Malgré l’opposition massive de la société civile dans le monde, et l’abstention de cinq pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Norvège, Pays-Bas et Italie), la Banque mondiale a d’approuvé hier un prêt de 3,75 milliards de dollars pour la société sud-africaine Eskom. Ce financement servira principalement à la construction de la méga centrale à charbon de Medupi, qui sera l’une des plus polluantes au monde. Les Amis de la Terre condamnent fermement ce soutien à un projet dramatique pour l’environnement et qui maintient un apartheid énergétique dans le pays. L’organisation regrette que la France n’ait pas eu le courage politique de voter contre le projet.
Près de 200 organisations de la société civile en Afrique du Sud et dans le monde étaient mobilisées contre le projet Eskom. Elles dénoncent notamment les impacts climatiques très lourds du projet : il rejettera 25 millions de tonnes de CO2 par an, soit 5 % des émissions françaises. En outre, pour alimenter cette centrale, 40 nouvelles mines de charbon devront être exploitées, qui provoqueront de graves pollutions de l’eau, de l’air et des sols. Un scandale pour les ONG qui rappellent qu’il y a quelques mois à peine, à Copenhague, la Banque mondiale prétendait être à la pointe en matière de lutte contre les changements climatiques. Anne-Sophie Simpere, chargée de campagne Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre, explique : « La centrale de Medupi va émettre des millions de tonnes de CO2 sur les trente années à venir. Ce type de projets enferme l’Afrique du Sud dans un modèle énergétique archaïque et compromet les efforts internationaux de lutte contre les changements climatiques. Il est scandaleux que la Banque mondiale choisisse d’utiliser ses ressources pour des centrales à charbon quand l’Afrique du Sud a un énorme potentiel en matière de renouvelables et d’efficacité énergétique, qu’il faudrait développer. Que pensera-t-on de ce choix déplorable dans quelques décennies ? ». Le gouvernement sud-africain défend le projet, arguant qu’il serait indispensable au développement économique du pays. La société civile rappelle quant à elle que ce sont principalement de grosses entreprises étrangères, telles que BHP Billiton ou Anglo American Corporation, qui profiteront de l’électricité produite, pour des activités industrielles très polluantes et principalement destinées à l’exportation. Leurs profits sont rapatriés vers les sièges des entreprises, en Australie ou aux Etats-Unis. Pire, affirme les Amis de la Terre, en vertu d’accords signés à la fin de l’apartheid, ces entreprises bénéficient de tarifs artificiellement bas pour l’électricité. Le coût lié à la construction des nouvelles centrales devra donc être supporté par les citoyens sud-africains. Eskom a déjà annoncé une augmentation de ses tarifs de 25 % par an pour les particuliers de 2010 à 2013. Les populations les plus pauvres ne pourront payer la facture et se verront privées d’accès à l’électricité. Les syndicats ont déjà menacé de se mettre en grève suite à ces annonces. Anne-Sophie Simpere conclut : « La Banque mondiale ne remplit pas sa mission de lutte contre la pauvreté, mais se met au service des entreprises et d’intérêts de très court terme. Elle a fait ce choix au mépris de l’opposition massive de la société civile. Il faut noter que la France a très probablement soutenu le projet, violant tous ses engagements et contredisant les déclarations du président Sarkozy en matière de climat et de développement. Pourtant, ce vote n’a pas été facile : cinq Etats se sont abstenus, et le ministère des Finances états-unien a publiquement exprimé ses doutes quant au projet [[http://treasury.gov/press/releases/tg635.htm]]: c’est une situation exceptionnelle. » La Banque mondiale vient de lancer un processus de révision de sa politique énergétique qui devrait durer toute l’année. Le vote d’aujourd’hui annonce que des réformes très profondes seront nécessaires, note les Amis de la Terre.