Au terme de la première semaine de négociations des délégations du monde entier, réunies à Cancun (Mexique) à l’occasion de la 16e Conférence des Parties, composée de tous les Etats signataires de la Convention des Nations unies sur le changement climatique, l’épineuse question de l’avenir du Protocole de Kyoto divise. Certains pays industrialisés, comme le Canada, le Japon et la Russie sont réticents, voire ouvertement hostiles, à une nouvelle période d’engagement. Face à cette situation, la responsable climat de l’ONU, Christiana Figueres, a appelé au « compromis ».
Le Protocole de Kyoto, signé en 1997, fixe des objectifs chiffrés aux pays industrialisés (sauf les Etats-Unis qui ne l’ont pas ratifié) en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont l’accumulation dans l’atmosphère entraîne le changement climatique. Les pays du sud tiennent à une nouvelle période d’engagement du seul traité légalement contraignant engageant les pays du nord, après la première qui expire fin 2012. A Cancun, le Canada est au centre de la polémique car il refuse ouvertement cette deuxième phase du protocole de Kyoto estimant qu’il est inutile que les pays industrialisés fassent plus d’effort si la Chine, l’Inde et le Brésil ne s’engagent pas davantage. Le Japon a également fait savoir très clairement en début de semaine qu’il ne s’engagerait pas pour une nouvelle période, le Protocole ne couvrant plus que 30% des émissions de globales de GES. « Il nous faut un nouvel instrument, légalement contraignant, avec la participation de tous les gros pollueurs », a ainsi réclamé le représentant du Japon, Mitsuo Sakaba. La Russie est aussi très réticente, voire franchement hostile, à une prolongation. Vendredi, le négociateur en chef de l’Union européenne, Artur Runge-Metzger, a comparé cette question à « une épée de Damoclès » menaçant les pourparlers, après que les représentants du Venezuela, de la Bolivie, du Nicaragua, de l’Equateur et de la Dominique eurent averti qu’il serait « très difficile » de parvenir à un accord à Cancun. Prolonger Kyoto « est effectivement la pierre angulaire d’un succès à Cancun », a assuré le Yéménite Abdoulla Alsaïdi, qui préside le groupe des pays émergents à cette conférence. La nouvelle a déclenché un mouvement d’indignation chez les écologistes. Dans les délégations, on parle d’un manque de décence du Canada dont on pensait qu’il adopterait, comme les Etats-Unis, un profil bas qui n’entrave pas les négociations déjà très difficiles. Ce qu’il ne faut pas détruire, c’est la fragile assise d’une action commune. « Même si personne ne sort pleinement satisfait, a déclaré Christina Figueres, chacun doit participer à la magie d’un accord politique multilatéral « . Un Copenhague bis ? Les Nations unies ont fait circuler un texte de 33 pages destiné à tenter de sortir de l’impasse les négociations en cours, mais, pour des raisons radicalement différentes, les Etats-Unis et certains pays en développement ont d’ores et déjà rejeté ce projet. « Cela ne va pas au bout des choses, dans certains domaines », déclarait vendredi aux délégués le numéro deux de la délégation américaine, Jonathan Pershing. Ce texte définit des objectifs, notamment la création d’un nouveau fonds d’aide aux pays émergents et les moyens de protéger les forêts tropicales et de partager les technologies « vertes ». Jonathan Pershing estime que ce texte ne va pas assez loin, notamment pour ce qui est de garantir que les pays émergents respecteront leurs promesses de freiner la croissance de leurs émissions de CO2. A rebours, certains pays émergents ont estimé que ce texte, qui reprend l’objectif non contraignant, arrêté à la conférence de Copenhague il y a un an, de contenir la hausse mondiale des températures en dessous de deux degrés par rapport à leur niveau d’avant l’ère industrielle, n’assignait pas d’objectifs assez ambitieux aux pays riches. « Ce document manque d’ambition pour la tâche urgente de protéger les îles et le monde plus généralement, dans le contexte de la menace des changements climatiques », a expliqué Dessima Williams, de la Grenade, l’île antillaise qui dirige l’Alliance des petits Etats insulaires. On sait déjà que Cancun ne sera pas le sommet des grands accords. Le seul défi est désormais d’obliger les partenaires à prendre des mesures obligatoires pour réduire les émissions de CO2. La conférence entre la semaine prochaine dans sa dernière ligne droite, avec l’arrivée des ministres des 190 pays présents. La ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet veut encore y croire : « Cancún ne connaîtra pas l’accord majeur, mais des décisions équilibrées restent possibles. »