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Amazon, champion du 0 émission nette… 20 ans trop tard ! Décryptage d’une imposture climatique par Les Amis de la Terre

Jeff Bezos prenant la parole à la tribune de la COP 26 aux côtés d’Emmanuel Macron, est sans doute le symbole le plus marquant de tout ce qui dysfonctionne dans un processus qui nous conduit au désastre climatique. Si Jeff Bezos n’est plus PDG d’Amazon, il est membre de son comité stratégique, son actionnaire n°1, et a bâti sa colossale fortune grâce à l’une des entreprises les plus polluantes de la planète. Décryptage d’une imposture climatique par les Amis de la Terre capture_d_u2019e_cran_2021-11-03_a_17_56_34.png

Amazon champion du 0 émission nette… 20 ans trop tard !

L’objectif de 0 émission nette en 2050, permet aux Etats et aux multinationales de retarder leurs efforts pour réduire les gaz à effet de serre, en laissant croire que les réductions auront lieu, plus tard, grâce à leurs investissements dans les technologies vertes. Technologies qui ne seront matures que dans 10 ans ou plus. Mais l’ONU est très clair: les nouveaux engagements des Etats conduisent à une augmentation de 16% des émissions de gaz à effet de serre en 2030, alors qu’elles devraient avoir réduit de moitié d’ici là. Les gouvernements mènent la planète vers un réchauffement climatique de 2,7 °C à la fin du siècle ! Pire, si nous ne réduisons pas rapidement les émissions, nous risquons de dépasser les seuils d’emballement climatique, qui rendraient impossible la réduction des émissions et nous conduiraient tout droit vers une planète inhabitable. Une situation que le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres qualifie d’« aller simple vers un désastre [[Le Monde, La COP 26 : une conférence cruciale face à la crise climatique, 31 octobre 2021]]». Amazon est le grand champion du “Net Zéro ». Elle promet qu’elle l’atteindra même dès 2040. Un discours grandiloquent qui détourne l’attention et lui permet de ne rien changer à son modèle, très émetteur de gaz à effet de serre. En réalité, les émissions d’Amazon ont augmenté de 19% l’année dernière [[Amazon, Amazon Sustainability 2020 Report]] ! Amazon augmente les volumes de produits vendus sur son site chaque année, alors qu’ils représentent 80% de ses émissions. Pour atteindre “0 émission nette » dans le transport des colis, il faudrait que tous les véhicules utilisés par Amazon et ses sous-traitants – des camions aux avions – soient verts et approvisionnés par des énergies vertes. Or ces technologies ne seront disponibles à grande échelle qu’en 2030-2035. Les 100 000 camionnettes électriques promises pour 2030 ne règlent ainsi qu’une infime partie du problème. Pire, Amazon augmente de 29% le transport de ses produits par avion pour livrer en moins de 24H les consommateurs [[Reuters, Amazon’s rising air shipment fly in the face of climate plan, 2019]]. 9 fois plus polluant que le transport routier, 100 fois plus que le transport maritime, ce choix annule déjà toutes ses promesses !

La COP 26 : boulevard à l’arnaque à la compensation carbone

Jeff Bezos a promis aujourd’hui d’investir 1 milliard dans le projet de grande muraille verte sur la scène de la COP 26. Planter des arbres n’a rien de problématique. Mais que les multinationales et les Etats laissent croire que l’on peut compenser les émissions via ce procédé l’est infiniment. Il est scientifiquement impossible de compenser les gaz à effet de serre émis lorsque Amazon vous vend et vous livre un colis en plantant un arbre. Pourquoi ? Amazon émet instantanément ce qu’un arbre va mettre une dizaine d’années à absorber. Un arbre met 10 ans à absorber environ 100kg de CO2. Pour absorber les 51,17 millions de tonnes de CO2 qu’Amazon considère être ses émissions annuelles, elle devrait planter 510 millions d’arbres, qui n’absorberaient ces émissions… dans 10 ans! On voit tout de suite le problème d’échelle, quand l’on sait que le projet de grande muraille verte projette 100 millions d’arbres en 2030 et que seuls 4 millions ont été plantés à ce jour [[Le Monde, La grande muraille verte: mirage sahélien, 10 septembre 2020]] !

L’absence de prise en compte des émissions des importations dans les négociations

Au titre de l’Accord de Paris, les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre des Etats ne concernent que ce qui est émis sur leur territoire national. Problème: au lieu de décarboner réellement leur économie, de nombreux Etats développés délocalisent leurs émissions de CO2. C’est le cas de la France, dont les émissions importées sont équivalentes aux émissions du territoire [[Haut Conseil pour le Climat, Maîtriser l’empreinte carbone de la France, septembre 2020]] ! En délocalisant les émissions dans des pays du sud qui ne réduiront pas leurs émissions avant 2030 par manque de moyens économiques, les modes de vie des pays riches continuent d’émettre des émissions de gaz à effet de serre colossales, sans réduction en perspective. Rappelons que la Chine, l’Inde ou le Vietnam devraient émettre toujours plus d’émissions de gaz à effet de serre jusqu’en 2030 au moins. Or, Amazon est une des entreprises qui contribue le plus à l’augmentation de l’empreinte carbone de la consommation des pays riches, en leur vendant 15 milliards de produits par an, fabriqués en quantité astronomique en Asie, grâce aux centrales à charbon. Amazon déclare déjà émettre 60 millions de tonnes eq. CO2 par an [[Amazon, Amazon Sustainability 2020 Report (page 111)]], l’équivalent de la Bolivie. Mais le géant de Seattle refuse sa responsabilité sur les émissions de la fabrication des produits vendus sur son site. Et on comprend pourquoi ! Ces émissions feraient augmenter de 80% son empreinte carbone totale ! Les ventes mondiales de produits sur Amazon pourraient émettre plus que la France, chaque année [[Amazon ne donne pas accès à des données suffisamment détaillées sur le nombre et le type de produits vendus, notamment pour des considérations fiscales, pour pouvoir calculer avec précision ce bilan carbone. Néanmoins on peut se faire une idée en termes d’ordre de grandeur : d’après Amazon elle-même la plus grosse part des émissions du modèle Amazon provient de la fabrication des produits des marques Amazon, 11,95 millions d’éq CO2. Or d’après Amazon, ces marques représentent 1% de l’ensemble des produits vendus sur le site. Un bref calcul nous fait donc arriver à un ordre de grandeur d’1 milliard de tonne d’éq. CO2, soit plus que les émissions de la France, émissions importées comprises.]] ! On pourrait dire que les vendeurs des produits sont les responsables, mais Amazon est le seul réel bénéficiaire de ces ventes [[Stigler Center – Chigaco Booth School of Business, Pro Market : How Amazon’s Pricing Policies Squeeze Sellers and Result in Higher Prices for Consumers, août 2019; The Economic Times, Fashion retailers to shell out 30-40% margin to marketplaces for online sales, 22 septembre 2015]] et son modèle économique entier repose sur l’augmentation constante de la vente de produits [[Amazon, Annual Report 2019]].

L’un des plus gros évadés fiscaux à la tribune alors que le fonds d’adaptation au changement climatique pour les pays pauvres manque d’argent.

Alors que l’Afrique est responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre, 67% de la population du continent africain subit déjà les impacts du changement climatique [[La Banque Mondiale, Le changement climatique vu du Mont Kenya, 20 mars 2019]], et les pays développés n’ont toujours pas tenu leur promesse de mobiliser 100 milliards par an pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Ils devraient y parvenir seulement dans 2 à 5 ans [[Climate FInance Delivery Plan: Meeting : the US 100 billion delivery goal]]. Si tout se passe bien, la France verserait 6 milliards d’euros par an jusqu’en 2025, un montant jugé insuffisant. Pourquoi un tel égoïsme ? Car la pression sur les finances publiques est de mise avec le triomphe des règles d’austérité budgétaire et l’évasion fiscale massive qui coûte chaque année 11 300 milliards aux finances publiques des Etats [[ICIJ, Offshore havens and hidden riches of world leaders and billionaires exposed in unprecedented leak, octobre 2021]]. L’ironie est donc au rendez-vous lorsque l’on laisse Jeff Bezos prendre la place d’un chef d’Etat à la tribune alors qu’il est le stratège d’une multinationale spécialisée dans l’évasion fiscale depuis sa création, qui ne payait 0€ d’impôt sur les sociétés aux USA en 2019 [[Cnbc, Amazon had to pay federal income taxes for the first time since 2016 — here’s how much, 4 février 2020]], 0 euro d’impôts pour ses ventes en Europ [[The Guardian, Amazon had sales income of €44bn in Europe in 2020 but paid no corporation tax, 4 mai 2021]], et qui est même responsable d’une fraude à la TVA qui dépasse le milliard d’euros dans l’hexagone [[Attac, [Note] Amazon, Cdiscount, eBay, Wish… Fraude massive à la TVA sur les places de marché des acteurs du e-commerce, 3 décembre 2020]] ! capture_d_e_cran_2021-11-06_a_11.28.11.pngEn savoir plus sur le modèle Amazon vu par Les Amis de la Terre

 

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