Aujourd’hui, près d’un milliard de personnes se couchent avec la faim au ventre. Et bientôt, nous serons 9 milliards. Pourtant, notre planète a les moyens de tous nous nourrir. Mais pour cela, il faut changer le système alimentaire global, qui creuse les inégalités et détruit les ressources naturelles. Le rapport Oxfam « Cultiver un monde meilleur : la justice alimentaire dans un monde aux ressources limitées » donne le coup d’envoi d’une campagne sur 4 ans pour changer le système alimentaire mondial.
Le rapport Cultiver un avenir meilleur
Dans un nouveau rapport publié le 31 mai, Oxfam souligne que les défaillances de l’actuel système alimentaire mondial et les conséquences du changement climatique vont entrainer de nouvelles crises marquées par l’épuisement des ressources naturelles et l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. Alors que les personnes les plus pauvres doivent consacrer jusqu’à 80% de leurs revenus à leur alimentation, les prix des aliments de base tels que le maïs pourraient plus que doubler au cours des 20 prochaines années. D’ici à 2050, la demande de nourriture augmentera, elle, de 70% alors que notre capacité à augmenter la production alimentaire est en déclin. Le taux moyen de croissance des rendements agricoles a diminué de près de moitié depuis 1990 et devrait continuer à diminuer pour atteindre moins d’1% dans la prochaine décennie. « Aujourd’hui, notre monde produit suffisamment de nourriture pour tous. Pourtant, plus de 900 millions de personnes – un humain sur sept dans le monde – ont faim. Si nous ne changeons pas notre manière de cultiver, de consommer et de partager notre alimentation, des millions de personnes supplémentaires souffriront de la faim à cause de l’augmentation des prix alimentaires et de crises alimentaires régionales à n’en plus finir », rappelle Jean-Cyril Dagorn d’Oxfam France. Le rapport ’Cultiver un avenir meilleur’ conclut qu’une action des pouvoirs publics pour soutenir l’agriculture et lutter contre la hausse des prix agricoles et alimentaires est à la fois urgente et possible. Une action d’autant plus importante dans un contexte de sécheresse en France et en Europe du Nord, qui fait suite à des incidents climatiques du même ordre en Chine et en Argentine et laisse augurer d’une baisse de la production céréalière et donc d’une nouvelle hausse des prix agricoles. A quelques semaines de la rencontre ministérielle du G20 agricole qui se tiendra à Paris les 22 et 23 juin, Oxfam appelle les pays du G20 à agir. Pour enrayer la spéculation sur les denrées agricoles et alimentaires et relever le défi alimentaire mondial, les gouvernements doivent investir dans l’agriculture paysanne et familiale, en valorisant les ressources naturelles, en gérant mieux le système alimentaire et en assurant l’égalité hommes – femmes. « Les gouvernements du G20 doivent investir dans les 500 millions d’exploitations agricoles paysannes des pays en développement : ce sont elles qui offrent la plus grande opportunité d’augmenter les rendements au niveau mondial. Ils doivent les soutenir pour s’adapter au changement climatique, et garder les prix alimentaires sous contrôle en régulant les marchés des matières premières et en annulant les politiques biaisées de soutien aux agrocarburants », ajoute Jean-Cyril Dagorn. Le rapport dénonce également les gouvernements dont les politiques inefficaces accentuent la défaillance du système alimentaire ainsi que les grandes entreprises tirant bénéfice de ces politiques et faisant pression pour leur maintien.- Bien que la croissance économique indienne ait plus que doublé entre 1990 et 2005, le nombre de personnes souffrant de la faim dans ce pays a augmenté de 65 millions – soit plus que l’ensemble de la population française. Un développement économique et des systèmes de sécurité sociale excluant les populations pauvres en milieu rural en sont les principales causes. Aujourd’hui, une personne sur quatre souffrant de la faim dans le monde vit en Inde.
- Dans le même temps, les politiques menées par les États-Unis font que 15% des quantités mondiales de maïs sont utilisées comme carburant, même en période de forte crise alimentaire, alors que la quantité de céréales nécessaire pour faire le plein d’éthanol d’un 4×4 peut nourrir une personne pendant un an.
- Quatre entreprises internationales concentrent entre leurs mains les décisions relatives au système alimentaire mondial. Trois entreprises seulement – Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill – contrôlent environ 90% du commerce mondial de céréales. Leurs activités entraînent la volatilité des prix alimentaires dont elles profitent largement : lors du premier trimestre de 2008, en pleine hausse mondiale des prix alimentaires, les profits de Cargill avaient augmenté de 86%. Et l’entreprise connait des profits records cette année grâce à des ruptures d’approvisionnements au niveau mondial.
- Télécharger le rapport « Cultiver un avenir meilleur » en cliquant ici.
- Télécharger le résumé du rapport en cliquant ici.
La campagne CULTIVONS. La Terre. La vie. Le monde.
Un système alimentaire qui fait fausse route- Une personne sur sept souffre de la faim alors que le monde produit suffisamment de nourriture pour tous.
- Les prix des aliments de base pourraient plus que doubler au cours des 20 prochaines années.
- 500 millions de petites exploitations agricoles dans les pays en développement subviennent aux besoins alimentaires de près de 2 milliards de personnes, soit près d’un tiers de l’humanité.
- Trois entreprises seulement – Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill – contrôlent environ 90% du commerce mondial de céréales.
- nourrir neuf milliards d’habitants d’ici à 2050 sans saccager la planète ;
- trouver des solutions équitables pour mettre un terme à l’injustice alimentaire ;
- renforcer notre résilience collective face aux crises et à la volatilité des prix des denrées alimentaires.
- Nous devons bâtir une nouvelle gouvernance mondiale pour prévenir les crises alimentaires. La priorité absolue des États doit être de lutter contre la faim et de réduire la vulnérabilité en créant des emplois et en investissant dans l’adaptation au changement climatique, la réduction des risques de catastrophes et la protection sociale. La gouvernance internationale (du commerce, de l’aide alimentaire, des marchés financiers et des financements climat) doit être réformée pour réduire les risques de futurs chocs et répondre plus efficacement lorsqu’ils surviennent. La spéculation financière sur les matières premières agricoles doit être régulée et l’aide pour les agrocarburants démantelée.
- Nous devons bâtir un nouvel avenir pour l’agriculture en privilégiant les besoins des agricultures familiales dans les pays en développement, où le potentiel en termes de gains de productivité et de résilience est le plus grand. Les États et les entreprises doivent adopter des politiques et des pratiques garantissant l’accès réel des paysans aux ressources naturelles, aux technologies et aux marchés. L’aide publique au développement apportée aux petits agriculteurs doit augmenter et les investissements fonciers doivent être régulés. Nous devons en outre remédier à la maldonne en matière d’affectation des ressources, qui voit la grande majorité de l’argent public destiné à l’agriculture bénéficier aux exploitations agro-industrielles du Nord.
- Nous devons concevoir l’architecture d’un nouvel avenir écologique. Les Etats doivent mobiliser les investissements pour les énergies renouvelables, réguler les marchés pour taxer les activités polluantes et orienter l’activité économique vers des alternatives durables, sobres en carbone. Un accord international, contraignant et ambitieux, sur le changement climatique sera le test décisif pour répondre au défi écologique.