Après des années de déni, la prise de conscience de l’impact de nos modes de vie sur l’environnement a été soudaine. Nos barrières psychologiques ont sauté. Nos comportements se modifient. Regards d’experts sur un vrai changement de fond.
Un article de Christilla Pellé-Douël | Psychologies.com
Ça y est ! Ça bouge… Il y a peu, les belles déclarations succédaient aux formules (« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », disait Jacques Chirac lors du Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, en 2002), sans qu’un vrai passage à l’acte se fasse. Or, en l’espace de quelques mois, tout s’accélère. L’entrée fracassante de Nicolas Hulot – troisième au classement des personnalités préférées des Français(1) – dans le paysage de la campagne pour l’élection présidentielle a bousculé politiques, militants écologistes, institutions, industriels, et surtout citoyens… Le réel, enfin, surgit dans nos consciences. Nous commençons à changer nos habitudes, nous nous disons prêts à modifier durablement nos comportements. Mais comment est-ce arrivé ? Pourquoi, après des années de tergiversations scientifiques, d’hésitations politiques et de scepticisme citoyen, l’écologie est-elle soudain entrée dans notre quotidien ? D’où est venu le déclic ?
Nous étions comme saint Thomas
Au départ, « il y a ce qui est dit et ce que l’on avait envie de croire : que ça ne va pas si mal que ça, que le réchauffement climatique n’est pas si grave, explique Jean-Marc Jancovici, chercheur, ingénieur en climatologie et un des scientifiques à l’origine du Pacte écologique de Nicolas Hulot. Nous avions tous envie de croire que tout finirait par s’arranger tout seul, sans efforts. Ce n’est pas le cas, bien sûr ». « Le désastre annoncé est invisible », précise le photographe Yann Arthus-Bertrand. Et comme saint Thomas, si nous ne voyons pas, nous ne croyons pas.
Ce qui change : le problème devient tangible
La tempête de 1999, la canicule de 2003, puis le tsunami en 2004 et l’ouragan Katrina en 2005… Ces événements naturels récents, même si tous ne sont pas directement liés au réchauffement du climat, ont donné une réalité au problème et l’ont ancré dans notre quotidien, amorçant l’indispensable réveil. Nous commençons donc à entrevoir les conséquences de notre insouciance vis-à-vis de l’environnement.
Nous étions aveuglés par la croissance
Tout notre fonctionnement biologique et psychologique nous pousse à nous développer. « Nous sommes des animaux, poussés génétiquement vers le développement », précise Yann Arthus-Bertrand. La course au progrès et à la croissance économique est donc inhérente à l’espèce humaine, mais elle a fini par nous aveugler et nous couper de la nature. « Avec cette idée d’un humain “maître et possesseur de la nature” entamée au XVIIe siècle avec Descartes, l’humain ne s’est plus pensé comme un élément de la nature », explique le psychanalyste et sociologue Marc-Alain Descamps, directeur de l’Institut de psychologie transpersonnelle. Les catastrophes naturelles viennent nous rappeler la toute-puissance d’une nature que nous croyions avoir dominée.
Ce qui change : notre regard sur la nature
« Nous commençons à changer notre regard sur la place de l’humain dans la nature, constate Souleymane Bachir Diagne, philosophe, professeur de philosophie à l’université Cheik-Anta-Diop, à Dakar (Sénégal) et à l’université Northwestern, à Evanston (Illinois, Etats-Unis). Nous découvrons que toutes les vies sont solidaires, qu’il nous faut nous penser à l’intérieur de ce tout universel, et non nous y confronter de l’extérieur. Cette conscience nous donne une responsabilité vis-à-vis de la nature dont nous sommes les seuls éléments “pensants”. Autrement dit, l’évolution à travers nous, les humains, devient une force consciente d’elle-même. »
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