Mise en garde à l’intention des gouvernements : l’échéance pour limiter le réchauffement climatique approche
Le changement climatique menace « d’ébranler sérieusement la prospérité mondiale future et d’infliger de graves coûts sociaux, économiques et écologiques pour la planète« , selon une coalition mondiale d’entreprises ayant lancé aujourd’hui un appel urgent à l’action à l’intention des gouvernements du monde entier.
Shell, Unilever, Acciona, Cemex, Skanska, Philips, Barilla, KLM, Nestlé, Air France, et EDF Energy comptent parmi plus de 175 entreprises originaires de 29 pays ayant cautionné le Communiqué relatif à l’objectif des 2 degrés qui convie les gouvernements à parvenir à un accord à la fois « robuste, équitable et ambitieux sur le changement climatique » au sommet de l’ONU de Durban, en Afrique du Sud, qui aura lieu au mois de décembre.
En l’absence d’un tel accord « les entreprises ne disposent pas de la clarté et de la certitude nécessaires pour pouvoir s’investir à plein potentiel« , explique la déclaration. Il n’y a plus de temps à perdre pour pouvoir maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C, et, s’ils n’agissent pas, les gouvernements « risquent d’endommager irrémédiablement leur crédibilité« ; cependant, une action dans le bon sens « assurerait une économie bas carbone plus robuste, plus efficace et moins vulnérable aux chocs mondiaux. »
La publication officielle du Communiqué se fait à l’échelle internationale dans les villes de Londres, Bruxelles, Sao Paulo, Ankara et Johannesburg, par les membres du CLN ou Corporate Leaders’ Network for Climate Action (réseau corporatif en faveur d’une action pour le climat). Leur objectif est d’influencer les gouvernements à la veille de cette 17ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) .
– Lire l’appel en français
En prologue à cette diffusion, Christiana Figueres a déclaré : « Les gouvernements ont d’ores et déjà ouvert une voie limpide et collective vers un avenir faible en émissions de carbone, mais il revient à l’ensemble du monde d’accélérer la réduction des émissions ces prochaines années, afin de pouvoir répondre adéquatement au défi que représente le changement climatique. Les entreprises s’étant manifestées en faveur du Communiqué relatif à l’objectif des 2˚C sont véritablement des exemples à suivre. Le fait que ces entreprises se soient engagées de manière éloquente et sans équivoque en faveur d’une action munit les gouvernements du supplément de confiance dont ils ont besoin pour évoluer vers un accord mondial relatif au changement climatique qui finira par remédier aux lacunes actuelles en termes d’ambition« .
La Commissaire européenne à l’Action pour le climat, Connie Hedegaard, a déclaré : “Je me réjouis de cet appel à l’action de la part des entreprises. La Commission européenne reste prête à s’engager avec les chefs d’entreprise pour parvenir à construire une économie verte, robuste et résiliente au climat. Des mécanismes de marché efficaces, des mesures d’efficience supplémentaires et une plus grande innovation constituent tous des moyens fondamentaux d’atteindre notre objectif. Nous nous devons de continuer à promouvoir ce programme en Europe, ainsi qu’à l’échelle internationale. La croissance verte est le seul avenir viable si nous souhaitons dynamiser nos économies tout en protégeant notre climat.”
Outre de réitérer leur soutien incontestable à un accord mondial, les entreprises parrainant le Communiqué lancent également un défi aux gouvernements pour agir sans délai au niveau national. Elles déclarent « ne pas pouvoir et ne pas devoir attendre la mise en place d’un nouveau traité international » mais devoir adopter « des politiques et mesures nationales qui incitent sans équivoque à une action immédiate« .
Les actions politiques spécifiques que les entreprises invitent tous les pays à adopter comptent notamment :
– Un niveau de prix du charbon suffisant pour stimuler une réduction des émissions
– Des programmes d’adaptation efficaces
– Davantage de subventions en faveur de l’innovation, des investissements et du développement à faible intensité de carbone
– Un soutien constant aux entreprises et aux consommateurs pour les aider à faire baisser leur niveau d’émissions grâce à une utilisation plus efficace de l’énergie
– Des politiques d’approvisionnement et une réglementation ciblées s’accompagnant de nouvelles perspectives sur les droits de propriété intellectuelle visant à encourager l’innovation dans des solutions et produits à faible intensité carbonique
– Des actions visant à conserver et accroître la superficie des forêts et autres puits de carbone terrestres
– Un accord international visant à établir et maintenir des institutions puissantes et hautement fonctionnelles dans ce domaine, notamment un nouveau Mécanisme de développement propre et un Fonds vert pour le climat
– La fin des subventions aux combustibles fossiles.
Le Communiqué relatif à l’objectif des 2 degrés a été produit par des chefs d’entreprise provenant de secteurs d’activité divers tels qu’énergie, finance, commerce de détail, et industrie, par l’intermédiaire du nouveau Corporate Leaders Network for Climate Action (CLN). Le CLN compte des groupes originaires des régions les plus diverses : Brésil, Chili, UE, États-Unis, Hong Kong, Mexique, Asie du Sud-Est, et Afrique du Sud. Le Communiqué est le cinquième de la série de déclarations du groupe de travail sur le changement climatique de la fondation du Prince de Galles (The Prince of Wales’s Corporate Leaders Group on Climate Change, ou CLG) et il est géré et dévelopé par le Programme for Sustainability Leadership (CPSL), organe de l’Université de Cambridge œuvrant en faveur du développement durable.
Sandrine Dixson-Declève, Directeur du Groupe d’entreprises en faveur d’une Action pour le climat à l’Union européenne a déclaré : “L’élargissement du réseau aux groupes commerciaux d’autres pays montre que, loin de constater une perte d’intérêt dans le problème que représente le changement climatique, on assiste à un consensus émergeant et de plus en plus international parmi les chef d’entreprise en faveur d’une action urgente. Nous continuerons à recueillir des signatures jusqu’en juin prochain et nous nous réjouissons d’avance d’y accueillir de nouvelles entreprises.”
En dépit de la conjoncture économique défavorable et du manque de progrès récents au niveau multilatéral, le Communiqué demande aux gouvernements de ne pas « laisser les inquiétudes de court terme, aussi importantes qu’elles soient, nuire à l’attention devant être accordée d’urgence au changement climatique« . Les signataires ont conclu en déclarant : « En tant que chefs d’entreprise, nous sommes convaincus que le seul avenir durable pour nos entreprises et pour la planète, passera par l’élaboration d’une économie verte, robuste et résiliente au climat« .
Communiqué relatif à l’objectif des 2 degrés
Ce Communiqué, le cinquième de la sorte, est publié à l’intention des leaders gouvernementaux par les dirigeants de 185 entreprises du monde entier.
En tant que chefs d’entreprise, nous souhaitons nous engager pleinement et agir en faveur du changement climatique, du développement durable et de l’économie verte. La croissance verte s’accompagne du potentiel de création d’une économie plus prospère et plus robuste, et se traduit par innovation et création d’industries et d’emplois. Nous continuons à élargir les connaissances de nos homologues quant à la justification économique de la croissance verte et l’importance d’atteindre rapidement l’objectif des 2°C.
Les preuves scientifiques et économiques restent des plus probantes. Si nous n’agissons pas, le changement climatique risque d’ébranler sérieusement la prospérité mondiale future et d’infliger de graves coûts sociaux, économiques et écologiques pour la planète. En prenant les mesures adéquates, nous pouvons nous assurer une économie à faible intensité carbonique plus robuste, plus efficace et moins vulnérable aux chocs mondiaux. Mais il reste peu de temps pour pouvoir prendre des mesures efficaces et répondre à la menace du changement climatique. Le délai consacré à la stabilisation du réchauffement mondial à moins de 2°C qui avait été convenu à Cancún est pratiquement arrivé à échéance. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que les émissions de CO2 ont atteint des niveaux record en 2010 et qu’elles continuent d’augmenter. Malgré les exemples d’actions et de politiques robustes visant à éviter un niveau de changement climatique dangereux, si l’on s’en tient aux progrès actuels, le seuil de 2°C se verra dépassé.
Nous maintenons notre soutien en faveur d’un accord de l’ONU sur le changement climatique qui soit à la fois robuste, équitable, efficace et élaboré sur la base des infrastructures existantes. En l’absence d’un tel accord, les entreprises ne disposent pas de la clarté et de la certitude nécessaires pour pouvoir s’investir à plein potentiel. L’absence d’une résolution inter‐gouvernementale de l’impasse des négociations internationales risquera d’endommager irrémédiablement la crédibilité des gouvernements en la matière.
Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre la mise en place d’un nouveau traité international. Tous les gouvernements se doivent d’adopter sans délai les mesures et politiques nationales qui poussent à l’action. Les politiques en question se doivent d’être ambitieuses, transparentes, mesurables et compatibles avec l’infrastructure mondiale future.
Appel à l’action
Nous demandons aux gouvernements de s’engager à prendre diverses mesures, en assumant leurs responsabilités dans le domaine du changement climatique et en reconnaissant leur capacité individuelle à y répondre, notamment :
1. Collaboration internationale : La CCNUCC reste le seul organisme susceptible de donner naissance à un accord mondial, et la réunion prochaine de Durban devra sans aucun doute indiquer des progrès visibles à cet égard. La conférence de l’ONU de Rio+20 sur le Développement durable qui aura lieu l’année prochaine constituera également une opportunité clé pour galvaniser un accord international sur le changement climatique et l’économie verte.
Durban devra voir des progrès qui non seulement résolvent l’impasse ayant empêché jusqu’à présent d’arriver à un accord, mais qui instaurent également des institutions internationales d’importance telle que : un mécanisme de développement propre réformé fournissant des flux financiers efficaces tout en protégeant les issues environnementales; un Fonds Vert pour le Climat opérationnalisé ; et enfin des comités d’adaptation et de transfert de technologie établis. Les gouvernements doivent respecter leurs engagements à mettre en commun les données essentielles au déblocage d’une action dans ce sens.
Ces données comprennent la quantification, la diffusion et la vérification intégrales des émissions, les plans de mesures visant à réduire les émissions, ainsi qu’une coopération en termes de collecte et de diffusion publique des données climatiques, celle‐ci étant essentielle pour une adaptation efficace.
Nous incitons vivement les pays à se rapprocher par l’intermédiaire d’accords bilatéraux et multilatéraux s’attachant à résoudre les problèmes particuliers que constituent notamment la déforestation, la réduction des émissions de l’aviation et de la marine internationale, et le financement de partenariats de soutien aux initiatives d’innovation à faible intensité carbonique.
2. Mécanismes de marché efficaces : Il est essentiel d’aboutir à un système qui fonctionne en harmonie avec le marché en fixant un prix du carbone susceptible de motiver les actions nécessaires et dont la stabilité est assurée sur le long terme. Les gouvernements se devront d’adopter leurs propres solutions de marché pour atteindre les objectifs climatiques. Il sera nécessaire de veiller à ce que les plans nationaux soient aussi compatibles et transparents que possible, afin de favoriser au bout du compte une solution à l’échelle mondiale. Les gouvernements devront avoir recours à une grande variété d’outils pour les aider à créer un signal prix efficace. Ceci inclura à la fois des mesures directes sur le carbone telles que les taxes et les systèmes de négociation, ainsi que des actions indirectes favorisant les alternatives de faible intensité d’émissions et les efficiences énergétiques à travers les normes, les incitations et la régulation. Il sera nécessaire d’éliminer les distorsions créées par le marché tel que le soutien apporté aux carburants riches en carbone ou aux technologies matures. En l’absence d’une approche mondiale intégrée relativement au changement climatique, il est nécessaire que les gouvernements comprennent les implications commerciales qu’ont les émissions carboniques ajoutées.
3. Financement de la transition : La nécessité de financer un développement sobre en émissions carboniques et résilient au climat est urgente. Pour de nombreux pays qui font face à des difficultés importantes en termes de niveaux de pauvreté, le développement économique et la création d’emplois au moindre coût constituent une priorité incontestable. Ces problèmes nuisent également à leur capacité d’investir à une échelle suffisante afin de répondre aux besoins du changement climatique.
À Copenhague et à Cancún, les pays se sont mis d’accord pour mobiliser 100 milliards de dollars par an sous forme de financement public et privé d’ici à 2020 afin de soutenir cet investissement. Cependant, les progrès relatifs à l’instauration des institutions et mécanismes aptes à générer ce financement se sont avérés insuffisants. il est indispensable que Durban voie l’opérationnalisation et le subventionnement adéquat du Fonds Vert pour le Climat (FVC). Le FVC doit être établi d’une manière soutenant les possibilités de financement mixte public/privé et exploitant efficacement le financement privé.
4. Incitation à l’innovation : L’innovation n’est pas limitée aux nouvelles technologies; elle concerne également les compétences et les processus. Des investissements intelligents provenant du secteur public et du secteur privé, accompagnés des signaux politiques adéquats, généreront une croissance économique et la création de nouvelles industries, de nouvelles compétences et de nouveaux emplois. L’AIE estime que pour obtenir une réduction de 50% des émissions de CO2 au niveau mondial d’ici à 2050, il sera nécessaire de multiplier de deux à cinq fois les subventions gouvernementales actuelles dans la recherche, le développement, et le déploiement de technologies à faible intensité carbonique. C’est dans notre capacité de chefs d’entreprise que nous lançons un appel aux gouvernements pour leur demander de se joindre à notre action pour garantir que ce financement se voie concrétisé, en concluant des partenariats stratégiques entre secteur public et secteur privé, et en mettant en place les infrastructures adéquates pour faciliter les investissements à grande échelle dans les projets à faibles émissions, en particulier dans les pays en voie de développement et sur les marchés émergents.
Les gouvernements devront créer les cadres règlementaires nécessaires pour dynamiser l’innovation. Ceux‐ci devront notamment inclure une réglementation instaurant une certitude de marché de long terme ainsi qu’un environnement d’investissement approprié ; un système d’approvisionnement stratégique du secteur public favorisant une pénétration plus rapide des produits de l’innovation sur le marché ; et le développement d’une méthodologie focalisée sur une propriété intellectuelle qui encourage la collaboration commerciale et l’investissement relatif à l’innovation.
5. Stimulation de l’efficience : Les efficiences énergétiques, tout comme les efficiences de ressources, produisent des réductions d’émissions de GES rapides et rentables, et doivent donc être privilégiées. Conjointement aux entreprises leaders, nombreux sont les gouvernements qui restructurent leur réglementation afin d’exploiter les opportunités d’efficience dans l’environnement de la construction, ainsi que dans les secteurs des transports, de l’énergie, des TIC et de l’électronique. Les technologies intelligentes ont le potentiel d’aider le gouvernement, les entreprises et les consommateurs individuels à gérer plus efficacement leur consommation d’énergie, et elles doivent être favorisées, en particulier sur l’infrastructure énergétique et dans les secteurs du bâtiment et des transports. Une approche holistique concentrée à la fois sur les ressources de production et les ressources de consommation est indispensable. Une utilisation plus étendue des normes et étiquetages relatifs à l’efficience, ainsi que des mesures et objectifs stimulant le financement sont essentiels sur l’ensemble des secteurs.
Les entreprises sont prêtes à coopérer avec les gouvernements pour y parvenir.
6. Conservation forestière urgente : La déforestation et autres changements d’utilisation des terres sont responsables d’environ 20% des émissions mondiales. Les efforts pour faire face au changement climatique pourraient se voir considérablement compromis en l’absence d’action s’attachant à conserver et étendre les massifs forestiers et autres puits de carbone terrestres, en complément des actions visant à réduire les émissions des combustibles fossiles. Nous nous réjouissons des progrès effectués à Copenhague et à Cancún en faveur d’un accord relatif à la réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation (REDD+). Toute politique résultante devra intégrer une approche holistique quant à la conservation forestière, y compris des mesures veillant à la gestion durable des forêts et à l’amélioration des stocks de carbone en forêt.
Des politiques et mécanismes de marché efficaces dans ce domaine sont essentiels, notamment le Paiement pour Services Environnementaux (PSE), mais une action de plus grande envergure est nécessaire pour garantir leur opérationnalisation immédiate. De plus, de nouvelles normes devront être développées dans les pratiques de gestion des terres pour obtenir une augmentation des puits de carbone terrestres, et éviter directement ou indirectement les émissions dues aux changements d’utilisation des terres. Les politiques doivent tenir compte des écosystèmes, du capital naturel, de la biodiversité et enfin des droits de toutes les parties prenantes.
7. Intégration de la réduction des risques et de l’adaptation : Il semblerait que de nombreux gouvernements n’ont pas entièrement compris les risques que le changement climatique pose pour leur pays et la nécessité de mettre en place des programmes d’adaptation adéquats pour les gérer. Nous lançons un appel aux gouvernements pour qu’ils adoptent une approche intégrée en termes de planification et de développement de politiques qui tiennent également compte des risques climatiques, en délivrant des infrastructures à la fois résilientes et à faible émission de carbone. Une planification prospective de qualité et une gestion gouvernementale adéquate des risques environnementaux constituent des facteurs importants dans les décisions prises par le secteur commercial quant à la poursuite des investissements dans un lieu donné. Nous engageons les gouvernements à mettre leurs plans en commun et à collaborer avec les entreprises du monde entier pour garantir le meilleur niveau de préparation et de mobilisation possible.
Les entreprises ont affiché leur souhait de coopérer avec les gouvernements pour développer des solutions répondant aux défis présentés par le changement climatique. Il n’en reste pas moins du rôle des gouvernements de créer des infrastructures locales nationales et internationales robustes et stables pour répondre au défi des 2°C. Pour notre part, nous restons décidés à mettre en oeuvre ce genre d’infrastructures et à nous engager dans un dialogue actif avec les gouvernements en vue de créer cet avenir. En tant que chefs d’entreprise, nous sommes convaincus que le seul avenir durable pour nos entreprises et pour la planète passera par l’élaboration d’une robuste économie verte résiliente au climat. Il est essentiel que nous continuions à oeuvrer dans ce but alors que nous nous efforçons de nous extirper de la tourmente économique, en évitant de permettre aux inquiétudes de court terme, tout aussi importantes qu’elles soient, de nuire à l’attention devant être accordée d’urgence au changement climatique.