Aujourd’hui, le commerce équitable est à la croisée des chemins : d’un côté, il fait désormais partie de notre paysage quotidien, de l’autre, il doit faire face à des interrogations voire des objections : est-il à même de faire évoluer le commerce mondial ? A-t-il perdu son âme en admettant l’intervention de la grande distribution et de marques de l’industrie agro-alimentaire ? Contribue-t-il autant qu’on le dit au développement durable ? Autant de questions, au centre d’intenses débats, auxquels cet ouvrage se propose de répondre à la lumière des témoignages de Stéphane Comar, Christophe Eberhart,et Rémy Roux, les fondateurs d’Ethiquable, la première société coopérative française de commerce équitable. Pourquoi le choix du commerce équitable ? Mais aussi du statut coopératif ? Et surtout, pourquoi avoir accepté de « pactiser » avec la grande distribution où les produits Ethiquable sont commercialisés ? D’autres questions auxquelles l’ouvrage répond en prenant le temps de revenir sur le parcours peu commun de ces personnes qui, un jour, ont éprouvé le besoin de redonner sens à leur vie professionnelle en s’engageant dans cette nouvelle manière d’envisager le commerce avec des producteurs de pays en développement. La sortie du livre de Sylvain Allemand est l’occasion de revenir sur le parcours du numéro 1 du Commerce équitable alimentaire en France.
Entre valeurs et croissance, le commerce équitable en question
Avec le témoignage d’acteurs de référence sur le marché – les fondateurs de l’entreprise coopérative Ethiquable, Sylvain Allemand prend la mesure du dilemme posé : le commerce équitable va-t-il être victime de son succès ? Même si ce commerce reste encore marginal au plan national comme au plan mondial, les chiffres attestent d’une croissance soutenue qui résiste assez bien à la baisse actuelle du pouvoir d’achat. Cependant, le commerce équitable paraît plus que jamais à la croisée de chemins : d’un côté, il plaide pour une rémunération plus juste des petits producteurs du Sud et, au-delà la défense d’une agriculture paysanne; de l’autre, il ne peut espérer changer la donne sans accroître les volumes et donc s’engager dans une logique de croissance. L’articulation de ces deux objectifs ne posait jusqu’alors pas de problèmes… Jusqu’à ce que la notoriété croissante du commerce équitable attise l’appétit d’acteurs suffisamment puissants pour changer la donne en favorisant de nouvelles pratiques se détournant largement de la vocation première du commerce équitable : contribuer au développement des paysans du Sud (en leur garantissant un prix minimum et une prime de développement, sans compter des engagements d’achat dans la durée, un appui technique, etc.). Ainsi, au moment même où le commerce équitable s’impose dans les habitudes de consommateurs, dans l’agenda des pouvoirs publics, des organisations internationales et jusqu’aux linéaires de nos grandes surfaces, sa raison d’être (accompagner le développement des petits producteurs du Sud) semble compromise par l’arrivée de nouveaux acteurs faisant primer la logique de croissance sur ses valeurs. Au final, les changements intervenus ces deux dernières années (l’émergence de marques de distributeurs, de marques de l’agro-industrie et de garanties moins exigeantes) et leurs conséquences (le recours aux agricultures de plantation et de contrat, la certification d’exportateurs) risquent de remettre en cause le travail patiemment réalisé par les acteurs traditionnels en vue de renforcer l’autonomie et la capacité de développement des coopérative de petits producteurs du Sud. Tout se passe comme si ces nouveaux acteurs récoltaient les fruits de ce que les pionniers du commerce équitable avaient semé. Avec ce résultat paradoxal : que ceux pour qui ce commerce fut conçu en priorité en soient finalement évincés ! L’avenir du commerce équitable est-il compromis ? Peut-on concilier la progression des volumes sans renoncer aux valeurs qui en ont fait la spécificité ? Cette question traverse le mouvement dans son ensemble, comme en témoigne la réflexion engagée au sein de la Fédération Internationale du commerce équitable (Fairtrade Labelling Organisations International). Les garde-fous existent. A commencer par la mobilisation des organisations des producteurs qui se positionnent fortement contre l’entrée des plantations dans le commerce équitable dont ils dénoncent la concurrence déloyale. – L’auteur : Journaliste, Sylvain Allemand observe depuis plusieurs années la société française dans le contexte de la mondialisation. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont La Mondialisation (avec J.-C. Ruano-Borbalan, Le Cavalier Bleu, 2005). – Références : Entre valeurs et croissance, le commerce équitable en question de Sylvain Allemand – Editeur : Les carnets de l’info – Parution : 12/12/2008 – 220 pages – EAN13 : 9782916628387 – Prix public : 19,00 € – Acheter cet ouvrage chez notre partenaire Eyrolles pour 18,05 €Ethiquable, succes story d’une coopérative
Depuis sa création en 2003, le succès de cette Scop [[Et là, vous me direz qu’est ce qu’une SCOP ? Une SCOP est : « une organisation associant les salariés au capital et à la gestion de l’entreprise fondée sur le management participatif et la démocratie : – l’homme et son travail sont placés au coeur des valeurs de l’entreprise, – le capital est détenu en majorité par ses salariés, – les décisions de l’Assemblée Générale sont prises sur le principe : « un homme = une voix » ».]] est impressionnant. Avec plus de 3000 grandes surfaces et magasins spécialisés vendent la marque, Ethiquable est désormais le numéro 1 du Commerce équitable alimentaire en France. Au départ, trois amis motivés et un esprit d’entreprise résolument différent. A l’origine d’Ethiquable, trois hommes : Stéphane Comar, Rémi Roux et Christophe Eberhart. « A l’origine, explique Stéphane dans un entretien publié dans Interdépendances, Rémi voulait réorienter sa carrière professionnelle. Il avait en tête de se lancer dans l’import d’artisanat. Nous nous connaissions tous les trois depuis plus de 15 ans, et puis à force de discuter de son idée, nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure en réorientant le projet sur la conception et la commercialisation de produits agroalimentaires issus du commerce équitable. » Au début des années 2000, grâce au travail de sensibilisation de Max Haavelar et de la Plate-forme pour le Commerce Equitable, la notoriété du concept et la prise de conscience des consommateurs s’accroissent considérablement. La grande distribution va suivre… « Chacun d’entre nous avait derrière lui 15 ans d’expérience dans les domaines nécessaires pour faire de ce projet un succès. » Stéphane vient de l’import-export de matières premières, Rémi de la grande distribution et Christophe, ingénieur agronome, travaille depuis longtemps dans le développement agricole des pays du Sud. Trois profils parfaitement complémentaires pour lancer l’activité. Un long travail de démarchage commence, il s’agit de convaincre les distributeurs de mettre en rayon les produits Ethiquable. « On s’était fixé comme objectif de rencontrer trois magasins ou supermarchés par jour, explique Stéphane, on présentait des prototypes de nos produits et puis lorsqu’une cinquantaine de points de vente ont accepté, on a importé le premier container. » C’était en octobre 2003. Aujourd’hui, la marque est distribuée dans plus de 3000 grandes surfaces et magasins spécialisés. « Tout a été très vite, continue Stéphane, dès novembre 2003, on a rencontré le responsable qualité du Groupe Leclerc qui voulait intégrer des produits issus du commerce équitable dans les rayons des magasins de l’enseigne. Avec AlterEco, il nous a identifiés comme un fournisseur crédible… On a donc embauché cinq personnes dans la foulée pour répondre à la commande. » Ce premier succès ne s’est pas démenti par la suite. A première vue, Ethiquable peut passer pour une boîte classique. Les 70 personnes qui travaillent au sein de l’entreprise y exercent les métiers classiques du secteur de l’import et de la commercialisation de produits agroalimentaires : logisticiens, commerciaux, responsables qualité, chargés de communication, administratifs… Pourtant, tous ont un point commun : « L’engagement citoyen, explique Stéphane Comar, c’est un point essentiel dans notre choix de recruter une personne. » Essentiel parce qu’après deux années passées chez Ethiquable, chaque salarié est invité à se porter candidat pour devenir coopérateur de la Scop (société coopérative de production). Composée aujourd’hui de 15 personnes, l’assemblée générale devrait donc très vite s’accroître. Tous les salariés sont formés par les Unions régionales des Scop de Midi Pyrénées et d’Ile-de-France pour apprendre le fonctionnement d’une Scop et se préparer à devenir coopérateurs. Qu’il s’agisse du service communication ou de la logistique, tous sont enthousiastes à l’idée de franchir le pas de la coopération. Peu connaissait ce concept d’entreprise avant d’entrer chez Ethiquable mais l’adhésion au projet est si forte qu’il semble tout à fait naturel de devenir associé au bout de deux ans. « Quand je rencontre les coopératives du Sud, avance Stéphane Senan, responsable filières, le contact est beaucoup plus facile lorsque je leur explique que nous sommes nous-mêmes organisés en coopérative. Et puis, l’esprit coopératif fait partie intégrante de la démarche équitable. » La forme respecte le fond. Qu’en est-il de la vente en grande surface ? Pour certains, on s’affranchit ainsi d’une certaine éthique qui refuse de distribuer des produits équitables en dehors des boutiques spécialisées. « Qu’il y ait plusieurs écoles me semble une bonne chose, avance Stéphanie Comar. Nous, nous avons fait le choix de la grande distribution car elle permet de maximiser notre impact sur les producteurs du Sud. En 2006, nous avons passé commande auprès d’une trentaine de coopératives partenaires, soit plus de 10 000 producteurs. » Pourtant, les difficultés peuvent être lourdes, car travailler avec une multitude de petits producteurs signifie aussi multiplier les problèmes possibles. Le projet d’Ethiquable suppose en effet de pouvoir approvisionner les distributeurs en grande quantité tout en ayant une démarche responsable auprès des coopératives du Sud. « Nous devons faire attention à ne pas placer les coopératives en situation de dépendance économique vis-à-vis de nous », continue Christophe Eberhart. Ethiquable les conseille ainsi pour une meilleure valorisation de leurs produits et les accompagne dans un processus d’amélioration de la qualité. Elle participe ainsi au maintien de la valeur ajoutée sur place, qui leur permet d’augmenter leurs revenus. C’est probablement ce qu’on appelle l’esprit coopératif. Source de l’article : Extraits de Ethiquable, le poids lourd du commerce équitable par Albin Gaudaire paru dans Interdépendances n°66 – Juillet 2007 – Chaque trimestre, Interdépendances met en lumière des initiatives, des idées, les femmes et les hommes qui sont déjà en train d’inventer le monde de demain. Nous vous conseillons de lire le dossier Le commerce équitable à l’épreuve de son succès publié en avril 2007 dans Interdépendances.Crise : le commerce équitable va-t-il passer à la trappe ?
Baisse du pouvoir d’achat, hausse du prix des matières premières… Le marché du commerce équitable subit aujourd’hui des tensions importantes et inédites, susceptibles de mettre en péril le système lui-même. Elles affectent directement les deux extrémités du système : les consommateurs et les producteurs. Les trois fondateurs d’ETHIQUABLE, la marque de commerce équitable la plus vendue en France, posent la question de l’impact de la conjoncture sur la consommation responsable. Sur la base des chiffres des achats des Français du 1er semestre 2008 (Etude IRI – Infoscan) et de la réalité des terrains, il s’agit de comprendre comment la crise peut affecter le commerce équitable en France et de savoir si la hausse du prix des matières premières peut ébranler les coopératives de producteurs qui sont, sur le terrain, les moteurs du développement du commerce équitable ? – Lire le communiqué de presse d’Ethiquable