La principale vertu du texte, adopté en dépit de l’opposition de la Bolivie, est d’inscrire dans le marbre de nombreux points de l’accord politique de Copenhague, qui n’a jamais été adopté par la convention de l’ONU, et de les décliner de façon plus précise et concrète. Le texte prévoit en particulier la création d’un Fonds Vert pour aider les pays en développement à lutter contre et s’adapter au réchauffement climatique. Les pays développés avaient promis à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, mais l’origine de ces fonds n’a pas encore été identifiée. C’est la banque mondiale qui servira d’administrateur intérimaire pour le Fonds durant trois ans. Pour autant, les observateurs de cet accord feront valoir qu’il y a une absence de contraintes notamment envers les pays parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Les rapports produits par les grands pays émergents comme la Chine ou l’Inde sur leur émission de GES seront soumis à des consultations et analyses internationales (ICA), "non intrusives", "non punitives", et "dans le respect de la souveraineté nationale".
Certes, le climat n’a pas été sauvé ce samedi à Cancún, mais l’arène des négociations a été renforcée et la confiance rétablie. La Présidence mexicaine y est pour beaucoup. Par son organisation tempérée et sa volonté de transparence du début à la fin, elle a favorisé un climat propice au compromis.

Nathalie Kosciusko-Morizet a souhaité saluer le travail exceptionnel de la Présidence Mexicaine qui a réussi à établir un dialogue transparent et ouvert à tous les pays pour parvenir à cet accord. "Alors que certains prédisaient un échec des négociations à Cancun, je suis très heureuse que la détermination et la volonté partagée par tous les pays d’avancer aient permis de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’accord obtenu comporte des avancées concrètes notamment en matière de lutte contre la déforestation, de transfert de technologies et de financement. Il lance une vraie dynamique en vue de la conférence de Durban l’année prochaine. Enfin et surtout, il sauve le système multilatéral de lutte contre le changement climatique de l’enlisement et de la faillite".
"L’Union européenne est venue à Cancún avec l’espoir d’arriver à un paquet (de décisions) équilibré", a déclaré la Commissaire européenne au Climat Connie Hedegaard. "Nous y sommes parvenus", a-t-elle poursuivi. "Ce texte, s’il n’est pas parfait, est incontestablement une bonne base pour aller de l’avant", a déclaré, de son côté, le négociateur américain Todd Stern.
Pour Gaël Virlouvet, administrateur de France Nature Environnement (FNE) : "Cancun marque le retour de la confiance dans la démarche mondiale de lutte contre le changement climatique. Un pas nécessaire vient d’être franchi. Il reste évidemment de nombreux autres pas à faire, pour concrétiser les engagements et viser des objectifs plus ambitieux. Mais aujourd’hui, nous saluons l’élan collectif retrouvé."

Quelques progrès comme la lutte contre la déforestation...
Un mécanisme de réduction des émissions issues de la destruction des forêts tropicales est enfin établi. Il inclut des mesures visant à préserver les droits et intérêts des communautés forestières ainsi que la biodiversité. De plus, la référence controversée au marché du carbone est pour l’instant abandonnée. Eglantine Goux, chargée de mission Forêt Internationale à France Nature Environnement, résume : "il y aura du travail en 2011 pour améliorer le dispositif REDD (qui concerne la déforestation), mais le pire a été évité, notamment l’entrée des forêts dans le marché du carbone."
Un coup d’accélérateur est aussi donné à la question de l’adaptation aux impacts du changement climatique pour les plus vulnérables. Cancún a permis la création du comité pour l’adaptation qui aura pour mission de mettre en cohérence les actions et d’assurer un soutien technique aux pays du Sud.
…bien loin des mesures impératives
"A Cancún, les pays signataires du Protocole de Kyoto ont reconnu que leurs engagements de réduction d’émissions ne permettent pas de maintenir l’augmentation des températures en deçà de 2°C d’ici à 2100. Selon le GIEC, ils doivent être compris entre -25% et -40% d’ici à 2020. Il faut maintenant dépasser le constat, et passer à l’acte !" constate Karine Gavand de Greenpeace. "De plus en plus de pays européens se disent prêts à faire ce pas en avant, et soutiennent un objectif de 30% de réduction des émissions européenne d’ici à 2020, sans conditions. Ce n’est pas le cas de la France. En cette année 2010, qui bat des records de températures, il est grand temps que Nicolas Sarkozy cesse de freiner les ambitions climatiques européennes !"
"Alors qu’il était vital de sécuriser une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, ici à Cancún, rien n’est acquis", s’inquiète Sébastien Blavier du Réseau Action Climat. "Aucun calendrier n’a été fixé pour renouveler les objectifs de réduction des pays industrialisés alors que le premier cycle d’engagements prend fin en 2012."
"Cancún a abouti à la création du fonds climat que nous demandions et qui devra se concentrer sur l’adaptation des plus vulnérables aux conséquences du changement climatique, élément aujourd’hui délaissé. La France elle-même est loin de montrer la voie puisqu’elle ne consacre en 2010 que 10% de ses financements climat aux activités d’adaptation dans les pays pauvres et émergents" rappelle Romain Benicchio d’Oxfam France. "Par ailleurs, sans progrès sur la question des sources de financements en 2011, au G20 ou à la COP 17 de Durban, ce fonds restera une coquille vide."
Les mexicains ont débarrassé la communauté internationale du spectre d’un éclatement né à Copenhague. Le prochain rendez-vous est fixé à l’année prochaine à Durban (Afrique du Sud) où un accord à la mesure des enjeux pourra - et devra - être trouvé. En effet, s’il ébauche une architecture sur nombre de dossiers, le texte de Cancun n’apporte aucune nouveauté sur le niveau de réductions des émissions, jugé unanimement trop faible pour atteindre l’objectif des deux degrés.