Cinq ans après, l’heure est au bilan du Grenelle de l’environnement. En 2007, ces quatre mois de dialogue avec les parties prenantes ont débouché sur 268 engagements et deux lois. Le Premier ministre a souhaité que le CESE se livre à une évaluation du Grenelle, de sa méthode et de ses résultats. Le CESE a ainsi présenté dix-sept préconisations pour poursuivre et amplifier la mobilisation du plus grand nombre dans la voie de la mutation écologique. L’avis a été soumis aux conseillers et adopté mercredi (15 février 2012).
Avis présenté par Mme Pierrette Crosemarie et adopté par 180 sur 192 votants par le CESE Le mot « élan » est un mot qui revient souvent à propos du Grenelle de l’environnement. Ce processus a suscité une dynamique en faveur de l’environnement dans le cadre d’une gouvernance inédite. Les collèges « collectivités », « employeurs », « État », « ONG environnement » et « salariés » constituaient le socle de la « gouvernance à cinq » à laquelle ont été associés des experts et des associations non environnementales. Cette méthode a favorisé le dialogue, l’appropriation des enjeux et permis l’expression d’une profusion de propositions. La place occupée par l’environnement dans la société a également changé. L’intitulé des tables rondes d’octobre 2007 concrétisant les engagements du Grenelle en témoigne : lutter contre le changement climatique, préserver et gérer la biodiversité et les milieux naturels, préserver la santé et l’environnement, instaurer une démocratie écologique. Deux lois en sont directement issues, une loi de programmation, dite « Grenelle I », dont les objectifs ont fixé un cadre de référence, et la loi portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, dont les 257 articles auront nécessité un an et demi de débats. Depuis, la dynamique du Grenelle, processus collectif fragile, s’essouffle progressivement. La complexité de la loi Grenelle II, sa longueur et l’inégale importance de ses dispositions n’ont pas rendu le droit de l’environnement plus lisible et plus accessible. L’application des textes a rencontré des difficultés dans les territoires. De plus, les évolutions récentes font craindre la remise en cause d’engagements emblématiques. Le cas de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises, dont le décret d’application n’est toujours pas publié, est significatif. Dans certains secteurs, comme le fret ferroviaire, l’abandon de l’engagement du Grenelle ne peut qu’être constaté. D’autres mesures enfin ont souffert de la crise financière, au travers des coupes budgétaires qu’elle provoque. Le CESE se prononce pour une relance du processus qui préserve les acquis du Grenelle et crée les conditions d’un nouveau modèle économique, tourné vers le développement durable. Il devra réduire les inégalités sociales et générer de l’emploi, tout en respectant l’environnement et les ressources naturelles. Le Conseil illustre ce choix par des propositions pour anticiper les ruptures, gérer les transitions, faciliter des choix clairs et efficaces. « Après le sprint qui a caractérisé, en 2007 la phase des engagements, le Grenelle est passé à l’étape de sa mise en œuvre concrète dans le quotidien des Français. Loin d’y déceler les signes d’un essoufflement, j’y vois plutôt les signes d’un passage du Grenelle à l’âge de la maturité. Les réalisations concrètes et significatives que nous enregistrons depuis 2007 confirment que nous sommes sur la bonne trajectoire. A cet égard, je remercie le CESE de nous encourager à maintenir le cap et la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour accomplir pleinement la nécessaire transformation de nos modèles de production et de consommation » a salué Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET. Forte de cet avis, la Ministre de l’Ecologie accueille favorablement l’idée que le CESE creuse certaines thématiques comme celle de la protection des lanceurs d’alerte, maillon essentiel dans la détection de risques environnementaux émergents.Réaction du Rac-F : un avis du CESE sans perspectives ambitieuses sur climat-énergie
Très attendu, l’avis du CESE sur le bilan du Grenelle Environnement est au final très décevant. Si au détour d’un paragraphe, il est rappelé à forte raison que la loi Grenelle 1 stipule que « la lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités », il ne ressort au final pas grand chose sur le sujet. Premier constat : le caractère globalement élogieux du Grenelle apparaît disproportionné par rapport aux critiques. En effet Olivier Louchard, représentant du RAC-F au CESE, constate que « le texte reste très discret sur les importants reculs observés depuis 2007, le manque de volontarisme politique du gouvernement et du Parlement, le manque de moyens déployés ou encore le lobbying des grands groupes de pression (industrie, agriculture,…) » [[Voir : Grenelle de l’environnement : le bilan climat énergie. RAC-F. Novembre 2010]]. Pourtant essentielles à formuler, ces lacunes auraient dû figurer en bonne place dans le texte afin d’envisager les moyens de s’en préserver à l’avenir. 5 ans après, les mesures dites de rupture sont toujours absentes…. La mise en perspective du Grenelle quant à elle, rédigée sous forme de préconisations, manque singulièrement de portée et d’audace. « Des propositions importantes ont pourtant été portées par le RAC comme l’obligation de rénovation des bâtiments à un seuil de performance énergétique ambitieux, lever les freins à l’essor des énergies renouvelables, rééquilibrer la recherche et développement en faveur des ENR par rapport au nucléaire, renforcer le conseil énergie de proximité, réduire les émissions de GES du secteur agricole, supprimer les niches fiscales favorables aux énergies fossiles ou encore adopter le principe d’une contribution climat énergie. Mais aucune de ces mesures n’a été retenue » souligne Olivier Louchard. Un CESE qui n’a pas (encore) opéré sa mue écologique Le RAC-F regrette également la frilosité du CESE. Pour rappel, le Conseil Economique et Social (CES) est devenu en 2010, le CES-E avec le rajout du E d’Environnemental mais ce tryptique est très loin d’être équilibré, ne serait-ce que par le nombre des conseillers étiquetés environnement qui ne représentent que 14% des sièges (et encore, sur les 33 sièges, il y a 14 sièges pour les associations de protection de l’environnement, 15 pour les personnalités qualifiées et 4 pour les chasseurs et pêcheurs). Rien de très surprenant dès lors que cet avis sur le Grenelle soit adopté à une large majorité. A l’occasion du vote de cet avis, le RAC-F souhaite rappeler avec force que les vraies mesures de rupture n’ont pas été mises en place durant le quinquennat Grenelle et cela malgré les beaux discours. Au regard de l’urgence climatique, l’heure n’est plus à la politique des petits pas. Tergiverser ou attendre aujourd’hui, c’est reculer. Le RAC espère par conséquent que le prochain gouvernement saura prendre les bonnes décisions et renvoie à ce sujet vers sa récente publication : « 7 mesures clés pour engager la France dans la transition énergétique« .