Nous avons aujourd’hui le potentiel pour limiter le réchauffement climatique en dessous du seuil de 2°C, à un coût relativement faible ( estimé entre 200 et 350 milliards d’euros par an, soit 0,4% du PIB mondial). C’est le message du rapport de McKinsey and Co, “ Pathways to a Low Carbon Economy”, auquel a contribué le WWF. Pour l’ONG, c’est un appel à l’action de bonne augure alors que commence une année décisive pour le climat qui s’achèvera en décembre 2009 avec le conférence de l’ONU sur le climat de Copenhague.
Le rapport très attendu de McKinsey, a été rendu public aujourd’hui 26 janvier, lors d’une conférence de presse à Bruxelles à laquelle participait le directeur général de WWF, Jim Leape, ainsi que le Commissaire à l’Environnement Stavros Dimas et Sir Nicholas Stern. WWF est l’un des 10 sponsors qui ont soutenu financièrement et surtout contribué par leur expertise à ce rapport, qui étudie plus de 200 potentiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les deux prochaines décennies, dans 10 secteurs et 21 régions du monde. Le WWF se félicite des principales conclusions de ce rapport. Selon ce rapport, si l’ensemble des options technologiques étaient utilisées, les émissions mondiales de gaz à effet de serre pourraient être réduites de 40% par rapport à 1990 d’ici à 2030. Une réduction suffisante pour limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C. Mais il faut agir dès aujourd’hui : si la communauté internationale attend 10 ans pour agir, il sera alors impossible de rester en dessous de ce seuil de 2°C et donc d’éviter les impacts catastrophiques du dérèglement climatique. Autre message important de ce rapport : le coût net de l’action – prenant en compte le coût de la mise en œuvre des politiques publiques – est estimé entre 200 et 350 milliards d’euros par an à l’horizon 2030, soit 0.4% du PIB mondial, dans l’hypothèse où le baril de pétrole ne dépasse pas 60$. « Mais si le pétrole est deux fois plus cher, une hypothèse loin d’être absurde, alors ce coût devient un gain de l’ordre de 450 milliards ! Gagnerons nous ou perdrons nous des centaines de milliards ? Cela dépend tellement du prix du pétrole qu’on peut douter de la pertinence de cette question. Mais ce qui est sûr, c’est que le coût de l’action reste bien faible par rapport au coût de l’inaction », commente Damien Demailly, chargé du programme Energie Climat au WWF-France. Pour Serge Orru, directeur du WWF-France, « alors que les chefs d’Etat du monde entier préparent la grande réunion de Copenhague qui doit trouver un successeur au Protocole de Kyoto en décembre 2009, ce rapport coupe l’herbe sous le pied à ceux qui disent que la lutte contre les changements climatiques est perdue d’avance et fragilise nos économies ».Les actions concrètes préconisées dans le rapport McKinsey
Elles concernent quatre grands domaines : – l’efficacité énergétique : Construction de véhicules hybrides, meilleure isolation des bâtiments, contrôles de la performance énergétique des équipements industriels… Si l’ensemble des mesures identifiées sont mises en œuvre, elles devraient permettre d’éviter l’émission de 14 gigatonnes de CO2 par an en 2030. Quant à la demande mondiale en électricité, elle pourrait alors baisser d’ici 2030 de près de 3% par an. Le nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, a déjà annoncé plusieurs mesures allant dans cette direction. Il va notamment autoriser les Etats à fixer des quotas d’émission plus stricts pour les véhicules. – les énergies renouvelables : Un investissement massif dans les énergies propres (éolien, géothermique, solaire…) et les biocarburants devrait permettre de prévenir l’émission de 12 gigatonnes de CO2 par an à l’horizon 2030. – la forêt et l’agriculture : Arrêt du déboisement des forêts tropicales, lancement de projets de reforestation, réforme des pratiques agricoles pour protéger les sols… Ce secteur a un fort potentiel de réduction des émissions (12 gigatonnes de CO2 par an en 2030), car forêts et sols constituent des puits de carbone naturels. Un problème, cependant : 90% des émissions de carbone terrestre ont lieu dans des pays en développement comme le Brésil ou l’Indonésie, où l’on pratique la déforestation à une échelle industrielle. – les comportements individuels : Limiter les voyages d’affaires, délaisser la voiture au profit du train, utiliser moins souvent chauffage et climatisation, manger moins de viande… « Modifier les habitudes sera difficile » reconnaît le rapport McKinsey. Pourtant, un changement immédiat des pratiques de consommation et des comportements pourrait permettre d’éviter l’émission de 3,5 à 5 gigatonnes de CO2 par an en 2030.Quelle traduction politique ?
« Les chiffres de l’étude McKinsey sont compatibles avec les nôtres » a déclaré le Commissaire européen à l’Environnement, Stavros Dimas, deux jours avant de présenter les nouvelles propositions de la Commission pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce texte rappelle que les pays en développement ont besoin de 95 milliards d’euros chaque année pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais ne fixe aucun montant précis pour une aide financière de l’UE. « Le chiffre de 28 milliards d’euros qui figurait dans la première mouture était certes insuffisant, mais il avait le mérite de lancer la discussion » regrette Damien Demailly, responsable climat au WWF. Un temps envisagée, la proposition de faire payer des droits de pollution à un prix fixe, par exemple 3 euros par tonne équivalent CO2, ne figure plus dans le nouveau texte. De même que la mise aux enchères d’une partie des droits de pollution des pays développés, proposée par la Norvège. « Les objectifs en milliards d’euros sont trop dépendants des prix du pétrole. La Commission ferait mieux de parler en réduction de tonnes de CO2 » estime Damien Demailly. La nouvelle proposition de la Commission sera examinée par les ministres de l’Environnement de l’UE le 2 mars, et par ceux des Finances le 10 mars. Mais le sort de ce texte se jouera le 20 mars, à l’occasion du Conseil des chefs d’Etat européens.