Malgré le dispositif de sanctions mis en place par la loi de transition énergétique de 2015, les outils réglementaires et législatifs existants s’avèrent insuffisants pour lutter efficacement contre l’obsolescence programmée. A l’heure où nous épuisons nos ressources, il apparaît pourtant urgent de combattre certaines pratiques. Dans cette nouvelle note, les experts de La Fabrique Ecologique proposent trois pistes concrètes pour réduire l’obsolescence programmée et favoriser la transition vers une consommation plus durable.
Synthèse
L’obsolescence programmée peut être définie comme la réduction planifiée de la durée de vie des produits. Le phénomène est ancien et les premières manifestations datent des années 1920. C’est au début des années 1960 que l’obsolescence programmée a commencé à être réellement analysée et dénoncée, notamment par les penseurs de l’écologie politique. Elle n’a pourtant intégré largement la sphère publique qu’à partir du début des années 2010. Les conséquences sont multiples puisqu’elles se traduisent au niveau environnemental, social, sanitaire ou culturel. Phénomène complexe et non réductible aux dérives les plus flagrantes d’une défectuosité sciemment et précisément calculée pour un arrêt du produit, l’obsolescence programmée fait intervenir un grand nombre d’acteurs, producteurs, distributeurs, réparateurs. Elle est surtout le reflet d’une époque et d’un modèle économique qui donne la priorité au renouvellement fréquent des produits comme facteur majeur d’un certain type de croissance. En France, l’obsolescence programmée a été intégrée dans la loi sur la transition énergétique. Elle en offre une définition officielle et prévoit un système de sanctions. Les dispositifs législatifs et réglementaires s’avèrent toutefois insuffisants à réguler pleinement le phénomène. La présente note, après avoir présenté les différentes facettes et enjeux de l’obsolescence programmée dessine de nouvelles pistes de solutions pour faire face à ce problème. L’esprit du groupe de travail à l’origine de cette note était d’éviter toute approche dogmatique et notamment toute attaque directe envers le monde industriel. Le sujet de l’obsolescence programmée nous a immédiatement semblé résulter d’une responsabilité partagée entre de multiples acteurs, le concepteur, le fabricant, le distributeur, le consommateur et le réparateur. Il nous a semblé nécessaire de procéder à plusieurs auditions pour entendre et débattre avec de multiples points de vue. Trois recommandations majeures sont présentées : – 1) La première préconise de garantir la réparabilité des produits par une application plus résolue et quelques modifications de la loi consommation du 17 mars 2014 (Loi Hamon). – 2) La deuxième vise à intégrer dans les prix des produits des critères favorables à l’intensité d’usage et à la durée de vie. Ceci passe par la modulation des éco-contributions sur la base de ces critères. – 3) La troisième a pour objet l’affichage pour le consommateur d’une information relative à la durée de vie du produit afin de lui permettre de s’engager plus fortement vers une pratique d’achat responsable. Cette note est issue des travaux d’un groupe de réflexion réuni dans le cadre de La Fabrique Ecologique entre octobre 2015 et juin 2016.Signataires
• Thierry Libaert, Conseiller au Comité Economique et Social Européen • Cécile Désaunay, Futuribles. • Mathieu Jahnich, SIRCOME • Bruno Genty, France Nature Environnement • Claire Larroque, Université Paris 1. UER de Philosophie • Corinne del Cerro, AFNOR • Emmanuelle Font,Laboratoire national de métrologie et d’essais. LNE. • Eric Ghiglione, LASER • Gérald Dumas, CFDT • Laetitia Vasseur, HOP, Halte à l’Obsolescence Programmée. • Patrick Mercier, Adeic • Nicolas Dupont, Université Paris Sud Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, seuls les signataires de la note sont engagés par son contenu. Leurs déclarations d’intérêts sont disponibles sur demande écrite adressée à l’association. Rapporteurs • Anna Laurent Zero Waste France • Marie-Louise Thibout La Fabrique Ecologique, ex stagiaire. Personnes rencontrées dans le cadre de ces travaux • Simon Luque, Renault • Alain Pautrot, Seb • Antoinette Guhl, Mairie de Paris • Damien Rave, Comment réparer.com • Eric Vidalenc, Ademe • Julien Phedyaeff, L’increvable • Pascale Hebel, Credoc Relecture Cette note a été discutée par le comité de lecture de La Fabrique Ecologique, composé de Guillaume Duval, Marianne Greenwood, Géraud Guibert, Anne-Catherine Husson-Traore, Marc-Olivier Padis, Guillaume Sainteny et Lucile Schmid. Elle a enfin été validée par le Conseil d’administration de La Fabrique Ecologique. Observations Le contenu de la note résulte d’un travail collectif du groupe de travail. Il n’engage pas les organisations dont les membres sont issus. Le groupe de travail, par la voix de son président, Thierry Libaert, tient à remercier le secrétariat de la Fabrique dans son appui constant à notre travail et l’ensemble des personnes qui ont accepté de répondre à nos questions. Le groupe de travail, par la voix de son président, regrette l’absence de nombreux industriels, et particulièrement ceux de la filière électronique ou téléphonique, qui n’ont pas répondu favorablement à nos nombreuses demandes de rencontre. Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, cette publication sera mise en ligne jusqu’à la fin du mois de novembre 2016 sur le site de l’association (www.lafabriqueecologique.fr) afin de recueillir l’avis et les propositions des internautes. Sa version définitive sera publiée en décembre 2016.Sommaire
Introduction – I. L’obsolescence programmée et ses multiples enjeux- A. Définition
- B. Les conséquences
- A. Un phénomène connu depuis longtemps
- B. Qui n’a émergé que récemment
- A. De la controverse économique
- B. …A la discussion technique
- C. …Et au partage des responsabilités
- A. Les orientations à prendre
- B. Trois recommandations immédiates pouvant être mises en œuvre rapidement
Introduction
L’obsolescence programmée est un des symboles les plus forts des enjeux du développement soutenable. Sa compréhension nécessite une vision équilibrée entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Au-delà de la durabilité des produits de consommation, elle interpelle sur les pratiques de production ou de consommation responsable. L’obsolescence programmée est trop souvent caricaturée à partir de sa dérive la plus flagrante, la défectuosité sciemment planifiée, et présentée médiatiquement comme une sorte d’auto-sabotage des produits. A l’image de l’iceberg, sa réalité est beaucoup plus complexe. Une de ses facettes majeures ne réside pas tant dans la durée de vie effective des produits, mais plutôt dans les difficultés, voire l’impossibilité de les faire réparer. De même, le phénomène est souvent focalisé sur les appareils de la filière informatique et téléphonique, alors que le problème est plus vaste et concerne la quasi-totalité des secteurs économiques.Note
– Télécharger la note « Comment agir vraiment contre l’obsolescence programmée ?«