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NOUVELLE META-ANALYSE SCIENTIFIQUE :
Evaluation mondiale intégrée

Les pesticides systémiques sont une menace pour la biodiversité

et les services écosystémiques dans le monde

Une nouvelle méta-analyse des pesticides systémiques à base de néonicotinoïdes et de fipronil (également appelés ici « néonics »), dont la publication est attendue pour cet été, confirme que ces produits causent des dommages importants à de nombreuses espèces d’invertébrés utiles et jouent un rôle clé dans le déclin des abeilles. L’inquiétude quant à l’impact des pesticides systémiques sur un grand nombre d’espèces utiles n’a cessé de croître au cours des vingt dernières années mais aucun élément scientifique n’avait été jugé concluant à ce jour. Dans le cadre d’une revue complète de la littérature (800 publications rapports révisés par des pairs), un groupe de travail (Task Force) sur les pesticides systémiques, réunissant des scientifiques internationaux indépendants, a montré qu’il existe suffisamment de preuves évidentes des préjudices pour mettre en route des mesures réglementaires.

Selon cette analyse, connue en anglais sous le nom de Worldwide Integrated Assessment ou WIA (en français : Évaluation mondiale intégrée) et prochainement publiée dans la revue Environmental Science and Pollution Research, les « néonics » comportent un risque élevé de dommages pour les abeilles mellifères et autres pollinisateurs comme les papillons, ainsi que pour une large variété d’autres invertébrés (vers de terre p. ex.) et de vertébrés tels que les oiseaux. Les néonics sont des neurotoxines et les effets générés par l’exposition à ces substances peuvent être immédiats et fatals mais également chroniques. Une exposition de longue durée à de faibles doses (non létales) peut également être néfaste. Parmi les dommages chroniques possibles, citons la perte d’odorat ou de mémoire, une perte de fécondité, un comportement trophique altéré et une diminution de l’apport alimentaire, y compris un butinage amoidri chez les abeilles, une capacité altérée du ver de terre à creuser des tunnels, des difficultés à voler et une sensibilité accrue aux maladies. Un des principaux auteurs du WIA, le Dr Jean-Marc Bonmatin (Centre National de la Recherche Scientifique en France), a dit : « Les preuves sont très claires. Nous sommes face à une menace qui pèse sur la productivité de notre milieu naturel et agricole et cette menace équivaut à celle que constituent les organophosphates ou le DDT. Loin de protéger la production alimentaire, l’utilisation des néonics menace l’infrastructure même qui permet cette utilisation, mettant en danger les pollinisateurs, les ingénieurs de l’écosystème et les antiparasitaires naturels au cœur du fonctionnement écosystémique. » L’analyse a démontré que les catégories d’espèces les plus touchées étaient les invertébrés terrestres tels que les vers de terre, qui sont exposés à des niveaux élevés via le sol et les plantes, à des niveaux moyens via les eaux de surface et par lixiviation (« leaching ») , et à des niveaux faibles via les poussières dans l’air. Ces substances peuvent nuire à la santé tant des individus que des populations, même à de faibles doses ou en cas d’exposition aiguë, rendant ces individus et populations extrêmement vulnérables aux niveaux de néonics associés aux pratiques agricoles. Le deuxième groupe le plus touché comprend les insectes pollinisateurs (abeilles, papillons, etc.) qui sont exposés à une forte contamination par l’air et les plantes et à des niveaux d’exposition moyens par l’eau. Aussi bien les individus que les populations peuvent être affectées par une exposition faible ou aiguë, les rendant hautement vulnérables. Viennent ensuite les invertébrés aquatiques, comme les gastéropodes d’eau douce et les puces d’eau, sensibles à une exposition faible et aiguë, qui peuvent être affectés aux niveaux de l’individu, de la population et de la communauté, et les vertébrés tels que les oiseaux, qui sont vulnérables à des niveaux d’exposition moyens et bas via le sol, l’air, l’eau et les plantes, et qui sont affectés aux niveaux de l’individu et de la population. Il s’est également avéré que les poissons, les amphibiens et les microbes étaient tous touchés à des niveaux d’exposition élevés ou après une exposition prolongée. Des échantillons d’eau prélevés à travers le monde dépassent régulièrement les limites écotoxicologiques autorisées. Nous ne disposons pas de données suffisantes pour déterminer s’il existe ou non un impact sur les mammifères ou les reptiles, mais dans le cas de ces derniers, la conclusion des chercheurs est qu’un tel impact est probable. Outre la contamination d’espèces non cibles par exposition directe (p. ex. des insectes qui se nourrissent du nectar de plantes traitées), les substances chimiques sont également présentes, à divers niveaux de concentrations, en dehors des zones volontairement traitées. La solubilité des néonics dans l’eau signifie qu’ils ruissellent, s’écoulent facilement et contaminent des zones bien plus larges, donnant lieu à une exposition des organismes à la fois chronique et aiguë, notamment dans des zones riveraines et dans les systèmes estuariens et marins côtiers. Ces insecticides sont aujourd’hui les plus utilisés dans le monde, avec une part de marché estimée à quelque 40% et des ventes de plus de 2,63 milliards de dollars US en 2011. Ils sont aussi communément utilisés dans les traitements domestiques pour la prévention des puces chez les chats et chiens et la lutte contre les termites dans les structures en bois. « Les conclusions du WIA sont des plus préoccupantes », dixit le président de la Task Force, Dr Maarten Bijleveld van Lexmond. « Nous pouvons à présent clairement voir que les néonics et le fipronil représentent un risque pour les fonctions et services écosystémiques qui va bien au-delà des inquiétudes afférentes à une espèce et qui mérite vraiment d’être porté à l’attention des gouvernements et des instances de réglementation. » Les abeilles mellifères ont jusqu’à présent été au centre des préoccupations en ce qui concerne l’utilisation des néonics et du fipronil, et des actions limitées ont été prises, entre autres par la Commission européenne, mais les fabricants de ces neurotoxines ont rejeté toutes les allégations de préjudice. En évitant de simplement comparer les rapports entre eux et en analysant toute la littérature disponible, le WIA a montré que les néonicotinoïdes, dans des concentrations réalistes d’utilisation en champ, nuisent à la navigation individuelle, à l’apprentissage, à la collecte de nourriture, à la longévité, à la résistance aux maladies, et à la fécondité des abeilles. Concernant les bourdons, des effets irréfutables au niveau de la colonie ont été constatés, avec des colonies exposées qui grandissent plus lentement et produisent nettement moins de reines. Les auteurs recommandent vivement aux instances de réglementation de prendre davantage de précautions, de durcir encore la réglementation sur les néonicotinoïdes et le fipronil, et de commencer à planifier leur suppression progressive à l’échelle mondiale ou, du moins, à formuler des plans visant à réduire fortement leur utilisation dans le monde.

Approfondir

ÉVALUATION INTÉGRÉE MONDIALE SUR LES PESTICIDES SYSTÉMIQUES Ces 20 dernières années, l’incidence des pesticides systémiques sur toute une série d’espèces bénéfiques est devenue de plus en plus préoccupante. Alors que l’attention s’est surtout portée sur l’abeille, importante d’un point de vue économique, les scientifiques et d’autres intervenants ont été aussi de plus en plus alarmés par le déclin de nombreuses autres espèces d’insectes. Au centre de ces préoccupations, on retrouve le groupe de produits chimiques dénommés néonicotinoïdes qui ont été introduits comme pesticides dans l’agriculture au cours des années 1990 et qui sont à présent très répandus. Bien que certaines restrictions aient été mises en place, par exemple par la Commission européenne, les gouvernements hésitent à établir que la science est suffisamment concluante et donc à donner suite à ces conclusions en prenant des mesures. L’Évaluation intégrée mondialement (WIA – Worldwide Integrated Assessment), entreprise par la Task Force on Systemic Pesticides (= groupe d’action sur les pesticides systémiques), s’est proposée de fournir une analyse indépendante et complète de ces produits chimiques et de leur incidence sur les écosystèmes et la biodiversité, de manière à informer sur les mesures appropriées à prendre à l’avenir. Les résultats seront publiés dans la revue évaluée par des pairs Environmental Science and Pollution Research à l’été 2014. WIA Il s’agit de la première méta-analyse à être entreprise sur deux groupes d’insecticides systémiques, les néonicotinoïdes et fipronil et la première fois que toutes les informations pertinentes provenant d’études poursuivies dans le monde entier ont été regroupées à un seul endroit. Certains aspects de cette analyse ont été largement reconnus auparavant (p.ex. risques pour les abeilles), mais certains ne l’ont pas été (p.ex. risques pour les oiseaux, les vers de terre, les autres pollinisateurs et les invertébrés aquatiques). Des études isolées se sont concentrées sur les incidences sur certains organismes, habitats ou sites particuliers (p.ex. abeilles en France, voies navigables aux Pays-Bas, oiseaux aux États-Unis) mais relativement peu d’entre elles se sont concentrées de manière spécifique sur les incidences sur la biodiversité et les écosystèmes, de sorte que cette analyse fait avancer notre compréhension d’une manière beaucoup plus holistique et extensive. Lorsque les données disponibles le permettent, l’analyse s’étend à la prise en compte des risques au-delà des espèces et des groupes individuels, autrement dit à des communautés et à des processus d’écosystèmes complets. Entreprise par 29 scientifiques indépendants experts dans de nombreuses disciplines, la WIA a examiné plus de 800 publications évaluées par des pairs.

OBSERVATIONS CLÉS

Nocivité • Les néonicotinoïdes persistent et s’accumulent, en particulier dans le sol, pendant des mois et, dans certains cas, pendant des années. Ceci augmente effectivement leur toxicité en augmentant la durée d’exposition d’espèces non cibles. • Les métabolites des néonicotinoïdes (les composés résultant de leur dégradation) sont souvent tout aussi toxiques, sinon plus, que les ingrédients actifs. • Les mesures classiques utilisées pour évaluer la toxicité d’un pesticide (résultats de toxicité en laboratoire à court terme) ne sont pas efficaces pour les pesticides systémiques et dissimulent leur véritable incidence. En général, elles ne mesurent que les effets aigus directs et non les effets chroniques par des voies d’exposition multiples. Dans le cas d’effets aigus uniquement, certains néonicotinoïdes sont au moins 5 000 à 10 000 fois plus toxiques pour les abeilles que le DDT. • Les effets de l’exposition aux néonicotinoïdes vont d’une exposition instantanée et mortelle à une exposition chronique. Même une exposition à long terme à de bas niveaux (non mortels) peut être nuisible. Ce sont des poisons neurotoxiques, le dommage chronique causé pouvant comprendre : un sens de l’odorat ou une mémoire diminué(e), une fécondité réduite ; un comportement d’alimentation altéré et une prise de nourriture réduite, y compris une récolte réduite chez les abeilles ; un comportement de creusage altéré chez les vers de terre ; des difficultés à voler et une susceptibilité accrue aux maladies. Écosystèmes • Les néonicotinoïdes ont une incidence sur toutes les espèces qui mâchent une plante, absorbent son suc, boivent son nectar, consomment son pollen ou ses fruits, ces incidences augmentant par le biais d’un écosystème dont la stabilité s’affaiblit. • La combinaison de la persistance (pendant des mois ou des années) et de la solubilité dans l’eau a entraîné une contamination à grande échelle des sols et des sédiments, des eaux souterraines et de surface et de la végétation traitée et non traitée, ainsi que le potentiel d’accumulation dans ces éléments. • Outre la contamination d’espèces non cibles par exposition directe (p.ex. les insectes qui consomment le nectar de plantes traitées), ces produits chimiques se retrouvent également à des concentrations variables en dehors des zones traitées. Ils pénètrent facilement dans les habitats terrestres et aquatiques environnants. Cette eau polluée, ainsi que la poussière créée pendant le semis des graines traitées, peut contaminer les plantes sauvages qui croissent aux lisières des champs agricoles et dans les haies, ce qui donne un potentiel d’incidences majeures pour un large éventail d’invertébrés herbivores non cibles qui vivent sur les terres agricoles ou à proximité de celles-ci. • Ceci fournit de multiples voies pour l’exposition chronique et aiguë d’espèces non cibles. Les organismes qui vivent sur les terres agricoles sont exposés chroniquement, à l’instar d’organismes aquatiques qui vivent en aval des terres agricoles, y compris les habitants des zones ripuaires, des estuaires et des systèmes marins côtiers. • La biodisponibilité à grande échelle de ces insecticides dans l’environnement global à des niveaux dont on sait qu’ils causent des effets mortels et sublétaux sur un large éventail de micro-organismes invertébrés et vertébrés terrestres, aquatiques et bénéfiques pour le sol, pose des risques pour le fonctionnement de l’écosystème et les services fournis par les écosystèmes terrestres et aquatiques, y compris les fonctions du sol et de l’eau fraîche, comme la décomposition des déchets et le cycle des matières nutritives, la production d’aliments, la lutte biologique contre les nuisibles et les services de pollinisation. Espèces • Les néonicotinoïdes et le fipronil ont des incidences qui s’étendent largement au-delà de la culture, des espèces végétales et des nuisibles ciblés. • Ils causent des dommages importants et posent un risque sérieux de nuisances pour un large éventail d’espèces invertébrées bénéfiques dans le sol, la végétation, les habitats aquatiques et marins, et ont donc une incidence sur les services de l’écosystème. • Les recherches sont insuffisantes sur l’incidence sur les espèces vertébrées alors que l’évaluation a révélé des incidences sublétales préoccupantes pour un large éventail d’espèces, oiseaux compris. • Le risque de nuisances a lieu aux niveaux d’exposition sur le champ (autrement dit les quantités utilisées en agriculture) et à des niveaux inférieurs. • Il est évident que les niveaux de pollution actuels aux néonicotinoïdes résultant d’utilisations autorisées, dépassent fréquemment les « concentrations avec effet observé les plus basses » pour un large éventail d’espèces non cibles et sont donc susceptibles d’avoir des incidences biologiques et écologiques négatives à grande échelle. • Il est aussi évident que les néonicotinoïdes posent un risque sérieux de nocivité pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs. • Chez les abeilles, les concentrations réalistes sur le champ ont une incidence négative sur la navigation, l’apprentissage, la collecte d’aliments, la longévité, la résistance aux maladies et la fécondité individuels. Pour les bourdons, des effets irréfutables au niveau de colonies ont été observés, des colonies exposées se développant plus lentement et produisant beaucoup moins de reines. Des études de terrain avec des colonies d’abeille en vol libre ont été difficiles à réaliser étant donné que les colonies de contrôle sont à chaque fois contaminées par des néonicotinoïdes, ce qui démontre de manière évidente leur présence envahissante dans l’environnement. Les groupes d’espèces les plus affectés sont : Les invertébrés terrestres Les invertébrés terrestres comme les vers de terre sont exposés à une contamination potentielle par les quatre voies (air, eau, sol, végétaux) avec : • une exposition élevée via le sol et les végétaux • une exposition moyenne via l’eau de surface et le lessivage • une exposition faible via l’air (poussières) L’évaluation a observé que les individus et les populations peuvent être influencés négativement par une exposition faible à aiguë (c.-à-d. permanente), ce qui les rend hautement vulnérables à des concentrations de terrain réalistes, c.-à-d. les concentrations que l’on peut trouver en agriculture. Ces effets vont d’une modification du comportement comme les inhibitions alimentaires, jusqu’à la mort. Ces espèces fournissent une myriade de services d’écosystème, qui comprennent la régulation et le cycle des nutriments, le stockage du carbone et le soutien de la croissance des végétaux et dépendent des communautés biologiques diverses et complexes qui sont présentes dans les sols. Insectes pollinisateurs Les insectes pollinisateurs comme les abeilles et les papillons sont exposés à la contamination par les quatre voies avec : • une exposition élevée via l’air et les végétaux • une exposition moyenne via l’eau. L’évaluation montre que tant les individus que les populations peuvent être influencés négativement par une exposition faible ou aiguë, ce qui les rend hautement vulnérables. Les pollinisateurs exposés au pollen, au nectar et à l’eau contaminés sont mis en danger à des concentrations réalistes de terrain. Invertébrés aquatiques Le groupe le plus influencé qui suit est constitué par les invertébrés aquatiques, comme les escargots d’eau fraîche et les puces d’eau qui sont exposés via l’eau et les végétaux potentiellement, sont vulnérables à une exposition faible et aiguë et peuvent être affectés aux niveaux de l’individu, de la population et de la communauté. La solubilité moyenne à élevée dans l’eau des néonicotinoïdes leur permet de contaminer à la fois les eaux de surface et les eaux souterraines. Ils sont donc lessivés dans les voies navigables, où des concentrations élevées ont diminué l’abondance et la diversité des insectes aquatiques. Les incidences identifiées sur ce groupe sont un comportement d’alimentation réduit, une croissance et une mobilité diminuées. Oiseaux Les oiseaux sont les plus vulnérables ensuite, avec une exposition faible et moyenne via les quatre voies et sont influencés à des niveaux d’exposition moyens, tant pour les individus que pour les populations. Autres Il a été observé que tant les poissons, les amphibiens que les microbes sont affectés après des niveaux élevés ou une exposition prolongée. Les échantillons prélevés dans les eaux du monde entier ont montré des dépassements réguliers des limites écotoxicologiques. On ne dispose pas de données suffisantes pour évaluer si oui ou non il existe une incidence sur les mammifères ou les reptiles ; toutefois, dans le cas de ces derniers, les chercheurs ont conclu que cette incidence était probable. Lacunes • Tout aussi préoccupant, ou presque, que ce que l’on connaît sur les néonicotinoïdes est ce que l’on ne connaît pas. On dispose de peu de données sur les quantités de pesticides systémiques appliquées et il n’existe pas non plus de contrôle important des concentrations de néonicotinoïdes dans l’environnement. Lorsqu’une étude est exécutée, les néonicotinoïdes et le fipronil sont souvent détectés. • La toxicité pour la plupart des organismes n’a pas été investiguée. Ainsi, par exemple, des essais de toxicité ont uniquement été exécutés sur quatre des près de 25 000 espèces connues d’abeilles et il n’y a eu pratiquement aucune étude de toxicité pour d’autres groupes de pollinisateurs comme les syrphes ou les papillons ont été réalisées. • La toxicité pour les vertébrés (comme les mammifères granivores et les oiseaux qui sont susceptibles de consommer des semences préparées) n’a été examinée que pour une poignée d’espèces. • Les effets sublétaux n’ont pas été étudiés pour la plupart des organismes, mais sont connus comme étant marqués chez les abeilles et pour les quelques autres espèces sur lesquelles des études ont été réalisées, les doses sublétales de ces produits chimiques neurotoxiques ont été signalées comme ayant (généralement) des incidences négatives sur le comportement à des doses bien inférieures à celles qui causent la mort. Conclusions • L’échelle actuelle d’utilisation des néonicotinoïdes n’est pas tenable. • Leur utilisation continue ne peut qu’accélérer le déclin global d’invertébrés importants avec, comme résultat, le risque de diminution du niveau, de la diversité, de la sécurité et de la stabilité des services fournis par les écosystèmes. • Les observations de la WIA démontrent que l’utilisation extensive actuelle de ce groupe de produits chimiques hautement toxiques et persistants a une incidence sur la biodiversité globale : – En exerçant une exposition répandue et chronique pour des organismes non cibles au niveau individuel comme celui de la population ; – Par les impacts de cette exposition en ayant une incidence sur les services écosystémiques essentiels et les fonctions apportées par ces organismes. • À grande échelle, l’utilisation prophylactique d’insecticides systémiques à large spectre doit être reconsidérée. • Les auteurs suggèrent fortement que les agences réglementaires appliquent des principes plus précautionneux et de nouvelles réglementations plus strictes sur les néonicotinoïdes et le fipronil et entament la planification d’une sortie globale ou au moins commencent à formuler des plans pour une forte réduction de leur utilisation à l’échelle mondiale.

CONTEXTE

Les néonicotinoïdes et le fipronil en tant que pesticides Les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides neuroactifs, à base de nicotine qui ont été développés en 1991 et mis sur le marché au milieu des années 1990. Le fipronil est aussi neuroactif et a été développé à la même époque. Contrairement à d’autres pesticides qui restent à la surface du feuillage traité, les pesticides systémiques, dont les néonicotinoïdes et le fipronil, sont absorbés par la plante et transportés vers tous les tissus (feuilles, fleurs, racines et tiges, de même que le pollen et le nectar). Les produits contenant des néonicotinoïdes/du fipronil peuvent être appliqués à la racine (comme enrobage des graines ou médication pour le sol) ou pulvérisés sur le feuillage des cultures. La toxine insecticide reste active dans le sol ou la plante pendant de nombreux mois (ou des années), protégeant la culture tout au long de la saison. Les néonicotinoïdes/le fipronil agissent sur les capacités de traitement de l’information des invertébrés, en ayant une incidence sur des voies nerveuses spécifiques qui sont différentes des vertébrés. Ceci fait qu’ils sont très appréciés comme insecticides à large spectre, étant donné qu’ils sont considérés comme moins directement toxiques pour les vertébrés, dont les hommes. Ces insecticides systémiques sont devenus le groupe d’insecticides le plus largement utilisés mondialement, avec une part de marché estimée aujourd’hui à environ 40 % du marché mondial. Parmi les composés communs, on citera l’acétamipride, la clothianidine, le dinotéfurane, l’imidaclopride, le nitenpyram, la nithiazine, le thiaclopride, le thiaméthoxam et le fipronil, dont les ventes dans le monde dépassaient 2,63 milliards de dollars américains en 2011. Le marché pour le traitement des graines s’étend encore plus rapidement, passant de 155 millions d’euros dans les années 1990 à 957 millions d’euros en 2008, date à laquelle les néonicotinoïdes constituaient 80 % de toutes les ventes de traitement de graines au monde. Les néonicotinoïdes restent toxiques même à de très faibles doses. Ils ont une persistance plus élevée dans le sol et dans l’eau que les pesticides classiques tout en restant en place pendant des mois en moyenne, ce qui entraîne une exposition chronique et durable d’organismes non cibles, comme les invertébrés. Étant donné qu’ils sont relativement solubles dans l’eau, ils se répandent aisément dans les habitats aquatiques. Des préoccupations croissantes concernant leur rapport avec le délabrement de colonies d’abeilles ont entraîné des restrictions quant à leur utilisation dans les pays de l’UE. Les préoccupations concernant leur incidence sur d’autres espèces non cibles, dont les oiseaux, ont augmenté au cours des cinq dernières années. Groupe de travail sur les pesticides systémiques Le Groupe de travail (ou Task Force) sur les pesticides systémiques est la réponse de la communauté scientifique aux préoccupations relatives aux incidences des pesticides systémiques sur la biodiversité et les écosystèmes. Il a pour but de fournir la vision définitive de la science afin d’accélérer et d’améliorer la prise de décision. Il conseille deux Commissions de l’UICN, à savoir la Commission de la Gestion des Écosystèmes et la Commission pour la Survie des Espèces. Ses travaux ont été repérés par l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et ont été portés à l’attention de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) – pour laquelle travaillent quatre membres de la Task Force dans le contexte de l’évaluation thématique accélérée des pollinisateurs, de la pollinisation et de la production alimentaire.

 

Contact : Noa Simon Delso (BE) +32 10 47 34 16

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2 Commentaires

  1. Les pesticides systémiques sont une menace pour la biodiversité
     » L’échelle actuelle d’utilisation des néonicotinoïdes n’est pas tenable. »

    L’augmentation de la population humaine d’environ 220000 bouches à nourrir supplémentaires par jour nous oblige à produire toujours plus de nourriture avec les conséquences que nous connaissons, ce qui n’est pas tenable sur le long terme.

    IL serait temps de prendre conscience que la Terre est un milieu fini et qu’une croissance infinie tant matérielle qu’humaine est impossible et nous mène dans le mur.
    je vous invite à visiter le site de l’association Démographie Responsable qui aborde ce sujet sans complexes.

  2. Quel avenir sans biodiversité ?
    Fort d’une cinquantaine de scientifiques internationaux de renommée mondiale, le Groupe de Travail sur les Pesticides Systémiques (TFSP) s’est réuni du 20 au 23 octobre à Ostheim, en France, pour son huitième séminaire dont la LPO est partenaire.

    Le TFSP s’est donné pour but de réaliser en toute indépendance une étude statistique de l’ensemble des articles scientifiques (environ 800) traitant des effets sur les espèces non cibles et les écosystèmes, résultant de l’emploi massif des insecticides systémiques [1] (les néonicotinoïdes et le fipronil).

    Les naturalistes du siècle dernier étaient unanimes : rien ne pourrait jamais exterminer ni les insectes, ni les invertébrés…. Et bien malheureusement l’usage des insecticides systémiques est en passe d’y parvenir !

    Deux grandes crises en témoignent : la première, après la Seconde Guerre mondiale, a failli faire disparaître la plupart des prédateurs en affectant leur reproduction. On se souvient du combat émérite de Rachel Carson contre les organochlorés (dont le DDT).

    La seconde grande crise, plus récente, est passée quasiment inaperçue (à l’exception des scientifiques et des apiculteurs). Pourtant, le travail d’analyse des chercheurs est sans appel : les pesticides systémiques sont partout : dans les plantes (y compris sauvages), l’air, l’eau, le sol et leur concentration constitue un risque avéré pour l’environnement, affectant ainsi une catégorie animale trop souvent ignorée: les invertébrés tels que les insectes, les annélides, les crustacés.

    Or, nous dépendons entièrement des « services écosystémiques » qu’ils nous rendent gracieusement : décomposition de la matière organique morte, hygiénisation des sols et de l’eau, élaboration constante des sols [2] et leur perméabilisation, pollinisation, lutte biologique …

    La LPO rappelle que la disparition des oiseaux est une conséquence inhérente de la perte des invertébrés dont ils dépendent. Elle souhaite également rendre hommage et se joindre à tous ces chercheurs qui mettent au service de la connaissance leurs compétences et entendent partager cette connaissance avec le grand public.

    Allain Bougrain Dubourg


    – [1] Systémique : l’insecticide est absorbé par la plante dans laquelle il se répand grâce au transport de la sève brute (Xylème), et de la sève élaborée (Phloème) dans sa totalité, de la racine au pollen, au nectar comme à la guttation (exsudat liquide des feuilles).

    – [2] L’exemple des sols est frappant. Les sols hébergent ceux qui les produisent, soit 80% de la biomasse animale émergée. Même si les champignons et les bactéries accomplissent des rôles irremplaçables, les vers de terre représentent l’essentiel de cette biomasse. Ils aèrent le sol grâce à 4000km/ha de galeries et à la formation d’agrégats (terre grumeleuse). Ils mélangent intimement la matière organique fraîche, âgée, fermentée et minérale produisant bon an mal an 300t/ha/an de complexe argilo-humique. Si toutefois leur biomasse est de 2 à 4t/ha… C’était vrai avant-hier. Aujourd’hui, l’agro-industrie, en particulier en raison de l’usage de ces pesticides, en a réduit l’importance à 50kg/ha. Une misère ! Sans galerie, les sols se tassent et aggravent les inondations faute d’infiltration. Sans vers de terre, les sols perdent de 10 à 40t/ha/an de leur substance. L’érosion est en marche. Il n’y a pas d’avenir sans biodiversité : nous en sommes dépendants !