Son long-métrage intitulé La Prophétie des grenouilles l’avait révélé au grand public avec plus de 1200 000 entrées en France, Jacques-Rémy Girerd [[Jacques-Rémy Girerd : Enfance à la campagne, vie scolaire chaotique au grand dam de ses parents et de ses professeurs. Tout n’a été chez lui que cacophonie, désordre et improvisation. Tour à tour, commis électricien, emboutisseur à la chaîne, jardinier bio, instituteur, professeur de dessin, animateur socioculturel, étudiant en médecine, représentant en vins de Bordeaux, apprenti dessinateur de mandala tibétain, preneur de sons, plasticien, prof de cinéma, batteur dans un groupe de Rock, éleveur de poules dans la Drôme, parolier, gardien de musée, cuisinier à Tokyo, comédien (one-manshow), scribouillard chez Gallimard, pigiste à Libé, producteur à Folimage… il a même réalisé quelques films d’animation parmi lesquels L’enfant au grelot (1007) et La prophétie des grenouilles (2003).]] revient avec un nouveau film : Mia et le Migou. Mia est une fillette d’à peine dix ans. Alertée par un pressentiment, elle décide de quitter son village natal quelque part en Amérique du Sud pour partir à la recherche de son père. Ce dernier travaille sur un chantier gigantesque visant à transformer une forêt tropicale en luxueuse résidence hôtelière. La route est longue pour retrouver son papa. Mia doit franchir une lointaine montagne, entourée d’une forêt énigmatique et peuplée d’êtres mystérieux. Au coeur de ce monde de légende, la fillette découvre un arbre hors du commun et se confronte aux véritables forces de la nature. Une expérience extraordinaire… à découvrir au cinéma dans près de 300 salles le 10 décembre prochain. En attendant, on vous dit tout sur ce film qui a nécessité 6 ans de travail avec notamment la bande-annonce et un extrait de l’interview du réalisateur. Une belle approche philosophique et poétique de l’écologie pour toute la famille…
Un film d’animation aux nombreux records
L’écriture de ce scénario a pris deux ans, et c’est faite à plusieurs mains (Jacques-Rémy Girerd a été épaulé par I. Tcherenko et A. Lanciaux). Elaboré au sein du studio Folimage, plusieurs artistes (B. Chieux, P. Dodd, J-L Félicioli) ont peaufiné chaque détail des dessins. A la main, bien sûr, car chez Folimage ont dessine toujours au crayon et au calque. Ce film a donc nécessité le travail de 216 personnes provenant de 15 nationalités différentes, l’équivalent de 90 000 journées de travail, 1 218 plans, 22 500 crayons HB, 256 000 feuilles de papier d’animation, 856 000 perforations et un budget de 8 500 000 euros. Mais chez Folimage, on n’oublie pas non plus les invités de marque, en témoigne le casting des voix qui regroupe Dany Boon, Jean-Pierre Coffe, Yolande Moreau, Jean-François Derek, Miou-Miou, Pierre Richard et bien d’autres. La musique originale de Mia et le Migou, composée par Serge Besset, a été enregistrée à Sofia par l’orchestre national de Bulgarie sous la direction de Deyan Pavlov et c’est Olivia Ruiz qui interprète la chanson de fin.La bande-annonce de Mia et le Migou
Mia et le Migou – TrailerEntretien avec Jacques-Rémy Girerd : l’écologie, un rapport nouveau avec soi-même et avec la Terre
On retrouve de façon récurrente le thème de l’écologie dans vos films, la protection de la planète ? Si l’on s’intéresse aux êtres vivants, il ne peut en être autrement. Mais encore ? Un film n’est pas seulement un scénario, si bon soit-il. Certes, l’histoire doit être captivante et bien fonctionner, mais les enjeux véritables se situent ailleurs. Le vrai film joue dans les infimes petits moments de vie proposés, dans les ondes relatives qui passent d’un personnage à l’autre, dans les intentions poétiques. Et précisément ici, dans ce rapport merveilleux à la forêt. J’aime imaginer que mon film communique intimement avec le spectateur, qu’il lui chuchote à l’oreille quelque secret, des fragments d’expériences vécues ou imaginées, des détails qui peuvent changer sa vie. Au fond, l’écologie c’est aller chercher les atomes de sincérité au plus profond du vivant. La planète a besoin qu’on s’ajuste sur cette longueur d’onde. Que chacun puisse ressentir la présence des migous ! Votre approche est plus philosophique et poétique que scientifique ? Vous l’avez deviné ! Mais quand même, ce promoteur totalement immoral, programmé pour détruire et cette petite fille courageuse qui veut aller de l’avant, l’allégorie est forte ! Oui, la nature est fragile, un rien peut la renverser et l’homme moderne a terriblement accéléré les déséquilibres. A l’échelle géologique, le mal est spectaculaire, certains disent irréversible. Seuls les enfants de demain seront sans doute capables de comprendre où l’homme doit aller. L’écologie, ce n’est pas seulement l’isolation HQE des maisons, la promotion des énergies renouvelables ou la réduction de l’émission des gaz à effet de serre ! C’est un rapport nouveau avec soi-même et avec la Terre. Chacun doit trouver son propre migou. Justement ce migou, pouvez-vous nous en parler ? Difficile ! Ce n’est ni un géant, ni un monstre, ni un golem, ni un esprit et pourtant il est un peu tout cela. Il est l’expression des forces de la nature, à la fois minéral, végétal et animal. Il est le tout indissociable du cosmos. Nous avons tous un petit migou au fond de nous-mêmes. La grande expérience, c’est d’arriver à entrer en résonance avec lui. Vous avez réuni un casting prestigieux. Est-ce qu’aujourd’hui afficher des voix connues dans un film d’animation est un passage obligé ? Je ne le crois pas. Cette question relève d’un excès de fantasme. Pour ce qui me concerne, c’est une affaire de coeur. Ventura, Gabin, Blier, Michèle Morgan, Jeanne Moreau, je suis accro. J’aime nos grands acteurs français, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui et ne cesse de penser à eux tout au long de l’écriture des dialogues. Impossible de les tenir à distance. Ils m’aident indirectement à trouver les mots justes, m’accompagnent, me rassurent. Jacques Villeret a été mon migou préféré jusqu’à son décès. Travailler avec Dany Boon, Pierre Richard ou Miou-Miou, vous savez, c’est un vrai bonheur. Jean-Pierre Coffe est un être délicieux. Je donnerai un bras pour diriger Yolande Moreau une heure de plus… Laurent Gamelon a été prodigieux, toujours à l’écoute, créatif et redoutablement juste. Nous avons eu des fous-rires phénoménaux… Je n’oublie pas non plus les enfants et les acteurs secondaires qui m’ont apporté des moments inoubliables. Les voix portent l’émotion première du film. Mais avoir choisi Dany Boon après le succès de son dernier film, cela peut sembler opportuniste… A la lumière de Bienvenue chez les ch’tis, très certainement, ça fait un peu recopiage, sauf que j’ai enregistré Dany Boon et son accent du Nord il y a près de trois ans, au moment où il tournait La Maison du bonheur. Je devine que ça ne va pas être facile d’être lavé de ce soupçon-là. Le film est d’ailleurs truffé de nombreux accents : belge, italien, espagnol, russe, japonais, mexicain, gosse des cités…, et ch’ti, c’est le fruit du hasard ! Les voix de votre film ne sont donc pas des voix de doublage ? Absolument pas. L’enregistrement des voix est précisément la toute première étape de fabrication du film. Bien avant le premier mouvement. Cela permet aux animateurs de donner vie à leurs dessins en s’inspirant directement des voix originales ; ils s’imprègnent des émotions, du rythme et de la sensibilité des acteurs. Contrairement au doublage, nous réalisons des voix de création. Chaque comédien peut s’exprimer en toute liberté, sous ma direction, et être vraiment lui-même, puisqu’il n’a pas à suivre un dessin préexistant. C’est une différence énorme. Le résultat sensible n’est pas le même, le réalisme est plus fort. Et ce réalisme poétique est au coeur de ma recherche. Trente années que vous faites des films d’animation. Quel regard portez-vous sur ce métier ? Ne le dites pas à ma mère, elle croit que je suis écrivain ! Je suis arrivé au cinéma d’animation par hasard. Toute ma vie, j’ai été en permanence tiraillé entre le travail solitaire, écrire des livres par exemple, et tout le contraire en dirigeant des équipes énormes. Quand je suis seul, j’ai envie d’être avec les autres, et quand je suis trop longtemps avec les autres, j’ai envie de fuir au fin fond d’un désert. Faire un film d’animation est vraiment une expérience collective de créativité totale, on touche à toutes les manettes, c’est prodigieux, le langage est universel, les possibilités d’imagination infinies. Le cinéma d’animation m’a donné mes plus grandes joies d’artiste et de citoyen. C’est toujours là que je reviens, comme quand on retourne chez ses parents. Le hasard s’est transformé en racines. Sources de l’interview : Folimage et Mk2