Depuis 1990, la temperature a grimpe de 0,7 degre. Fonte des glaciers, montee des mers, bouleversement des ecosystemes: le changement climatique est en marche. Michel de Pracontal fait le point sur l’etat de la science et les solutions envisagees
1. Quand le changement climatique va-t-il commencer ?
Il a deja commence. Les annees 1990 ont ete les plus chaudes jamais enregistrees. En un siecle, la temperature moyenne a la surface du globe s’est elevee de 0,6 °C a 0,7 °C et le niveau des oceans a monte de 20 centimetres, en partie a cause de la fonte des banquises et en partie du fait de la dilatation thermique des eaux marines. De nombreux glaciers alpins ont commence a fondre. L’Europe a connu en 2003 une vague de chaleur sans precedent, qui a entraine une surmortalite de 15 000 deces en France. Et cela va continuer: meme dans le scenario le plus optimiste, le rechauffement global ne sera pas inferieur a 1,4 °C d’ici a un siecle.
2. Quel est l’impact du changement climatique sur les ecosystemes ?
Les scientifiques du GIEC – le Groupe intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat – evaluent les effets du climat depuis 1990. Ils ont analyse 2 500 articles concernant des animaux, des vegetaux, des glaciers, des glaces de mer, de lac ou de cours d’eau. Resultats: sur 600 especes vivantes considerees – animales ou vegetales -, plus de 450 ont connu des changements conformes a l’hypothese du rechauffement climatique. Dans l’hemisphere Nord, sous les hautes latitudes, la periode de croissance de nombreux vegetaux s’est allongee; les vegetaux alpins ont migre vers les sommets; pour les especes animales, on constate des augmentations de mortalite, des retrecissements des aires de repartition et des baisses de la taille des populations. Les glaciers et les glaces de mer et d’eau douce, etudies sur 150 sites, ont ete modifies sur une centaine de sites, quasiment tous dans le sens previsible, a savoir la fonte de la glace.Publicite
3. A-t-on la preuve que ce changement est du a l’activite humaine ?
«Il y a encore dix ans, etablir la realite du risque climatique constituait le questionnement principal», note le climatologue Herve Le Treut. Aujourd’hui la quasi-totalite des scientifiques estiment que les preuves accumulees sont suffisantes pour imputer a l’activite humaine la responsabilite d’un rechauffement provoque par l’accumulation dans l’atmosphere de gaz a effet de serre, principalement dioxyde de carbone (CO2) mais aussi methane, oxyde nitreux, dioxyde de soufre, etc. La preuve la plus flagrante reside dans la mesure de la concentration de CO2 dans l’atmosphere: depuis dix mille ans, elle est restee constamment voisine de 270 parties par million en volume (ppmv); et d’apres les archives glaciaires, elle a varie entre 200 ppmv et 280 ppmv depuis 400 000 ans; a partir du debut de l’ere industrielle – vers 1800-1850 -, elle a augmente brutalement pour atteindre la valeur actuelle de 360 ppmv et elle continue une croissance exponentielle.
4. Quel est le mecanisme du rechauffement ?
Des 1896, le chimiste suedois Svante Arrhenius a deja predit et quantifie «une augmentation de la temperature moyenne de notre planete comme consequence de l’utilisation industrielle des combustibles fossiles», note le climatologue Jean-Marc Jancovici. Le principe de base de l’effet de serre est analogue a celui d’une serre de verre, mais ce sont les gaz constituant l’atmosphere qui jouent le role de la vitre. La Terre est chauffee par le Soleil: 30% de l’energie apportee par les rayons incidents sont reflechis vers l’espace par l’atmosphere, les nuages et la surface de la planete; le reste est absorbe par l’air, les oceans et le sol, et transforme en chaleur. Chauffee, la Terre emet des infrarouges dont l’essentiel est capte par les gaz a effet de serre (dioxyde de carbone, oxyde nitreux, dioxyde de soufre et methane…), ce qui rechauffe l’atmosphere, laquelle renvoie une grande partie de l’energie au sol. Si le nombre de molecules de gaz a effet de serre augmente, l’effet augmente aussi. La contribution principale vient du CO2, produit par la combustion du bois, du charbon, du petrole ou du gaz. L’augmentation du CO2 atmospherique est en partie contrebalancee par les oceans et la vegetation qui sont des «puits naturels de carbone»: le CO2 est absorbe par les eaux de mer ainsi que par la photosynthese des plantes.
5. Quelle sera l’evolution future ?
Pour tenter de la cerner, les scientifiques ont elabore une serie de scenarios generaux qui definissent differents modeles possibles de developpement des societes humaines. «Schematiquement il y a quatre grands types de scenarios, explique Stephane Hallegate, chercheur a Meteo France et specialiste de l’economie de l’environnement. D’abord la famille des scenarios A, caracterises par une forte croissance industrielle tres energivore. Le scenario A1 est associe a une mondialisation et d’importants transferts de technologie, A2 a un marche plus decoupe selon de grandes regions du monde; de meme, on distingue les scenarios B1 et B2, fondes sur une croissance plus orientee vers le tertiaire et les technologies de l’information, et moins energivores.»
A partir de ces scenarios, on modelise la quantite de gaz a effet de serre emise, puis on determine avec un modele climatique l’impact en termes de rechauffement. Le resultat comporte une incertitude associee a chaque modele. Schematiquement le plus mauvais scenario pour le climat est le type A2, le plus favorable etant B1. Au total, selon les scenarios et les modeles, on aboutit a l’horizon 2100 a un rechauffement compris entre 1,4 °C et 5,8 °C. En fait, ce sont surtout les continents qui se rechauffent, la temperature des oceans s’eleve a un rythme beaucoup plus lent. Ce qui explique que la hausse du niveau des oceans depende assez peu des scenarios: elle est trop lente pour etre fortement affectee par ce qui se passe sur un siecle; les scientifiques l’estiment, d’ici a 2100, entre 9 et 88 centimetres.
6. Le Gulf Stream peut-il s’arreter ?
Dans l’Atlantique nord, les eaux chaudes de surface remontent vers le nord en meme temps que les eaux froides des grands fonds derivent vers le sud: c’est la «circulation thermohaline» qui entraine un transfert de chaleur vers l’Arctique et dont la principale composante est le Gulf Stream. Or le changement climatique pourrait arreter le Gulf Stream, entrainant le refroidissement au lieu du rechauffement de l’Europe et de l’Amerique septentrionales: c’est le scenario du film «le Jour d’apres». Aucun des modeles actuels ne prevoit un tel scenario d’ici a 2100.
7. L’impact sur notre environnement depend-il des scenarios ?
Les puits naturels de carbone que sont les oceans et la vegetation reprennent a l’atmosphere de 2 a 3 gigatonnes de carbone (GtC) par an, alors que le niveau actuel des emissions se situe a 7 GtC/an. Par consequent la concentration en CO2 continue d’augmenter et ne peut se stabiliser qu’a partir du moment ou le flux des emissions est equilibre par les «sequestrations» de carbone par l’eau et les vegetaux. L’intensite du rechauffement et donc son impact sur l’environnement seront tres differents selon que la concentration en dioxyde de carbone se stabilise a 450, 550 ou 700 ppmv. Ainsi les modeles predisent qu’en stabilisant la concentration en CO2 a 550 ppmv le risque d’inondation sur les cotes de l’Inde et du Bangladesh pourrait etre divise par dix, comparativement a un scenario de «laisser-faire». En France, avec un rechauffement de 3 °C a 4 °C (le resultat d’un scenario A2, croissance forte mais peu mondialisee), la canicule de 2003 se produirait un ete sur deux a partir de 2080! Ces exemples montrent clairement que tout n’est pas joue: plus tot nous agirons pour reduire les emissions de gaz a effet de serre, moindres seront les consequences.
8. Y a-t-il une solution miracle ?
Oui: ne plus brûler un gramme de combustible fossile! De maniere plus realiste, tous les specialistes mettent l’accent sur le role primordial de la maitrise de la consommation et des economies d’energie. Le fait que la consommation d’energie par habitant varie de 1 a 3 dans le seul monde industrialise demontre qu’il existe un immense «gisement» d’economies d’energie. Bien sûr on pourrait aussi imaginer de maintenir le niveau de la consommation egal tout en remplacant autant que possible les energies polluantes par des alternatives ne produisant pas ou peu d’effet de serre: transports electriques, vehicules hybrides, hydrogene, solaire… Reste le probleme de l’avion, tres important facteur de pollution pour lequel on n’a guere de solution alternative – du moins dans un horizon previsible. Dans tous les cas, sans reduction de la consommation, l’approche qui consiste a simplement substituer une energie propre a une energie sale risque de ne pas suffire. En effet, il faut un long delai pour remplacer un systeme energetique par un autre. Et agir vite constitue l’un des imperatifs de la situation actuelle. Tout delai diminuera les marges de manœuvre et alourdira les consequences deja amorcees du changement climatique.
9. Et le nucleaire ?
En France, l’option nucleaire est volontiers presentee comme une solution au probleme du rechauffement. L’atome ou l’effet de serre? Entre le choix de Cadarache pour le projet Iter et les grandes manœuvres autour de l’EPR, la thematique connait un regain d’actualite. Est-ce une solution? On peut imaginer de remplacer integralement les vehicules thermiques par des transports electriques alimentes grace aux centrales nucleaires, de ne plus se chauffer qu’a l’electricite, etc. En fait, un scenario de ce genre a ete elabore pour la France: on l’appelle «facteur 4», parce qu’il vise a diviser par 4 les emissions d’ici a 2050 (1). Les auteurs font l’impasse sur «toute restriction de l’utilisation de l’energie nucleaire pouvant provenir de la question des dechets a vie longue, des ressources ou de la proliferation». Ils concluent que si le scenario est theoriquement applicable a l’Hexagone, il n’aurait d’impact significatif qu’etendu a la planete. Or developper l’option nucleaire massive universelle a l’echeance de 2050 ne semble pas realiste. De plus, il n’est pas certain que les ressources en combustible nucleaire (uranium ou thorium) soient suffisantes et a un coût compatible avec le scenario. En fait, selon les hypotheses les plus realistes, le nucleaire ne pourrait resoudre qu’une petite partie du probleme de l’effet de serre. L’association scientifique Global Change estime que le nucleaire reduirait les emissions de gaz a effet de serre de 16% en France et de 11% a l’echelle mondiale.
10. La lutte antirechauffement est-elle economiquement viable ?
Au niveau des efforts menes actuellement, la reponse est sans aucun doute affirmative: «Entre 1990 et 2000, l’economie de la Grande-Bretagne a connu une croissance de 30%, l’emploi a augmente de 4,8%, et l’intensite de nos emissions de gaz a effet de serre a diminue de 30%, tandis que le total des emissions chutait de 12%», ecrit sir David King, conseiller scientifique de Tony Blair («Science», 9 janvier 2004). Les Chinois, eux, ont connu sur la meme periode une croissance de 60% mais l’intensite de leurs emissions (quantite d’emissions par unite de production) a diminue. Pour David King, «c’est un mythe de penser que reduire nos emissions de carbone nous rend forcement plus pauvres». Pourtant, si l’on veut lutter efficacement contre l’effet de serre, il faut maitriser la consommation, ce qui s’oppose a la logique de la croissance a tout prix. Faut-il pour autant renoncer a une politique environnementaliste? Non assurement, car le «laisser-faire» aboutirait a un rechauffement important dont les coûts auraient des consequences, d’abord pour les pays pauvres, mais a terme egalement pour les pays riches. Au-dessus de 3 °C de rechauffement, les effets seraient negatifs meme pour les pays developpes, assurent les experts du GIEC. Le dilemme ne peut etre tranche qu’en pariant sur l’impact positif des nouvelles technologies propres. Leur emergence pourrait etre facteur de progres economique. En definitive toute politique environnementaliste consiste a miser sur le long terme, lorsque le ralentissement de la croissance sera compense par le developpement de nouveaux secteurs rentables.
(1) «Etude pour une prospective energetique concernant la France», Observatoire de l’Energie, fevrier 2005.
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La malédiction d’Adam – commentaire de Michel de Pracontal
A propos du livre de Bryan Sykes « La malédiction d’Adam », Michel de Pracontal écrit :
« Réaliste? Avant d’ouvrir un débat sur la perspective cauchemardesque d’un univers d’amazones lesbiennes, il convient de s’interroger sur les prémisses du raisonnement de Bryan Sykes. »
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2067/dossier/a243820-une_femme_pas_comme_un_autre.html
D’accord avec la seconde proposition (s’interroger sur les prémisses du raisonnement de Bryan Sykes) ; mais pourquoi qualifier de cauchemardesque cet hypothétique univers ? Qu’en savez-vous ? Vous n’aimez pas les lesbiennes, elles vous font peur ?
De plus, les sociétés niant totalement l’existence de l’un des 2 sexes existent déjà : les sociétés islamistes intégristes. Elles ne vous font donc pas cauchemarder ?