La privatisation de l’eau, élément essentiel à notre vie, progresse dans le monde entier. Jour après jour, les groupes privés, annoncent de nouvelles conquêtes. Pourtant, en France, on leur fait de moins en moins confiance… « Water makes money », documentaire dénonçant la « privatisation » de la gestion de l’eau par les multinationales à travers plusieurs exemples français, projeté dès septembre 2010 dans 150 cinémas et lieux associatifs en France et en Europe, a été diffusé sur Arte le 22 mars 2011, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, malgré le dépôt de plainte pour diffamation porté par le groupe Veolia, numéro 1 mondial du secteur. Vous pouvez (re)voir ce documentaire ci-dessous en intégralité pendant sept jours mais aussi le reportage L’eau en bouteille, pour qui ?
« Veolia a déposé plainte contre X pour diffamation fin septembre », a déclaré l’avocat du groupe, Maître Christophe Bigot. Il a également ajouté : « Nous visons un certain nombre de passages, très clairement diffamatoires, accusant Veolia de corruption et de pratiques mafieuses. Il ne s’agit pas d’un acte de censure mais d’obtenir une indemnisation ». De son côté, le distributeur en France, Jérôme Polidor, avait expliqué en septembre lors de diverses projections que le film « clairement militant, est un outil de débat en faveur d’un retour en gestion publique de l’eau. Une gestion publique permet une meilleure qualité, à moindres coûts, et d’avoir une vision à long terme ». Le choix de Veolia de porter plainte contre X est une procédure un peu « hypocrite », pour William Bourdon, l’avocat des auteurs du film interrogé par RUE89: « On se victimise, on n’agit pas de façon frontale, c’est une stratégie. Ça relève plus de la communication que de la véritable action judiciaire. » L’avocat rappelle que Veolia n’avait pas voulu répondre aux auteurs du film, qui avaient sollicité des interviews. Une menace pour ARTE ? « La plainte concerne seulement quatre passages du documentaire, répondait le 23 février dernier, à la projection de presse Jean-Luc Touly, ex-cadre de Veolia (réintégré depuis le tournage), qui intervient à plusieurs reprises dans le film. Un juge d’instruction a été désigné, il y a enquête de la police judiciaire. Mais si procès il y a, ça ne sera qu’en 2012. Ce sont des pressions normales. Pour eux, c’était le minimum syndical. » ARTE n’a donc pas renoncé à la diffusion de la version télévisée du documentaire à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau le 22 mars 2011.(Re)voir l’intégralité du documentaire
Extraits vidéo Premier extrait du film de Leslie Franke et Herdolor Lorenz « Water makes money » : « Les abus sur les factures d’eau » Deuxième extrait de « Water makes money » : « La rareté des ressources en eaux met en danger leur qualité ».Note d’intention des réalisateurs
« La plupart des humains ne se rendent compte de la valeur d´une chose que lorsqu’elle leur manque : l’eau fait partie de ces choses. Un être humain est constitué à 70% d’eau. Il lui faut refaire le plein sans cesse sinon c’est la mort au bout de 3 jours. C’est pourquoi l´eau, nourriture de base indispensable, a toujours été un bien public, géré publiquement. Jusqu’à aujourd’hui l’approvisionnement en eau dans le monde entier, est à 80% encore public. L’eau potable et l’assainissement sont toujours un monopole local. Nulle part au monde ne circulent dans les mêmes tuyaux, des eaux distinctes, de fournisseurs concurrents. Un marché est impensable. Qui privatise malgré tout ce service vital, remplace un monopole public par un monopole privé. Pourtant c’est exactement ce qui se passe actuellement, partout dans le monde, au nom de la concurrence et du marché, lorsque des multinationales de l’eau comme Veolia et Suez, frappent à la porte de communes à court d´argent. Veolia, multinationale née en 2003, à la suite du plus important crash financier de l’histoire en France, celui de Vivendi Universal, – Veolia donc est présente dans au moins 69 pays sur les cinq continents et en cela le N°1 incontesté de la gestion privée de l’eau. En Allemagne, la multinationale française a réussi, par des participations dans les services des eaux de plus de 450 communes, à prendre la première place dans l’approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées. Les multinationales françaises annoncent tous les jours de nouvelles conquêtes. Ils promettent l’efficacité, des financements avantageux et le développement durable. Cependant, chez eux, en France, on leur fait de moins en moins confiance… C’est précisément là où Veolia et Suez fournissent l’eau de 8 citoyens sur 10, que de nombreuses communes veulent se débarrasser des deux entreprises, l’opacité, la mauvaise qualité de l’eau, une augmentation continue des prix et l’abus de leur situation de monopole, voilà les reproches qu’on leur fait. Les communes ont du mal à contrôler si les prix facturés correspondent bien au travail effectué. Est-ce que les milliards de redevances payés pour la réparation des tuyaux ont bien été utilisés à cet effet ? L’argent de l’eau des communes françaises n’a-t-il pas financé l´expansion mondiale de Suez et de Veolia ? À Paris, au cœur de leur pouvoir, les géants de l´eau ont déjà une plaie dangereuse. La capitale et plus de cent communes françaises ont décidé de reprendre le contrôle de ce service vital. Le film « Water Makes Money » veut informer sur cette évolution actuelle. Il veut montrer les leçons que Paris et d’autres communes françaises ont tiré de la domination de Veolia & Co et comment elles réussissent à reprendre l’eau en régie publique ».Entretien avec les réalisateurs Leslie Franke et Herdolor Lorenz
Comment vous êtes-vous intéressés à la gestion de l’eau en France ?- Leslie Franke et Herdolor Lorenz : Après Eau publique à vendre, qui portait sur la privatisation de l’eau en Grande-Bretagne et en Allemagne, de nombreuses personnes nous ont suggéré de nous pencher sur la situation en France en nous expliquant qu’il était peu probable qu’un réalisateur hexagonal prenne ce risque, Veolia et Suez étant très présentes sur le terrain des médias. Par ailleurs, la France nous intéressait en raison de son modèle dominant : le partenariat public-privé (PPP) qui permet aux communes de rester propriétaires des infrastructures tout en confiant la gestion de l’eau aux entreprises privées.
- Nous avions déjà repéré des pratiques analogues avec Thames Water à Londres. Toutefois, en France, nous avons été frappés par la collusion entre les entreprises et les élus locaux. De manière générale, le démantèlement des services publics constitue une menace. Peut-on laisser des besoins fondamentaux aux mains des opérateurs privés ? Leur objectif est le profit et ce sont les consommateurs qui paient les pots cassés !
- Veolia et Suez, les deux leaders mondiaux, essaient de se développer toujours plus sur le marché de l’eau en exportant le modèle du PPP. Parallèlement, en France, la tendance est à la “recommunalisation”. Nous voudrions que cela serve d’exemple. Un tel retour en arrière suppose que les citoyens se mobilisent pour influencer les décisions politiques. Et durant les deux ans qu’a duré le tournage, nous avons pu constater que la conscience environnementale n’a cessé d’augmenter chez les Français.
- Veolia a déposé une plainte contre X pour diffamation, dont le but est d’obtenir des dommages et intérêts. À l’heure actuelle, nous ne savons pas comment cela va évoluer mais nos avocats sont optimistes. D’autant plus que, contrairement à Suez qui s’est exprimé par la voix de sa directrice du développement durable Hélène Valade, Veolia a répondu défavorablement à toutes nos sollicitations d’interview…
L’eau en bouteille, pour qui ?
Mardi à 21h55, Arte diffusera également le documentaire L’eau en bouteille, pour qui ? de de Sandy Smith. À la lumière de l’exemple anglais, ce documentaire dénonce la gestion irresponsable de l’eau potable à l’échelle de la planète. Comment justifier que les Londoniens boivent de l’eau mise en bouteilles aux îles Fidji quand, dans le même temps, 35 % de la population de ces îles n’a pas d’accès à l’eau potable ? Beaucoup d’Européens ont ainsi renoncé à boire l’eau, pourtant de qualité, qui sort du robinet et consomment de l’eau en bouteilles. La branche prévoit pour les années à venir une croissance de plus de 30 %. Pourtant, les dégâts causés à l’environnement par le développement de ce marché sont plus qu’alarmants : chaque année, le seul transport de ces bouteilles du lieu de production au consommateur produit plusieurs centaines de milliers de tonnes de CO2. De son côté, la fabrication des bouteilles de plastique engloutit 1,5 milliard de barils de pétrole. Et enfin, une bouteille sur quatre seulement est recyclée, le reste polluant les sols et les eaux naturelles pour des siècles. Chère victoire du marketing sur le bon sens… (Re)voir ce reportage en intégralité :Ecouter la chronique CDURABLE.info sur ce sujet
Ecoutez la chronique CDURABLE.info « Documentaire polémique le 22 mars 2011 20H40 sur Arte à propos du Business de l’eau » de FREQUENCE TERRE |
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(Re)voir en intégralité le documentaire Water Makes Money : comment les multinationales transforment l’eau en argent
Je n’ai pas vu le reportage hélas juste entendu parler. Mais je presume que le buisness sur le dioxyde de chlore vous n’en avait pas parler.
Cordialement.
(Re)voir en intégralité le documentaire Water Makes Money : comment les multinationales transforment l’eau en argent
Je trouve dommage que le documentaire soit aussi partial sur la question. Car le débat est très intéressant et nécessaire!
Il faut s’occuper de la gestion en amont, pour éviter de polluer plutôt que de chercher des traitements coûteux pour traiter ensuite les pollutions. Il faut renouveler les infrastructures régulièrement pour éviter les fuites et garantir une bonne qualité…
Mais le documentaire idéalise la gestion en régie: les élus n’auront pas forcément envie d’investir non plus dans des réseaux qui dureront beaucoup plus longtemps que leurs mandats !
Le débat important et totalement occulté par le film selon moi, est de savoir comment on peut faire évoluer les pratiques de gestion de l’eau, que le gestionnaire soit public ou privé. Et peut-être que la réponse passe effectivement par un plus grand contrôle du privé (les dérives montrées par le documentaire sont bien entendu inadmissibles), mais cela ne suffit pas. Comment inciter les entreprises à faire attention? Et comment inciter nos municipalités à faire attention ?
J’espère que ce film aura au moins le mérite de permettre à d’autres documentaires plus complets de voir le jour.