
L’étude [1], commanditée par une coalition d’organisations environnementales et de développement [2], est la première qui met en perspective les objectifs des Plans d’action en faveur des énergies renouvelables des Etats membres [3] et les études européennes sur le changement d’affectation des sols indirect (CASI). En comptabilisant le CASI, on apprend qu’en 2020 les agrocarburants :
- engendreront l’émission de 27 à 56 millions de tonnes équivalent CO2 par an, soit l’équivalent de la mise en circulation de 12 à 26 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes.
- émettront 81 à 167 % de gaz à effet de serre (GES) en plus par rapport aux carburants fossiles qu’ils remplacent alors que la directive européenne demande à ce qu’ils les diminuent de 35 à 50 %.
La France est classée 5e plus gros émetteur de GES issus des agrocarburants en 2020, car elle pourrait émettre jusqu’à 3,9 millions de tonnes de CO2 par an. En 2008, une étude française [4] montrait déjà que le CASI pouvait avoir des effets dévastateurs, en particulier dans le cas d’une conversion de forêt tropicale vers des terres cultivées.
Il encore temps de réagir ...
Avant le 31 décembre 2010, la Commission européenne doit se prononcer sur l’intérêt de prendre en compte l’impact du CASI et, si cela est jugé nécessaire, de l’intégrer dans le calcul des émissions de GES des agrocarburants. Sur ce point, les ONG sont catégoriques : aucune étude européenne ne conclue aujourd’hui à un impact nul du CASI. La Directive sur les énergies renouvelables impose donc légalement aux Etats de prendre en compte ce phénomène.
En prenant en compte le CASI, l’impact des agrocarburants sur le climat est potentiellement plus important que celui des combustibles fossiles qu’ils remplacent, explique Diane Vandaele du Réseau Action Climat-France. L’Europe doit assurer d’urgence leur durabilité en ajoutant un facteur « changement d’affectation des sols indirect » aux calculs d’émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants. La France, qui lance une étude nationale sur cette question, ne peut que soutenir cette proposition.
« La prise en compte du CASI dans le calcul du bilan GES des différentes filières d’agrocarburants est indispensable si l’on veut s’assurer que leur développement n’entraîne pas une destruction massive des forêts et écosystèmes naturelles dans les pays tropicaux », précise Jérôme Frignet de Greenpeace.
Pour Bruno Genty, Président de France Nature Environnement : « Continuer de s’appuyer autant sur les agrocarburants et les voir comme le seul produit de substitution au pétrole, c’est inciter indirectement à la déforestation. Raser toutes les forêts de la planète n’y suffirait pas. Ce qu’il faut, c’est que la demande de carburant, quel qu’il soit, diminue. Ce qui passe forcément par des changements de comportements. »
Les agrocarburants destinés au marché européen posent aussi des problèmes sociaux en monopolisant les terres agricoles dans les pays du Sud au détriment des cultures alimentaires.
Comme le note Christian Berdot des Amis de la Terre, « les agrocarburants ne diminueront pas la dépendance énergétique de l’Europe, ni ses émissions de gaz à effet de serre. Par contre, ils pénaliseront les populations pauvres du Sud, à la fois en s’accaparant leurs terres et leur nourriture, et en détruisant de nombreux écosystèmes vitaux, afin d’y faire de nouvelles cultures énergétiques ».
Pour Antoine Bouhey de Peuples Solidaires en association avec ActionAid : « En encourageant la production d’agrocarburants, l’UE a délivré aux agro-industriels un vaste permis de construire sur les terres du Sud, les poussant de fait à accaparer les terres des plus pauvres pour produire des agrocarburants. Si elle ne prend pas en compte le CASI tel que nous le préconisons, elle signera un nouveau chèque en blanc pour les industriels, qui accapareront jusqu’à 2 fois la taille de la Belgique ! »
Consommation d’agrocarburants par État membre en 2020 sur la base des chiffres fournis dans les PAN – Volume de consommation total des agrocarburants de 1e et de 2e génération (ktep = kilotonnes équivalent pétrole) :
