Paul VERGES, président de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) a remis hier officiellement à Jean-Louis BORLOO le rapport 2009 de l’ONERC. Ce rapport a pour objet l’évaluation des coûts des impacts du changement climatique et la recherche de pistes d’adaptation pour la France métropolitaine aux horizons 2030, 2050 et 2100. L’ONERC a mobilisé un groupe d’expertise pluridisciplinaire regroupant des acteurs publics comme privés afin d’examiner en détail dix secteurs-clés : risques naturels, ressource en eau, biodiversité, santé, infrastructures routières, agriculture, forêt, énergie, tourisme et territoires. L’évaluation réalisée indique que les coûts annuels liés aux changements climatiques pourraient atteindre plusieurs milliards d’euros par an si aucune mesure d’adaptation ne venait à être prise.
Plusieurs pistes d’adaptation ont été identifiées et permettraient de limiter les impacts négatifs du changement climatique. La plupart des mesures d’adaptation sont toutefois largement dépendantes des caractéristiques territoriales et devront donc être examinées au cas par cas au niveau local. Un plan national d’adaptation au changement climatique, conformément aux dispositions de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, sera élaboré au plus tard en 2011. Ce troisième rapport de l’ONERC alimentera la concertation préparatoire à ce plan, qui sera engagée dès la fin 2009. Jean-Louis BORLOO a déclaré hier : « Ce 3ème rapport de l’ONERC, qui constitue un travail considérable, montre que la France ne sera pas épargnée non plus par le changement climatique. Il nous faut donc redoubler d’efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui passe par la conclusion d’un accord international à Copenhague et par la mise en œuvre du Grenelle Environnement sur notre territoire. Mais il nous faut aussi bâtir une stratégie de long terme qui seule permettra l’adaptation de notre société au changement climatique, par une action en profondeur dans des secteurs où les décisions d’aujourd’hui engagent fortement l’avenir : transports, bâtiments, aménagement, énergie, sylviculture, agriculture… Tel est l’objectif du « plan national d’adaptation » dont l’élaboration débutera dans les prochaines semaines ». – Télécharger le rapport de l’ONERC (format PDF – 2.6 Mo) – 195 pages. – Télécharger la synthèse du rapport (format PDF – 43.3 ko).Synthèse du rapport de l’ONERC 2009
Le groupe a choisi de travailler à partir des scénarios A2 et B2 du GIEC, selon les simulations réalisées par Météo-France, avec le modèle Arpège-Climat. A2 est un scénario plutôt pessimiste, B2 un scénario optimiste : ces deux scénarios sont généralement ceux adoptés dans les analyses d’impacts du changement climatique. En l’absence d’une prospective socio-économique de long terme régionalisée et par secteur sur la France, il a été décidé de travailler en conservant la situation socio-économique française actuelle (scénario dit à « économie constante »). Ce choix permet d’isoler l’impact du changement climatique de celui d’autres évolutions et de ne pas ajouter des incertitudes macroéconomiques aux incertitudes relatives aux aspects climatiques. L’analyse n’a porté que sur une sélection d’impacts du changement climatique. Les coûts estimés doivent être considérés comme des ordres de grandeur en raison des limites des méthodologies utilisées et de la non-exhaustivité des évaluations réalisées.Ressource en eau
En considérant une stabilité de la demande, un déficit de 2 milliards de m3 par an pour la satisfaction des besoins actuels de l’industrie, de l’agriculture (irrigation) et de l’alimentation en eau potable serait observé à l’horizon 2050. Les projections indiquent que les zones les plus touchées seraient celles déjà concernées aujourd’hui par des déficits structurels (par exemple le Grand Sud Ouest). La compensation du déficit potentiel de ressource en eau à horizon 2050 ne représente qu’une partie « visible » des adaptations nécessaires et une évaluation très partielle des nécessités d’adaptation des activités liées à l’eau. Tous les secteurs seraient affectés par cette évolution, qui se traduirait par une multiplication des conflits d’usage, une dégradation de la qualité des eaux et par la perturbation des écosystèmes aquatiques ou dépendants de la ressource en eau. L’adaptation de chaque secteur au changement climatique passera par une meilleure gestion de la consommation d’eau : l’adaptation de la demande et des besoins en eau est un axe prioritaire. L’évaluation du coût potentiel des mesures d’adaptation ne pourra se faire qu’au travers d’investigations locales : les réponses appelleront des mécanismes de solidarité géographique.Risques naturels
La remontée du niveau de la mer aurait des conséquences économiques très importantes pour les habitations et les entreprises : plusieurs dizaines de milliers de logements seraient exposés à un risque de submersion dans le seul Languedoc-Roussillon avec un coût de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Les coûts annuels induits par le retrait gonflement des argiles pourrait être multiplié par 4. Les effets des inondations par débordement de cours d’eau pourraient également être significatifs, avec dans ce cas des incertitudes importantes qui demeurent quant à l’impact attendu et la difficulté de distinguer les coûts induits par le seul changement climatique. Quant au coût relatif aux aléas gravitaires, il n’a pas été évalué du fait d’un grand besoin de connaissances. Il est cependant à souligner le fort impact sociétal qu’ont les catastrophes associées à ces aléas, pouvant entraîner des pertes de vies humaines et des coûts importants très localisés.Biodiversité
Bien qu’il soit parfois difficile d’isoler les impacts du changement climatique des autres pressions subies par les écosystèmes et bien que la problématique soit très différenciée selon les écosystèmes et les espèces, des signes de modification de la biodiversité attribuables aux changements graduels induits par le changement climatique sont d’ores et déjà observables. La biodiversité est affectée directement par la modification de la température et de la pluviométrie notamment, mais les effets indirects pourraient être au moins aussi importants. Globalement, des pertes économiques significatives liées à la diminution voire la disparition de services de régulation sont à attendre en particulier dans la seconde moitié du XXIème siècle.Santé
Le travail d’évaluation économique a porté sur l’impact de deux événements extrêmes majeurs (canicule de 2003 et inondation du Gard en 2002). On estimerait la valeur perdue par notre société du fait de la canicule 2003 à un peu plus de 500 millions d’euros dans l’hypothèse d’une perte moyenne d’une année de durée de vie. Concernant les inondations du Gard, le coût de la prise en charge des personnes présentant des troubles psychologiques a été estimé à environ 234 000 euros (pour 953 personnes). Il s’agit d’une estimation basse, puisqu’elle ne porte que sur le coût des soins (les coûts indirects et intangibles n’ayant pas été chiffrés).Secteur agricole
Les modèles de croissance des grandes cultures utilisés projettent une hausse de rendement en réponse au changement climatique (notamment du blé jusqu’à l’horizon 2100). Cette hausse ne tient pas compte des variabilités inter annuelles et de la baisse de disponibilité en eau. A titre d’exemple, la multiplication des événements de type canicule de 2003 pourrait représenter en 2100 un coût allant jusqu’à plus de 300 millions d’euros par an pour une culture comme le blé en l’absence de mesure d’adaptation. La viticulture sera également affectée par le changement climatique, avec des disparités territoriales fortes et des effets sur la qualité des vins. Dans le cas des prairies, l’exercice réalisé pour la zone périméditerranéenne, amène à un coût de compensation des pertes de 200 millions d’euros par an sur la seconde moitié du XXIème siècle.Secteur forestier
Une hausse de productivité (volumes de bois) est attendue à court et moyen terme en raison de l’augmentation des températures et du taux de CO2 dans l’atmosphère. Néanmoins, sur cette même période, les gains de productivité escomptés sont du même ordre de grandeur que les pertes possibles par dépérissement, incendie, sécheresse, etc. Après 2050, la tendance serait défavorable en raison du stress hydrique notamment dans le sud de la France, avec un risque accru de sécheresses et d’incendies laissant présager des impacts clairement négatifs à long terme. Le changement climatique attendu s’accompagnera d’une aggravation de l’aléa feux de forêt dans les territoires actuellement exposés ainsi que par une propagation territoriale (vers le Nord et en altitude).Energie
Le changement climatique aura des conséquences sur la demande, avec une baisse de la consommation énergétique en hiver, mais une hausse en été en raison des besoins en climatisation pour les logements et les véhicules. L’évaluation économique de ces impacts fait apparaître une tendance d’économie d’énergie de l’ordre de 3%, mais le développement spontané de la climatisation résidentielle et automobile amputerait de moitié les économies d’énergie liées au réchauffement. En termes de production d’électricité, il faut s’attendre, en raison des contraintes liées à la ressource en eau, à une baisse de productible de l’ordre de 15% des centrales hydroélectriques, pour lesquelles l’eau constitue la « matière première ».Tourisme
Il y aurait une dégradation du confort climatique en été sur une grande partie de la France métropolitaine, les températures maximales atteintes devenant trop élevées pour permettre un confort maximal des touristes. En 2100, un impact significatif sur le chiffre d’affaire estival est à attendre, en raison d’une évolution à la baisse de l’attractivité touristique sauf dans le nord-ouest de la France et de certains départements des Alpes. Concernant les sports d’hiver, une étude de l’OCDE en 2006 indique que, dans les Alpes, la diminution du manteau neigeux réduira la fiabilité de l’enneigement. Ce travail indique que dans toutes les zones géographiques de France métropolitaine, le secteur du tourisme devra s’adapter aux manifestations futures du changement climatique pour limiter les impacts négatifs et en saisir les opportunités potentielles.Infrastructures de transport
Le changement climatique prévu pourrait rendre nécessaires des adaptations au niveau des infrastructures routières. Le risque de submersion marine permanente lié à une remontée d’ensemble du niveau de la mer d’un mètre représenterait un coût patrimonial, pour les routes nationales métropolitaines (hors autoroutes, hors autres voiries), hors pertes d’usage et hors effet « réseau » pouvant atteindre 2 milliards d’euros.Territoires
Les territoires ne seront pas touchés de la même façon par le changement climatique : certains territoires, leurs activités économiques, leur densité démographique ou encore leur biodiversité, seront particulièrement impactés. Il a été mis en avant l’importance du pas de temps nécessaire à ce que l’on peut appeler « l’apprentissage de la vulnérabilité ». Cette conversion sera d’autant plus longue que les publics susceptibles d’être touchés par les impacts du changement climatique ne sont pas a priori homogènes. A cet effet, l’information, la sensibilisation et la mobilisation des acteurs et de la population au changement climatique et à l’adaptation constituent des aspects fondamentaux.Et maintenant ?
Il convient maintenant de tirer parti des connaissances rassemblées par ce groupe interministériel pour réaliser un plan national d’adaptation ambitieux annoncé pour 2011 par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement, adoptée le 3 août 2009. Le Ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le Climat, a souhaité que la préparation de ce plan fasse l’objet d’une vaste concertation nationale. Cette concertation qui se déroulera tout au long de l’année 2010 permettra de recueillir les avis de la société civile, des collectivités mais aussi de nos concitoyens sur un domaine encore trop peu connu. Ces travaux serviront également pour la réalisation, conjointement par le Préfet de région et le Président du Conseil régional, des Schémas Régionaux Climat Air Energie, prévus dans le projet de loi portant engagement national sur l’environnement et qui devront comporter un volet définissant les grandes orientations régionales en matière d’adaptation au changement climatique.