Parkings à perte de vue, terrains de golf au milieu de régions arides: depuis le ciel, le photographe américain Alex MacLean scrute, inlassablement, l' »absurdité » de l’American way of life et ses conséquences désastreuses sur l’environnement. Ses photos sont exposées au Domaine régional de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher) jusqu’à fin janvier et publiées dans un livre « Over » qui vient de sortir début octobre en quatre langues (anglais, français, italien, allemand), simultanément en Europe et aux Etats-Unis.
Avec l’Allemand Georg Gerster et le Français Yann Arthus-Bertrand, Alex MacLean est l’autre figure mondiale de la photographie aérienne à valeur scientifique et démonstrative. Urbaniste et architecte de formation, MacLean travaille presque exclusivement sur la description du paysage nord-américain, qu’il « laboure » seul, année après année, du haut de son avion, pour en montrer de façon critique les évolutions et les atteintes quelquefois fatales.Aux Etats-unis, la route tue 40 000 personnes par an; d’ici à 2040, il faudra construire 70 millions de nouvelles habitations…
Au-dessus des villes ou du désert, il ouvre la fenêtre du cockpit, lâche les commandes, se penche et, en virant sur l’aile, prend des photos. Ici une décharge sauvage dans un paysage de rêve. Là, d’immenses parkings inutiles au milieu de nulle part… Mieux que des mots, ses photos montrent, dénoncent les méfaits de la société de consommation. Que ce soit un méga centre commercial, éloigné des lieux d’habitation ou un lotissement de centaines de maisons identiques. Sans parler de cette autoroute à quatorze voies ou de ces golfs en plein désert ! Au fil de ses photos, des vérités effrayantes nous sautent aux yeux : aux États-Unis, la route tue 40 000 personnes par an ; d’ici à 2040, il faudra construire 70 millions de nouvelles habitations… « L’American way of life n’est plus soutenable. » Récemment de passage à Paris, Alex a tiré le signal d’alarme. « Quel futur veut-on faire ? », nous demande-t-il en montrant ce qu’il voit de là-haut. « Le livre espère éclairer les gens, en dehors des Etats-Unis, et faire passer l’idée que, peut-être, l’American way or life n’est pas un modèle d’organisation », explique Alex MacLean à l’AFP. « Je ne crois pas que je pourrais expliquer le problème de la même façon depuis la Terre », poursuit-il. « Vous pouvez voir des absurdités au niveau de la rue, mais quand vous prenez du recul, vous vous rendez compte qu’elles se répètent sans cesse ». Point fort du livre, les clichés illustrant « la culture de la voiture » qui a façonné les Etats-Unis, en particulier à travers le mode d’organisation des villes et de leurs banlieues à perte de vue. Ces années passées à traquer, l’appareil à la main, l' »absurdité » de ce mode d’organisation, ont-elles rendu le photographe pessimiste, voire amer ? « Non, non », répond-il. « Il faut garder une pointe d’optimisme. C’est nécessaire. C’est une exigence ».Les conséquences d’un mode de vie non raisonné sur notre environnement
Le travail d’Alex MacLeanl, d’abord axé sur les États-Unis, a bien sûr une réelle valeur métaphorique sur l’avenir environnemental de nos pays européens, tant on connaît la puissance exportatrice, à la fois culturelle et sociale, des États-Unis. La critique que MacLean donne de « son » territoire est dès lors loin de nous être étrangère, alors que les pratiques que montre ce livre – dont quelques-unes peuvent nous faire justement sourire ou pleurer – sont en pleine expansion chez nous. Que l’on regarde l’urbanisation à l’échelle des subprimes américains autour du complexe Walt Disney à Marne-la-Vallée ; que l’on regarde plus au sud en Aquitaine l’implantation des premières « gatted communities », ces cités fermées réservées à des classes sociales uniques ; que l’on regarde l’usage généralisé de l’agriculture extensive ou l’urbanisation sauvages des rivages côtiers, et plus généralement les atteintes globales portées aux paysages. Hervé Kempf dans Le Monde (édition du 3 octobre 2008) conclut : « Over nous vient au moment où la crise financière ouverte à l’été 2007 se développe et se transforme en crise du capitalisme. Les lotissements cancéreux photographiés par MacLean nous montrent concrètement ce que finançaient les subprimes : une société destructrice et malheureuse. « Il y a une fin, dit-il. Il doit y avoir une transition, un changement, nous n’avons pas le choix ». » – « Over, Visions aériennes de l’American Way of Life : une absurdité écologique », de Alex MacLean – Dominique Carré Editeur/La Découverte – 360 pages – Prix public : 59 euros. – Acheter cet ouvrage chez notre partenaire Eyrolles pour 56,05 € – Exposition au Domaine régional de Chaumont-sur-Loire, tous les jours de 10H00 à 18H00, jusqu’au 31 janvier 2009.