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Emissions de CO2 : les mesures de la Commission européenne désaprouvées par l’industie automobile et les ONG

Les voitures sont responsables d’environ 12 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne. La Commission européenne veut donc contraindre les constructeurs automobiles à limiter à 130 grammes par kilomètre les émissions de CO2 de leurs véhicules neufs dès 2012, sous peine de lourdes sanctions pécuniaires. Le commissaire à l’Environnement, Stavros Dimas, a rappelé que l’Europe devait prendre les mesures nécessaires à sa crédibilité pour pouvoir se présenter comme pionnière de la lutte contre le réchauffement climatique. L’industrie automobile, soutenue par plusieurs Etats, juge la proposition dangereuse et inefficace. Quant à Greenpeace, l’ONG estime que les mesures présentées par la Commission européenne privilégient au contraire les intérêts de l’industrie automobile européenne au lieu de relever le défi des changements climatiques. Explications.

Karl De Meyer, correspondant permanent du journal Les Echos à Bruxelles révèle que c’est au terme de plusieurs semaines d’une bataille rangée dans ses propres rangs, qui s’est prolongée jusqu’à la dernière minute, que la Commission européenne est finalement parvenue à adopter le 19 décembre dernier un texte pour réduire les émissions de gaz carbonique des voitures neuves. Si ce texte était validé en l’état, les véhicules livrés en Europe à partir de 2012, qu’ils soient fabriqués par un constructeur européen ou extérieur, devraient émettre, en moyenne, moins de 130 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, contre 160 grammes aujourd’hui. Chaque constructeur devrait parvenir à une valeur de 130 g/km pour la moyenne de la flotte, mais avec des objectifs d’émission définis en fonction du poids des voitures. Les constructeurs allemands et suédois, qui produisent les véhicules les plus lourds (plus de 170 g/km à l’heure actuelle), auront, en tout état de cause, plus d’efforts à fournir que les marques françaises ou italiennes, d’ores et déjà tombées autour de 140 g/km. Les groupes les plus polluants pourront former des « pools » avec des constructeurs plus sobres pour faire chuter leurs moyennes, moyennant des contreparties financières. Mais tout accord de la sorte devra respecter les règles européennes sur les ententes. Pour que le système fonctionne, la Commission a prévu une série de sanctions pécuniaires graduelles pour les groupes qui ne respecteraient pas la directive [[Pierre Avril analyse dans Le Figaro (édition du 20 décembre 2007) cette mesure : La Commission ne saurait exiger d’une marque telle que BMW, qui affiche 1,54 tonne sur la balance et émet 188 grammes de CO2, de baisser ses émissions de 58 grammes en seulement quatre ans. En guise de compromis, les eurocrates ont dessiné une courbe, attribuant, pour chaque poids, un niveau spécifique d’émission. Le groupe allemand Daimler, qui rejette 184 grammes de CO2 en moyenne, devra ainsi diminuer ce chiffre de 46 grammes, alors que le français PSA, qui n’émet que 142 grammes, devra alléger quant à lui ce poids de 16 grammes. « Les producteurs de grosses cylindrées devront faire plus que les petits », résume le commissaire à l’Environnement, Stavros Dimas.]]: ils devraient payer 20 euros par g/km au-dessus du seuil par voiture immatriculée en 2012, 35 euros l’année suivante, 60 euros en 2014 et, enfin, 95 euros en 2015. Ce qui pourrait obliger l’industrie à débourser au total plusieurs milliards d’euros. Cette opération, affirme Bruxelles, permettra, chaque année, d’économiser en moyenne 2 700 euros de carburant par voiture pour une majoration du coût limitée à 1 300 euros.

Les lobbies grognent

La Commission escompte que la grande majorité des constructeurs sauront s’adapter et échapperont donc aux pénalités. L’Acea, l’association qui représente l’industrie automobile européenne à Bruxelles, n’en semble pas convaincue. Elle a publié le 19 décembre un communiqué alarmiste, dans lequel elle attaque violemment le projet, qui, selon elle, met l’industrie automobile européenne en danger. « Les coûts occasionnés sont disproportionnés par rapport aux gains environnementaux », a déclaré Sergio Marchionne (Fiat), le président de l’association. Il a appelé les Vingt-Sept et les eurodéputés, les colégislateurs qui devront maintenant s’accorder sur le texte, à corriger le tir. Au niveau du Conseil européen, l’Acea peut compter sur l’Allemagne pour défendre ses intérêts. Un des porte-parole du gouvernement Merkel a jugé de la Commission « totalement inapproprié, déséquilibré, empêchant l’innovation de l’industrie automobile, menaçant des emplois et ne représentant pas d’instrument efficace de protection du climat ». « C’est une politique industrielle au détriment de l’Allemagne. Nous ne sommes pas contents », a même précisé Angela Merkel (Les constructeurs allemands ont émis 173 grammes de CO2 par kilomètre en 2006, contre 147 pour leurs concurrents français, NDLR). A Paris, le ministre de l’Aménagement durable, Jean-Louis Borloo, rejette ces propositions jugées trop favorables aux producteurs de gros véhicules et pas assez axées sur le strict principe du « pollueur-payeur ». De même, PSA Peugeot Citroën, dont le patron Christian Streiff va présider l’Acea à compter du 1 er janvier, considère que cette proposition est « insuffisamment équilibrée, et désavantage les constructeurs généralistes ». Comme d’habitude, lorsque Bruxelles s’emploie à satisfaire tous les lobbies, aucun d’entre eux n’est content. « Le système envisagé par la Commission n’encouragera pas les constructeurs à alléger leurs véhicules. Or, la perte de poids reste le meilleur moyen de lutter contre les rejets de CO2 » regrette dans Le Figaro Kirstin Meyer, de l’ONG Transport et environnement.

Greenpeace : la Commission européenne cède au lobby automobile

Dans un communiqué de presse du 19 décembre 2007, Greenpeace estime, quant à elle, que la Commission européenne cède au lobby automobile. La Commission européenne propose de limiter les émissions à une moyenne de 130g de CO2/km pour les véhicules neufs d’ici à 2012 (contre 160g en 2006). Un objectif revu à la baisse par rapport à l’ambition initiale de 120g CO2/km. Pire, le texte ne propose aucune réduction supplémentaire à plus long terme, alors que les ONG demandaient un engagement sur 80g à horizon 2020. Côté sanctions financières à l’encontre des constructeurs qui ne respecteraient pas ces limitations, la Commission opterait pour une amende de 20 € par gramme de C02 en trop en 2012, et de 95 € en 2015 seulement. Des pénalités trop légères pour avoir un effet dissuasif et qui ne seront intégralement appliquées qu’en 2015. Enfin, ultime cadeau aux industriels : le taux d’émissions de CO2 des véhicules neufs serait calculé en fonction du poids des voitures. Rien pour les inciter à produire des véhicules plus légers, donc moins gourmands en carburant. « Voilà plus de quinze ans que la norme des 120g/km est évoquée en Europe comme l’une des solutions pour limiter l’impact du secteur des transports sur le climat, déclare Karine Gavand, chargée de la campagne Climat de Greenpeace France. Au lieu de relever le défi, la Commission cède au lobby automobile. Dans ces conditions, on ne voit pas comment l’Union européenne va pouvoir respecter son engagement, réaffirmé à Bali, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre 20 à 30 % d’ici à 2020. » Greenpeace exhorte le Parlement et les ministres européens de l’Environnement à résister à la pression de l’industrie automobile et à renforcer la législation proposée. Greenpeace s’adresse en particulier à la France, restée trop discrète alors que les conclusions du Grenelle de l’environnement indiquaient que le seuil des 120g était un préalable à toute négociation. « Il faut la norme la plus exigeante pour tous », avait même déclaré le président Sarkozy. « Depuis la France ne s’est exprimée que pour défendre, sans succès, les intérêts des industriels français face à leurs concurrents allemands », reprend Karine Gavand. Pour cela, la France doit pousser la Commission européenne à : – restituer l’objectif de 120g de CO2/km d’ici à 2012 et l’assortir d’un objectif de 80g de CO2/km à horizon 2020 ; – prendre comme critère pour les standards d’émissions, l’utilité du véhicule (calculée à partir de l’empreinte au sol) et non son poids ; – imposer des sanctions fortes : 150 €/g de CO2 dépassant la limite légale, quel que soit le véhicule. « Les technologies existent, l’urgence climatique est là. La Commission doit prendre ses responsabilités. La France qui présidera l’Union en 2008 a un rôle majeur à jouer. Nous lui demandons d’être ambitieuse et exigeante ! », conclut Karine Gavand.

Etats-Unis : la consommation des voitures doit baisser de 40 %

Dans Le Monde (édition du 20 décembre 2007) on apprend que pour la première fois depuis 1975, le Congrès américain a adopté, mardi 18 décembre, un projet de loi sur l’énergie prévoyant des normes plus sévères d’économies de carburant pour les automobiles. Les constructeurs devront réduire d’environ 40 % la consommation d’essence des voitures et autres petits véhicules lourds d’ici à 2020. Pour les véhicules légers, la norme de consommation doit ainsi passer à 6,8 litres aux 100 kilomètres en 2020, contre 8,6 litres aux 100 kilomètres actuellement. Le projet de loi prévoit également une très forte augmentation de l’utilisation de l’éthanol. Sa consommation devrait atteindre 136 milliards de litres par an d’ici à 2022, soit six fois plus qu’aujourd’hui.

 

Documents joints

Sources : Les Echos (édition du 20 décembre 2007) – Greenpeace (communiqué de presse du 19 décembre 2007) – Le Figaro (édition du 20 décembre 2007) – Le Monde (édition du 20 décembre 2007)

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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