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ENVIRONNEMENT

Les Négociations Environnementales Multilatérales : Vers une Gouvernance Environnementale Mondiale

par Mohamed BEHNASSI

dimanche 27 juillet 2008
Posté par behnassi

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Note de synthèse d’une Thèse de Doctorat Soutenue en mai 2003 par Mohamed BEHNASSI sous la direction du Professeur Mahjoub El HAIBA. Département des Sciences Politiques, UFR : Droit International et Relations Internationales. Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Université Hassan II-Ain Chock-Casablanca, Maroc



Table des matières

Introduction :

Chapitre I : Les Négociations Environnementales Multilatérales (NEM) : Un Nouveau Courant de La Diplomatie Internationale

 Section 1 : Cadre conceptuel et historique des NEM

 Section 2 : Domaines et caractéristiques des NEM

Chapitre II : Acteurs des NEM

 Section 1 : Acteurs officiels des des NEM

 Section 2 : Acteurs non officiels des NEM

Chapitre III : NEM : Processus & Déterminants

 Section 1 : Etapes Principales d’une NEM

 Section 2 : Contraintes formelles et différents modes de pression exercée sur le processus de la NEM

 Section 3 : Déterminants des postions diplomatiques dans le domaine environnemental

Chapitre IV : Efficacité et Utilité Du Processus des NEM

 Section 1 : Différentes situations conflictuelles affectant le processus de la NEM

 Section 2 : Processus des NEM : Résultats et mise en œuvre

Conclusion : Les NEM : Un Investissement Politique dans L’avenir Ecologique de L’Humanité

Télécharger la note de synthèse

Introduction

Jusqu’à la fin des années 1970, la grande part des problèmes menaçant les équilibres vitaux de
l’écosystème planétaire avaient des dimensions et des effets limités dans le temps et l’espace.
Les Etats ont souvent réussi à en contenir les impacts négatifs et à en réduire la gravité par : la
délocalisation des activités polluantes ; la coopération régionale, l’adoption des mesures
efficaces, le développement des techniques anti-pollution, et ce, dans un cadre plus prévisible.
Les années 1980 ont témoigné l’apparition d’une nouvelle génération d’enjeux
environnementaux (changements climatiques, biodiversité, couche d’ozone, pollution
maritime, désertification…) ayant des impacts globaux et plus graves sur l’équilibre écologique
planétaire, sur l’avenir et l’intégrité de l’espèce humaine. Par ailleurs, et devant ce type de
défis, on n’a pas pu ni distinguer clairement entre responsables et victimes, ni en déterminer
précisément les causes et les sources, ou prévoir toutes les incidences qui en résultent. De
plus, le caractère interactif et expansionniste de ces défis leur permet de transcender toutes
les frontières géopolitiques et culturelles. Face à ces menaces, la haute fragilité et sensibilité de
l’écosystème planétaire vis-à-vis de l’activité humaine, deviennent une évidence.

En outre, les problèmes environnementaux globaux entretiennent une relation étroite avec le
système économique mondial d’une part, et avec les différents modèles de développement
existants d’autre part. Ces problèmes portent également les germes d’une nouvelle génération
de conflits internationaux, pouvant affecter à la fois la stabilité des relations internationales et
la sécurité collective. D’où l’apparition du concept de la "sécurité environnementale".

C’est pour toutes ces raisons qu’en dépit de l’importance des actions unilatérales visant à
limiter les effets de ces problèmes, les efforts collectifs et communs s’imposent avec acuité, vu
le caractère global et interactif de ces défis, et la nécessité d’investir, pour en contenir, d’une
multitude de ressources dont il est impossible pour les Etats de garantir individuellement.

Il y a lieu de préciser également que la plupart des solutions efficaces proposées pour résoudre
ces problèmes environnementaux planétaires représentent une certaine menace pour
l’équilibre économique mondial actuel. La mise en oeuvre de ces solutions constitue, dans le
court et le moyen terme, une contrainte pour les membres de la communauté internationale,
et ce, dans la mesure où elle limite leur processus de croissance économique, affecte leur
compétitivité et diminue leurs avantages au niveau mondial.
On peut donc dire que sans engagements conventionnels basés sur des concessions
réciproques, et sans un partage des coûts d’une "gouvernance environnementale", certains
pays peuvent continuer unilatéralement à déployer des efforts dans ce sens, mais leur impact
sera si insuffisant pour diminuer la rapidité du changement environnemental, ou pour
permettre l’ajustement des dysfonctionnements dont souffre actuellement l’écosystème
planétaire.

Par ailleurs, l’importance accrue que revêtent actuellement les ressources environnementales,
ainsi que leur dimension stratégique, ne permettent plus la discussion des relations
internationales économiques et politiques sans accorder à ces questions une place
prédominante au sein de l’agenda international. Certains facteurs expliquent cette nouvelle
situation, à savoir :

 Une interdépendance accrue entre le développement et l’environnement ;

 Une concurrence internationale ardue visant à contrôler les ressources environnementales, vu leur rareté et leur importance stratégique, ce qui est devenu un véritable souci mondial ; et

 un lien organique et de plus en plus évident entre certains problèmes environnementaux, la pauvreté, le sous-développement, le commerce international, l’explosion démographique, la migration, l’injustice internationale, droits de l’homme …etc.

L’impossibilité de résoudre les problèmes affectant l’écosystème planétaire indépendamment
de certaines questions liées aux relations internationales, contraint les Etats, non seulement à
élaborer des solutions techniques, mais également à conclure un accord politique basé sur la
concertation et le compromis. En outre, l’ampleur du changement environnemental planétaire
menace sans précèdent les centres de décision politique, diminuant ainsi leur capacité d’en
réguler et d’en prévoir les conséquences, particulièrement dans un contexte marqué par de
fortes incertitudes scientifiques, économiques et politiques.
Dans ce cadre, les enjeux environnementaux planétaires réussissent à devenir l’une des
questions les plus complexes et politiquement importantes de l’agenda international, à tel
point que certains observateurs n’hésitent pas à les assimiler à un défi politique dangereux
dont les relations internationales n’ont jamais connu.

C’est ainsi que certains milieux politiques et écologiques ont mis l’accent sur la nécessité de
développer de nouvelles formes de coopération internationale, pour répondre au caractère
spécifique et dangereux de ce type d’enjeux. Mais, ces nouvelles formes de coopération auront elles
la chance d’être concrétisées dans un monde marqué encore par une fragmentation
géopolitique et culturelle, et saturé par de multiples contradictions et situations conflictuelles ?

Et dans quelle mesure les mécanismes et les approches de cette coopération réussiront-t-ils à
coordonner efficacement les efforts déployés dans un cadre caractérisé par l’hétérogénéité et
la diversité des intervenants et des intérêts ?

La ‘gouvernance’ n’est pas le synonyme du gouvernement, mais l’ensemble des moyens à
travers lesquels les différents acteurs (organismes publics, individus, ONGs, entreprises, média,
scientifiques…) gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu où règnent la
coopération et la conciliation entre les intérêts divergents et en conflits.

La Gouvernance
Environnementale Mondiale (GEM) est, dans ce sens, le management des interdépendances
écologiques, économiques et sociales par la représentation et la participation de tous les
intérêts, notamment ceux des secteurs vulnérables de la société.
L’aspect problématique de la coopération dans le domaine de la (GEM) est imputable au fait
que le monde actuel est géopolitiquement divisé en entités (Etats) souveraines et
indépendantes s’attachant extrêmement à leurs intérêts égoïstes, et à l’absence d’une autorité
supranationale pouvant élaborer et mettre en oeuvre des politiques et des règles globales. Cet
aspect problématique est dû également aux changements profonds qui ont touché le monde
durant ces dernières décennies, englobant des défis et des opportunités :

 d’une part, un monde développé minoritaire caractérisé par une révolution technoscientifique et économique sans précédent, une culture de consommation excessive et irrationnelle, ainsi que la capacité militaire et politique de contrôler une portion considérable des richesses planétaires ;

 d’autre part, un monde majoritaire où se développent toutes les formes d’exclusion et où se nourrit un sous-développement durable (pauvreté, analphabétisme, explosion démographique, épuisement continu des ressources naturelles et humaines, instabilité sociopolitique, dépendance économique, financière et technique….).

Plus précisément, le monde actuel est extrêmement contradictoire : mondialisation et régionalisation, un fossé croissant entre les nantis et les pauvres, entre le rural et l’urbain, et répartition inégale des fruits du progrès humain dans ses volets économiques, techniques et scientifiques. De plus, le rythme accéléré de ce progrès rend difficile et complexe toute tentative visant à en planifier le processus et en prévoir les effets à long terme. Parallèlement, l’Etat-nation et ses fonctions deviennent l’objet d’une série de changements très profonds.

En définitive, ce monde est le cadre où va se développer toute forme de coopération dans le domaine de la Gouvernance Environnementale Mondiale. Mais il faut dire que les contradictions et les diverses perceptions de la réalité par les acteurs concernés, ainsi que la
difficulté d’homogénéiser leurs propositions (idées, expertises..), répondre à leurs attentes ou promouvoir la confiance mutuelle entre eux, constituent de véritables contraintes à la coopération.

Dans cette perspective globale, la diplomatie environnementale a fait jour en tant que l’une des
approches les plus privilégiées pour développer ce genre de gouvernance. Son importance est
imputable au fait qu’elle traduit une réponse collective vis-à-vis des enjeux écologiques
mondiaux, tout en étant relativement capable de gérer l’interdépendance environnementale
entre les nations sur une base commune et consensuelle. En addition, l’interaction entre les
questions environnementales et la sécurité collective avait pour corrélatif, l’interférence de la
diplomatie classique et de la diplomatie environnementale.

La négociation multilatérale est l’instrument privilégié de la diplomatie environnementale.

Certains experts l’ont considérée comme le maillon central de la GEM, à côté bien sûr des
actions et des réformes qui doivent être menées aux niveaux nationaux et régionaux.

L’objectif primordial de ce type de négociation est l’instauration d’un équilibre entre "l’intérêt environnemental mondial" et les intérêts nationaux et régionaux par le biais du compromis, du
consensus et du règlement pacifique des conflits environnementaux.

Autrement dit, la
Négociation Environnementale Multilatérale NEM est investie de la mission de parvenir aux
grands compromis et de consolider la gouvernance environnementale, en vue de neutraliser les
impacts nocifs des problèmes écologiques sur l’écosystème planétaire, et sur la bonne marche
des relations internationales aussi.

A cette fin, les NEM procèdent à l’élaboration et la mise en oeuvre des conventions et des
programmes internationaux, comprenant des règles et des normes destinées à réguler le
comportement environnemental des Etats, des organismes publics et privés, des communautés
et des individus. Cette démarche, complexe et difficile, est souvent précédée par des efforts
intenses en vue de mobiliser les acteurs concernés, d’en rapprocher les idées et les perceptions
et de collecter les données scientifiques relatives à l’objet de la négociation. De plus, chaque
solution proposée au sein des NEM pour un problème environnemental posé se trouve souvent
bloquée et conditionnée par de multiples divergences et contraintes de nature politique et
institutionnelle, technique et financière…etc.

Approches et conséquences méthodologiques :

Bien que plusieurs études ont été consacrées à la coopération environnementale
internationale, celles-ci ont tendance à ne pas accorder une grande importance ni aux
processus de négociation qui précédent l’élaboration et l’application des conventions
environnementales multilatérales, ni aux problèmes et contraintes qui influent sur ces
processus ou à la nature des acteurs impliqués. Le choix de ce thème comme objet de
recherche part de ce constat et il est se justifie plus précisément par les raisons suivantes :

 Les NEM sont devenues actuellement l’un des instruments efficaces de la gouvernance environnementale à telle sorte qu’il est impossible, selon certains experts, de recourir à une alternative quand il s’agit d’un problème environnemental ayant des effets et des dimensions mondiaux ;

 Les caractéristiques spécifiques qui distinguent ce type de négociation, à savoir :

  • l’importance accordée aux considérations scientifiques et techniques durant le processus de négociation ;
  • la participation officielle et non officielle d’une multitude d’acteurs aux
    compétences hétérogènes et parfois contradictoires ;
  • l’incertitude accrue qui caractérise une partie des questions négociées ;
  • une lecture nouvelle du droit international et des modèles d’organisation sociale à la lumière de nouveaux concepts et principes…etc.

 Les NEM sont devenues un forum mondial susceptible, selon certains experts, de développer le dialogue et le compromis entre les membres du système mondial aux niveaux horizontal et vertical, et de transcender les divergences et les méfiances politicoidéologiques qui sévissent encore dans certains domaines des relations internationales ;

 Les NEM favorise le développement d’une solidarité mondiale en vue de faire face aux défis communs, et d’un sentiment d’appartenance à un environnement unique et non fragmentaire ;

 Les NEM sont devenues un cadre où se consolide l’aspect institutionnel et fonctionnel de la "société civile mondiale". Elles constituent en effet une force d’impulsion qui pourrait avoir comme conséquence, la recomposition et le changement des rapports de force dominant le système mondial actuel. Et ce, par le biais d’une valorisation du rôle diplomatique et d’un renforcement du pouvoir de négociation de certains pays - particulièrement des PVD et des
PMA qui ont été exclus effectivement du processus de prise de décision internationale - en leur aidant surtout à s’organiser dans de nouvelles alliances stratégiques. En outre, cette catégorie de pays bénéficie actuellement d’un "traitement spécial" basé sur le principe "des
responsabilités communes mais différenciées’’, et sur la particularité de leur situation socioéconomique ;

 Les NEM tendent à jouer un rôle capital dans la solution des conflits environnementaux internationaux, vu l’inefficacité des instruments classiques dans ce domaine, et la montée en scène de la "sécurité environnementale" en tant que nouveau défi aux relations internationales. Le caractère spécifique des problèmes et des conflits environnementaux pousse les NEM à inventer de nouveaux mécanismes susceptibles d’élaborer et d’appliquer des solutions efficaces et adéquates. A titre d’exemple on peut citer : l’approche flexible, le
principe de " précaution / prévention ", la convention cadre….etc.
Il importe de noter que les conclusions de cette étude seront induites et vérifiées en fonction :

  • d’une recherche documentaire exploratoire dont l’objet est la littérature scientifique relative directement ou indirectement au thème de l’étude, et dont le but est l’élaboration d’une problématique selon un référentiel théorique ;
  • d’une recherche-action basée sur l‘étude de cas et l’évaluation. A cette fin, l’accent sera mis sur certains processus de négociation qui ont porté sur l’élaboration et l’application des plus célèbres conventions environnementales multilatérales ;
  • d’un recours aux différentes méthodologies et approche de recherches (notamment l’approche politique et sociologique des relations internationales)

Problématique générale

Certains milieux politiques et intellectuels soutiennent que les négociations environnementales
multilatérales NEM sont actuellement l’instrument idéal pour gérer les problèmes
environnementaux mondiaux et contenir leurs impacts destructifs tant sur le plan
environnemental que celui de la sécurité. Si c’est la cas, se pose alors avec acuité la question de
savoir à quel point le processus des NEM a-t-il réussi dès son avènement à fournir une
référence juridique et institutionnelle, politique et scientifique susceptible d’aider à atteindre
cet objectif.

La problématique centrale de cette recherche peut être définie à partir des questionnements suivants :

 Dans quelle mesure les NEM réussiront-elles à instaurer un système légal et institutionnel efficace et susceptible de contenir les effets déstabilisateurs du déséquilibre écologique sur l’écosystème mondial et sur les relations internationales ?

 L’évolution qualitative et quantitative que connaît actuellement le processus des NEM reflète-t-elle une volonté politique internationale favorable ? C’est si le cas, quel est le degré de l’engagement environnemental international ?

 Les ressources et les efforts déployés en vue d’élaborer des conventions environnementales multilatérales sont-ils dans l’intérêt de l’environnement mondial, ou seulement des moyens pour détourner l’attention publique loin des réformes stratégiques et structurelles qui
pourraient toucher profondément les modèles de développement existants et les philosophies dominantes ?

 Dans quel sens et dans quelle mesure l’évolution des NEM avait touché la structure de la coopération internationale et la référence conceptuelle des relations internationales ?

 Parallèlement à l’évolution des NEM, le changement environnemental s’accélère d’une manière dépassant largement la capacité d’adaptation et d’autorégulation de l’écosystème planétaire. Cela est-il une preuve que ce type de négociation n’a pas convenablement élaboré et traité la problématique environnementale, ou c’est l’ampleur des contraintes
sous–jacentes qui compromette sa capacité à assumer sa vocation première ?

Ce sont des questions auxquelles cette étude a essayé d’apporter des éléments de réponse. Et pour mener à bien cette dernière, il s’est avéré intéressant, de procéder selon un plan axé sur quatre parties.


Voir aussi le site du PNUE - Programme des Nations Unies pour l’environnement.
L’Environnement au service du développement


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