Les sécheresses les plus récentes et qui ont été largement décrites sont celles des périodes de 1968 à 1973 et de 1980 à 1985. En Afrique, les sécheresses semblent s’être produites chaque 30 à 60 ans sur les 3000 dernières années et seraient principalement dues à la variation cyclique des températures maritimes dans les régions septentrionales de l’Océan Atlantique. Les chercheurs indiquent qu’une phase chaude des oscillations multi-décadaires de l’atlantique (AMO), renforce les précipitations durant l’été sur le Sahel, tandis qu’une phase de refroidissement la réduit [1] . Selon les indications de l’AMO, l’on est entré depuis 1995 dans une phase chaude dont le pic est supposé se produire en 2020. [2].
En plus des changements dans les tendances pluviométriques, il est important de souligner que la majorité des sols africains ont une faible capacité de rétention en eau avec 60% des sols considérés comme vulnérables aux sécheresses et 30% comme extrêmement vulnérables.
Les sécheresses ont des effets considérables sur les communautés et les économies nationales qui sont étroitement dépendantes de l’agriculture et des ressources naturelles. Les impacts sont énormes : réduction de la disponibilité en eau, pertes de rendements agricoles, hausse du prix des denrées alimentaires, malnutrition, incapacité de rembourser les prêts agricoles, liquidation des biens familiaux (bétail, équipement agricole…), migration, augmentation de la fréquence des conflits liés à l’eau, accroissement des taux d’inflation, baisse de la fréquentation scolaire, parmi tant d’autres.
Selon certains chercheurs, la majorité des plantes comestibles aujourd’hui proviennent pour la plupart de sécheresses sévères, au cours desquelles la population a été obligée de se nourrir de fruits, de feuilles et de racines que personne n’avait jamais consommé auparavant, parce qu’il n’y avait rien d’autre à manger . Il est intéressant de souligner qu’en Afrique, si les sécheresses ont décimé des vies entières, et augmenté le niveau de pauvreté des populations vulnérables, chaque sécheresse a également donné aux communautés l’opportunité d’identifier et d’expérimenter des comportements et des outils d’adaptation.
Les habitants des pays sahéliens se rappellent encore qu’après la sécheresse de 1973, de nombreux agriculteurs se sont orientés vers les bas-fonds et les plaines d’inondation dans le but de profiter des possibilités offertes par une humidité relative plus élevée et une saison végétative plus longue, y compris la possibilité de production de contre saison. Cependant, certains d’entre eux ont été contraints de quitter ces zones facilement inondables afin de réduire les pertes de récolte sur les plantes annuelles.
Avec ces expériences, la plupart des agriculteurs des zones soudano-sahéliennes de l’Afrique de l’Ouest se sont progressivement adaptés à la baisse et à l’irrégularité de la pluviosité, au point que la productivité a connu une hausse depuis la dernière sécheresse ; le rendement du sorgho et du mil aurait augmenté de 50 à 70% après la sécheresse. Reij et Thiombiano [3] indiquent que cette situation est principalement due à l’utilisation de techniques de conservation des eaux et des sols, y compris le Zai et les diguettes anti-érosives ou filtrantes, une meilleure utilisation du compost naturel et le recours à des variétés agricoles à cycle court.
En outre, des activités relativement nouvelles (embouche ovine, cultures de rente, vente de fumier, location de charrettes à traction asine, etc.) ont contribué à diversifier les revenus des ménages et par conséquent, à réduire la migration vers l’extérieur, ce qui a engendré une augmentation du nombre d’agriculteurs “nantis”. (Reij C. et Thiombiano T., 2003 ; Ouédraogo et al, 2008 [4]).
Il est généralement reconnu que la disponibilité du fourrage naturel utilisable par le bétail ruminant va en diminuant avec les années, notamment en raison de l’expansion continue des superficies cultivées. Or pendant que l’on s’attend à une baisse de la production, les effectifs de bétail ruminant ont doublé en 20 ans ; Steinfeld et al . [5] suggèrent qu’il y a eu une hausse dans la productivité aussi bien par superficie de terre exploitée (+93%) que par tête de bétail (+47%) durant ces dernières décennies. Deux facteurs expliquent ce phénomène : (i) le bétail sahélien est en mesure de survivre grâce au système de transhumance qui permet de profiter à la fois de la production primaire de la zone sahélienne et des autres zones climatiques ; et (ii) l’utilisation de résidus de récoltes et de sous-produits agroindustriels qui contribue à réduire la pression sur la végétation naturelle.
En outre les réseaux sociaux traditionnels apportent une sécurité supplémentaire. Par exemple, la famille demeure le noyau central des structures et organisations sociales dans beaucoup de pays sahéliens, garantissant ainsi la sécurité, facilitant l’accès aux ressources et à un réseau de soutien [6]. Ceci est d’une importance particulière eu égard à la forte migration vers les villes voisines ou les pays côtiers et pour lesquels l’assistance d’un parent tant à l’endroit du migrant que de sa famille restée dans la zone de départ est cruciale pour le succès [7].
L’adaptation est un processus lent et couteux mais, les populations rurales sont dotées d’aptitudes endogènes et acquises très utiles ; ce qui est requis ici, ce sont des politiques et des programmes en mesure de promouvoir l’investissement dans la conservation de la fertilité des sols, la diversification des activités productives et, des législations qui prennent en compte les droits des femmes, des pasteurs mobiles et des migrants, tout en facilitant les relations et l’organisation sociales (qui dans une grande mesure, déterminent l’utilisation et la gestion des terres, la solidarité au sein des familles et les mécanismes de résolution des conflits).