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Les ONG jugent inefficace l'annonce de Nicolas Sarkozy

Une taxe sur les transactions financières au rabais ?

Fin de la semaine de 35 heures au risque de tensions sociales, hausse de 1,6 point de la TVA en octobre 2012 passant de 19,6% à 21,2% afin de compenser 13 milliards d’euros de baisses de charges patronales au risque de renforcer l’inflation et freiner la consommation … Parmi toutes les annonces faites par Nicolas Sarkozy dimanche soir je reviens sur la taxe sur les transactions financières (TTF) qu’il souhaite instaurer dès le mois d’août prochain, sans attendre le reste de l’Europe. Une mesure jugée insuffisante par les ONG. Parmi celles-ci, ONE, ONG cofondée par le chanteur Bono, estime cette taxe de « mascarade », Oxfam la qualifie de « façade ». Toutes l’estimant détournée de sa vocation : celle de financer les plus pauvres et non les caisses de l’Etat. Explications.

La France va donc appliquer au 1er août une « taxe sur les transactions financières » de « 0,1% » qui rapportera aux caisses de l’Etat « un milliard d’euros en année pleine » pour « réduire les déficits », a détaillé le Chef de l’Etat. « Nous avons trouvé un dispositif qui permet d’éviter les délocalisations puisque toute entreprise cotée en France, même si on l’achète à New York, paiera une taxe de 0,1% », a-t-il ajouté. Selon une source gouvernementale interrogée par l’AFP, ce nouveau prélèvement visera toutes les actions de sociétés françaises et les Credit Default Swaps (CDS) dits « à nu », c’est-à-dire ces produits financiers dérivés censés servir d’assurance aux détenteurs d’obligations mais qui sont accusés de favoriser la spéculation sur la dette des Etats. « Les achats spéculatifs par ordinateur paieront une taxe », a aussi affirmé Nicolas Sarkozy au sujet du « trading à haute fréquence », qui repose sur des transactions financières effectuées à la nanoseconde et est également soupçonné de mener à des dérives. En revanche, comme prévu, la taxe épargnera les obligations d’Etat, c’est-à-dire le marché de la dette publique au coeur des turbulences de la zone euro. La place financière de Paris s’était émue par avance d’une telle taxe mise en oeuvre en France uniquement, estimant qu’elle « affaiblirait l’économie française » et serait « inappropriée ». De la même manière, le patronat a mis en garde contre une « délocalisation massive » des transactions. Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont plaidé, ces derniers mois, pour la création d’une telle « taxe Tobin », du nom du prix Nobel d’économie James Tobin qui en imagina, le premier, le mécanisme pour freiner la spéculation sur le marché des changes. Mais il n’était question initialement que d’une instauration au niveau de l’Union européenne, voire de la zone euro étant donnée l’hostilité du Royaume-Uni et de la Suède. Berlin reste sur cette ligne, pendant que Bruxelles planche sur un mécanisme européen. Le Premier ministre britannique David Cameron a vivement critiqué jeudi le projet de taxe Tobin, qualifié de « folie ». « Ce que nous voulons c’est provoquer un choc, montrer l’exemple », a expliqué le chef de l’Etat, assurant qu’« il est évident qu’à la minute où l’Europe se sera dotée d’une taxe, nous rejoindrons le groupe européen ». Les organisations non gouvernementales ont immédiatement dénoncé une taxe « au rabais ». « Tout ça pour ça », s’est désolé Guillaume Grosso, le directeur pour la France de ONE, l’ONG cofondée par le chanteur Bono. « A trois mois des élections, le président-candidat présumé nous annonce une taxe de mascarade pour renflouer les caisses de l’Etat et non plus pour aider les plus pauvres », a-t-il ajouté. De la même manière, Oxfam France estime qu’un milliard, « c’est très en-deçà de ce que ça pourrait rapporter ». « Même en y ajoutant la hausse de la CSG sur les revenus du capital (qui devrait rapporter moins de 2 milliards), le compte n’est pas bon pour la justice fiscale » enrichit ATTAC. « Elle rapportera certes plus que le dérisoire impôt de Bourse, qu’avait supprimé le même Nicolas Sarkozy en 2008. Mais elle ne s’appliquera ni aux transactions sur les obligations, ni à celles sur les devises, et de façon marginale aux produits dérivés, qui sont surtout échangés à Londres et à Francfort. Le produit servira à combler les déficits et pas à financer les politiques de solidarité et de préservation de la planète : ce qui sera prélevé à la finance lui sera redistribué. On est bien loin d’un projet crédible et efficace, qui suppose une réelle volonté de désarmer la finance et de redistribuer les richesses, au plan national et international » explique ATTAC. Plus globalement, les ONG Coalition PLUS, AIDES et Oxfam France regrettent qu’à l’approche des élections, le gouvernement tente de faire illusion sur ce projet-phare en se contentant d’une taxe de façade. « Après tant d’annonces et d’engagements depuis deux ans, la montagne accouche d’une souris. Au Brésil, place financière nettement moins importante que la place française, la TTF rapporte 12 fois plus que ce que nous propose le gouvernement [[Taxing Financial Transactions : An Assessment of Administrative Feasibility, IMF working paper.]] ! Taxer les milieux financiers à hauteur de 1 milliard au lieu de 12, c’est leur faire un cadeau de 11 milliards » souligne Khalil Elouardighi de Coalition PLUS. « En refusant de taxer efficacement les obligations et les produits dérivés, le gouvernement français renonce délibérément à dégonfler la spéculation et à financer correctement la lutte contre la pauvreté, le sida et le changement climatique, des ambitions pourtant affirmées à de nombreuses reprises par Nicolas Sarkozy », ajoute Alexandre Naulot, d’Oxfam France. « Par rapport aux TTF étrangères, le projet du gouvernement comporte de nombreux manques » estiment Coalition PLUS, AIDES et Oxfam France : « Ce projet fixe un taux d’imposition des transactions sur actions cinq fois plus faible qu’en Grande-Bretagne [[Taxe britannique sur les transactions sur actions.]] et trois fois plus faible qu’à Taiwan [[Taxe taïwanaise sur les transactions sur titres.]]. Pourtant, ces pays taxent déjà les transactions financières de manière unilatérale, avec succès, et sans délocalisation financière. La « Stamp Duty » rapporte ainsi en moyenne 4 milliards d’euros par an en Grande Bretagne ». « De plus, la TTF française propose d’exempter les transactions réalisées par les banques pour leur propre compte, c’est-à-dire une partie majeure de leurs bénéfices. En ne couvrant pas les obligations d’Etat et des entreprises, elle n’aura aucun effet sur les banques qui spéculent sur la dette souveraine et les obligations. Enfin, en ne se dotant pas d’une taxe efficace sur les produits dérivés, elle permet aux institutions financières de continuer à spéculer sur ces produits toxiques, tels que les fameux Credit Default Swap utilisés contre la Grèce, l’Italie et la France » poursuivent Coalition PLUS, AIDES et Oxfam France. « D’après le cabinet d’ingénierie financière « 99 Partners » (dont les experts sont issus de BNP, Deutsche Bank et Rothschild), la France peut tout à fait copier la Stamp Duty britannique et l’étendre aux obligations et aux dérivés. Cela rapporterait plus de 12 milliards d’euros par an. Selon ces experts, même limitée aux seules actions françaises, la TTF devrait rapporter entre 6 et 8,5 milliards d’euros ». C’est pourquoi Coalition PLUS, AIDES et Oxfam France pensent qu’ « Une « autre » taxe beaucoup plus ambitieuse est donc possible » et demandent au « gouvernement de revoir sa copie ! »

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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