’en contenter. Des cimetières aux cantines scolaires, des autoroutes tentaculaires du Texas aux confins campagnards des villes du Nebraska, des usines à bétail biologique aux petits poulaillers urbains de Caroline du Nord, des habitudes familiales de loisirs aux comportements curieux de certaines féministes locales, sans oublier des rencontres avec quelques hippies modernes et de ces scientifiques époustouflants dont le pays regorge, j’ai plongé dans une Amérique en gros plan. (…) J’ai raconté une Amérique observée au travers d’une petite lorgnette, avec mes yeux verts de Française lestée d’une sensibilité particulière pour les choses de l’écologie. J’avoue avoir cédé plus d’une fois aux clichés et aux jugements à l’emporte-pièce, tant certaines situations m’apparaissaient caricaturales. La journaliste prétentieuse qui sait tout La Française fraichement débarquée que j’étais avait en outre l’œil acéré et prétentieux des journalistes spécialisés qui mesurent ce qu’ils voient à l’aune de leurs vastes (sic) connaissances du domaine considéré. Ma prétention en prit cependant un coup lorsque je réalisais à quel point la France existait peu aux yeux des habitants de mon pays d’accueil. Nous étions peut-être – selon moi – plus combatifs, moins gaspilleurs, plus efficaces, plus gastronomes, plus cools dans les relations internationales… mais personne ici ne semblait s’en douter ni s’en soucier. Quelle désillusion ! (…) J’ai vu les Etats-Unis basculer au cours de la première décennie du 21° siècle. Une décennie divisée en trois périodes, identifiables car corrélées à trois évènements brutaux : l’attentat du 11 septembre 2001, l’ouragan Katrina en août 2005, et l’élection de Barak Obama en novembre 2008. Evidemment, c’est toute la société américaine qui a bougé alors, pas seulement le champ de l’environnement. Il se trouve que j’ai davantage biné ce dernier. Ce voyage vert dans des Etats-Unis que je percevais encore mal a débuté sous l’ère Bush : la consommation était alors revendicatrice – comme conçue pour défier les ennemis de l’Amérique -, et le militantisme écologique était défensif, agressif. L’Amérique a changé du jour au lendemain Et puis… tout a changé. Entre 2005 et 2006, presque du jour au lendemain, comme si une soupape de cocotte-minute s’était ouverte, laissant fuser le bouillonnement longtemps contenu des expérimentations, des réflexions, et surtout des actions de millions d’Américains pour inverser le cours des choses dans leur pays anesthésié par le choc du 11 septembre, par un président fanatique, deux guerres ravageuses et hors de prix, un Patriot Act liberticide, et une opprobre internationale traumatisante. En 2005, il y eut l’ouragan Katrina et le désastre social de la Nouvelle-Orléans, suivis de très près par l’ouragan Rita et l’évacuation de Houston, ratée donc ridicule. J’ai vécu de près les conséquences du premier événement. En tant qu’habitante de la ville, j’étais au cœur du second. J’ai surtout constaté avec stupeur leur importance dans le jaillissement d’un débat public autour des changements climatiques. Jusque là, les histoires de gaz carbonique dans l’atmosphère, d’effet de serre, de responsabilité humaine ou non dans le phénomène, la réalité même dudit phénomène, étaient l’apanage de scientifiques concernés, de politiciens sceptiques et de groupes militants révoltés par l’inertie de leur pays. Soudain les médias grand public sont entrés dans la danse. Du vert partout à tire-larigot Mais surtout, surtout, Al Gore est arrivé en juin 2006 avec un film choc, qui a eu un impact considérable sur ses concitoyens : « Une vérité qui dérange ». A partir de là, mes chroniques américaines ont changé de ton. Parce que les habitants changeaient sous mes yeux. Difficile à croire. Je me frottais les yeux, ahurie par cette virevolte de bio, de bon, de sain, d’économies d’énergie, d’architecture soutenable, d’entreprenariat durable, de discours politiques repentants et volontaristes… Du vert à tire-larigot ! Et pas seulement du vernis vert, du green washing, du peinturlurage, non : je constatais un vrai changement dans les bouts de vie quotidienne qu’il m’était donné de voir, de vivre en compagnie d’autres citoyens, dans ma ville, dans mes voyages, à la télé, dans mes journaux préférés. Entre temps, j’avais déménagé et changé d’Etat, quittant le Texas – très spécial, le Texas ! – pour la Caroline du Nord, au sud de la côte Est. En 2007, Rue89, site d’information et de débat encore nourrisson, venu au monde le jour où Nicolas Sarkozy accédait aux commandes de la France, me proposait d’accueillir lui aussi mes réflexions et reportages sur les Etats-Unis et l’environnement dans un blog aussitôt baptisé « American écolo ». Je grattais alors plus profond, et surtout plus souvent, dans le terreau de cette Amérique en pleine poussée de chlorophylle. Le leadership environnemental de l’Amérique Le pays et ses commentateurs ne doutaient alors de rien, emportés par la foi des masses nouvellement converties. En avril de cette année 2007, le grand quotidien New York Times appelait en première page son pays à revendiquer au niveau international un « leadership environnemental ». Comment en douter ? Quelques mois plus tard, Al Gore recevait le prix Nobel de la Paix, qu’il partageait avec le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), pour sa contribution à la lutte contre les changements climatiques. Les Etats-Unis pouvaient légitiment être fiers. Et en novembre 2008, Barak Obama accédait à la présidence des Etats-Unis, lançait un colossal plan pour les énergies renouvelables et arrosait d’argent les projets ferroviaires à grande vitesse. Que s’est-il passé pour qu’en 2011 les Etats-Unis apparaissent à nouveau sur la scène internationale comme une égoïste nation hostile aux efforts visant à enrayer les dérèglements planétaires ? Pourquoi la fièvre verte collective est-elle retombée dans le pays ? (…) Tout n’est pas redevenu « comme avant », ce serait trop simple. Les rapports des Américains à l’environnement, aux questions écologiques, ont évolué au cours des dix dernières années comme ailleurs dans les pays industrialisés occidentaux. Pourquoi les Américains sont différents Mais il est vrai que même si ce sont eux qui ont créé les premiers parcs nationaux et qu’ils ont initié les premières grandes lois contre les pollutions industrielles, les Américains ont une histoire qui ne les prédispose pas, culturellement, à se soucier d’économiser les ressources, les matières premières, l’espace. Au travers des détails apparemment insignifiants d’une vie quotidienne partagée, j’ai compris pourquoi – et non seulement en quoi – les Américains étaient différents. J’ai repris dans cet ouvrage, en les adaptant, des chroniques et des articles initialement publiés de 2003 à 2011 dans Politis, sur Rue89, mais écrits aussi pour l’émission « CO2 mon amour » de France-Inter, des passages d’une conférence présentée en 2007 à l’Université d’Etat de Caroline du Nord, ainsi qu’une contribution à la revue belge « Chronique féministe » de l’Université des femmes », parue à l’été 2011. Leur ton en est très personnel, subjectif au delà de ce que je me serait autorisée si j’avais travaillé dans un contexte différent. (…) Je n’ai rien voulu offrir de plus que des instantanés de vie ou de réflexion, sortes de Polaroïds marqueurs de temps, glissés chronologiquement dans des albums photo thématiques. Telle est ma manière personnelle d’intéresser les gens à ces questions environnementales qui me tiennent à cœur : raconter des histoires.Acheter l’ouvrage
– Références : American Ecolo, les Américains et l’environnement : chroniques du meilleur et du pire de Hélène Crié-Wiesner – Editions Delachiaux et Niestlé – Date de publication : 13 octobre 2011 – 224 pages – ISBN-13: 978-2603018071 – Prix public : 16 €