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Comment accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste ?

A partir des constats sur les émissions et l'empreinte...

Des outils pour aider les gestionnaires de l’eau à s’adapter au changement climatique

Le changement climatique s’accélère et affecte directement les ressources...
Accélérer la transition écologique vers la neutralité carbone en 2050

Tenir le cap de la décarbonation pour protéger la population

Un rapport du Haut conseil pour le Climat

Décarboner nos activités humaines, Protéger la population, qu’en dit le Haut Conseil pour le climat (HCC) ? Consolider, protéger, améliorer, tels sont les mots utilisés dans son dernier rapport 2024, indiquant encore la nécessité d’accélérer la transition écologique vers la décarbonation et l’objectif de neutralité carbone en 2050. Une analyse de Marta Torre-Schaub, directrice de recherche au CNRS rattachée à l’Université Paris 1, pour le Club des juristes.


Le rapport annuel 2024 « Tenir le cap de la décarbonation, protéger la population » dresse une analyse des émissions de gaz à effet de serre, du respect des budgets carbone, des impacts du changement climatique sur la dernière décennie et des besoins d’adaptation et présente l’évaluation du cadre d’action publique en France, des leviers pour l’action climatique nationale et internationale, ainsi que ses recommandations pour améliorer l’action publique en matière de climat.


Connaitre et anticiper les IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
ET BESOINS D’ADAPTATION

hautconseilclimat.fr
Anomalie de température en moyenne annuelle observée en France métropolitaine

Conscient d’un climat qui se réchauffe vite et de l’inquiétude de la population vis-à-vis de ces changements et ses graves impacts, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dresse un état des lieux assorti de cinq recommandations.  

Enjeux d’adaptation en fonction de l’évolution de la température et de la hausse du niveau marin au XXe et XXIe siècles
Enjeux d’adaptation en fonction de l’évolution de la température et de la hausse du niveau marin au XXe et XXIe siècles

Pour la première fois, le HCC salue les avancées « significatives » des politiques publiques climatiques et son rapport dresse l’état des « résultats » produits. Il note toutefois que l’exposition accrue de la population, des écosystèmes, des infrastructures et des activités économiques aux conséquences du réchauffement climatique présente des risques majeurs.

Représentation de l’accroissement de besoins d’adaptation depuis 2011 en France

Suivi des ÉMISSIONS NATIONALES
ET RESPECT DES BUDGETS CARBONE

Quelles sont les principaux constats du rapport ?

Le rapport constate d’abord un rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre dont l’ampleur est cohérente avec une trajectoire de décarbonation permettant d’atteindre ses objectifs pour 2030.

Émissions territoriales et empreinte carbone de la France depuis 2010
Évolution des émissions de gaz à effet de serre entre 2012 et 2023

Il souligne ensuite que la France fait face à deux défis : la réindustrialisation et la souveraineté énergétique et alimentaire. Pour y parvenir, ce que le HCC nomme « l’action pour le climat » doit être à la fois durable et incitative.

Dans ce sens, le rapport insiste sur l’importance des investissements verts, du renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers.

Le rapport fait un deuxième constat positif en saluant l’évolution du cadre d’action des politiques publiques et des émissions sur la période du 2e budget carbone (2019-2023).

Respect du budget carbone 2019-2023 et alignement avec les objectifs 2030
Notes : Les baisses annuelles à réaliser sont calculées à partir de la différence entre l’objectif 2030 (de la SNBC 2 et du projet de SNBC 3) et les émissions réalisées en 2023 divisée par le nombre d’années restantes (7). Ce rythme annuel est comparé au rythme annuel moyen constaté durant la période du 2e budget carbone (2019-2023). Les objectifs 2030 et les budgets carbone du projet de SNBC 3, basés sur le format Secten 2023, ont été ajustés pour tenir compte des évolutions méthodologiques (calcul HCC, cf. annexe 2.4) en cohérence avec le format Secten 2024. Les proxy de 2023 pour l’agriculture, les déchets et l’UTCATF sont pris en compte ici.
*La SNBC 2 prévoyait une dégradation lente du puits.
**Les puits de carbone ont un objectif 2030 de 19 Mt éqCO 2 . La SNBC 2 n’ayant pas anticipé l’ampleur de la dégradation, l’objectif y est plus élevé, alors que les objectifs provisoires pour la SNBC 3 sont plus réalistes face à cet état de dégradation.
Source : Haut Conseil pour le Climat, d’après Citepa (2024) format Secten, SNBC 2 et projet de SNBC 3

Le rapport met toutefois en garde en indiquant à quelles conditions il sera possible de maintenir ce cap. En premier lieu, il est indispensable de remettre à jour les documents programmatoires permettant d’avoir une planification de la baisse des émissions et des politiques climatiques en cohérence avec les objectifs de 2030 et 2050. Le HCC souligne qu’il y a un retard notable dans l’élaboration des Plans énergie et climat, de la Stratégie nationale bas carbone et des Plans d’adaptation.

On rappellera qu’il s’agit de documents de nature contraignante, comme le Conseil d’État l’a affirmé dès 2020 (CE commune de Grande Synthe) ainsi que le TA de Paris en 2021 (Oxfam et al.). Le renouvellement de ces documents cadres est donc urgent.

Part des objectifs PPE 2 atteinte en 2022 et reste à combler d’ici 2028 – Capacité et production d’énergies renouvelables

En second lieu, le HCC prône un alignement plus robuste des politiques actuelles sur l’objectif européen de neutralité carbone en 2050. Enfin, les politiques d’adaptation doivent être renforcées, et ce, à l’égard des populations mais également des entreprises.

Quelles sont les nouveautés introduites par le texte ?

On peut noter plusieurs éléments nouveaux. L’intitulé du rapport, pour commencer, attire l’attention car la « population » est au centre du document1. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été saisie d’une requête déposée par Mr. Damien Carême, ancien maire de la ville de Grande Synthe, dans laquelle il avançait que les effets négatifs du changement climatique lui faisaient courir un risque pour sa vie. Il alléguait aussi que son domicile était en péril. La requête a été jugée irrecevable. Toutefois, le HCC semble bien conscient de la nécessité de protéger les populations contre les risques climatiques.

Tableau d’appréciation d’ensemble de la politique d’atténuation
Légende : * estimations provisoires 2023 ; ** report des émissions 2022 ; *** les puits de carbone, en fragilité, ont un objectif 2030 de -18,9 Mt éqCO2. La SNBC 2 n’ayant pas anticipé leur dégradation, l’objectif y est plus élevé, alors que les objectifs du projet de SNBC 3 sont plus réalistes face à cet état de dégradation. **** Le règlement UTCATF européen donne un objectif pour la France de puits de 31,4 Mt éqCO2 en 2030, l’objectif du projet de SNBC 3 est de 18,8 Mt éqCO2 en 2030. L’écart est de 12,6 Mt éqCO2 à répartir sur les 7 années qui restent, correspondant à 1,8 Mt éqCO2. Les objectifs sont ajustés techniquement pour être compatibles avec l’inventaire Secten 2024.
L’alignement avec la trajectoire pour 2030 est apprécié en comparant les dynamiques observées sur la période du deuxième budget carbone (en incluant les estimations pour 2023 notamment les proxy approximatifs pour les secteurs UTCATF et déchets) avec les baisses attendues à partir des objectifs 2030 et des émissions en 2023.
L’alignement avec la neutralité carbone 2050 est apprécié sur la base des dynamiques constatées, des évolutions annoncées et de leur cohérence avec les défis restant à relever dans le secteur pour contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. L’appréciation d’ensemble intègre à la fois les appréciations sectorielles et des dimensions transversales comme les interactions entre secteurs ou les structuration d’ensemble de l’action climatique d’atténuation des émissions de GES.
Sources : HCC (2023) « Acter l’urgence, engager les moyens »

Le contexte international est intéressant pour une meilleure compréhension du rapport. On sait que la Cour internationale de justice et le Tribunal international de la mer se sont saisis récemment des questions liées aux obligations des États vis-à-vis de la protection des populations face aux risques liés au changement climatique. Le HCC semble conscient de ces nouveaux enjeux et prône un renforcement des politiques climatiques.

Émissions mondiales observées et trajectoires compatibles avec un réchauffement planétaire limité à 1,5 °C ou nettement sous 2 °C, comparées aux trajectoires avec les politiques actuelles, pour tous GES (à gauche) et le CO2 seulement (à droite)

La troisième nouveauté réside dans la place accordée aux entreprises. Cohérent avec sa prise de conscience des enjeux actuels pour la France, le HCC connaît l’importance du secteur privé à la fois pour la réindustrialisation et la souveraineté énergétique et alimentaire. Dans ce sens, le rapport exprime la nécessité de protéger les entreprises face aux risques climatiques.

Couvertures des publications grand public du HCC

Concrètement, quel est l’impact de ces préconisations sur le droit ?

Si le prochain gouvernement venait à suivre les recommandations du HCC, plusieurs conséquences juridiques en découleraient.

Premièrement, du point de vue normatif, le HCC souhaite créer une impulsion législative et réglementaire visant à adopter des documents légaux structurants précisant la trajectoire de décarbonation de manière réaliste, en cohérence avec les engagements européens et internationaux.

Architecture climatique européenne Fit for 55

Deuxièmement, et dans le prolongement de ce qui précède, le HCC insiste sur la nécessité d’identifier le financement pluriannuel garantissant une trajectoire claire, stable et lisible.

Schéma de financement du Pacte vert

En troisième lieu, le rapport préconise d’incorporer dans le corpus juridique des trajectoires d’adaptation. Le HCC recommande ainsi d’inclure les implications de la trajectoire de référence pour l’adaptation dans les lois, décrets, arrêtés, instructions et référentiels techniques. Cela doit être accompagné d’un renforcement des critères relatifs à l’adaptation dans les documents assurantiels et financiers. Le HCC est soucieux d’identifier les limites de l’adaptation et des transferts de « vulnérabilité ».

De ce fait, et en quatrième lieu, le rapport propose une mise à jour de l’évaluation collective des impacts du changement climatique. Cela permettra à la fois de protéger les ménages mais également les entreprises. L’on ne peut s’empêcher ici de penser à l’actualité. En effet, le rapport rendu par la commission d’enquête du Sénat au sujet du maintien de la souveraineté énergétique de la France et des activités du groupe Total, montrent bien la pertinence du sujet au regard des entreprises et la nécessité pour l’État d’intégrer cette priorité dans ses politiques législatives.

Dans le même temps, les arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris le 18 juin, au sujet des plans de vigilance à la charge de trois entreprises françaises transnationales, confortent la vision du Haut Conseil pour le climat s’agissant des liens entre les risques climatiques et les entreprises.

S’agit-il d’un hasard provoquant un timing concordant ou est-ce plutôt le fruit d’un nouveau dialogue entre le Haut Conseil et le droit climatique ? Le fait est que le nouveau rapport montre une grande synchronie avec l’actualité juridique et judiciaire sur le climat, ce qui est à saluer.


A propos du HCC

Le Haut conseil pour le climat (HCC) est un organisme indépendant chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat et sa cohérence avec les engagements européens et internationaux de la France, en particulier l’Accord de Paris, l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, et le respect des budgets carbone de la France.
Présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré, le HCC est composé de douze membres choisis pour cinq ans en raison de leur expertise scientifique, technique et économique dans les domaines des sciences du climat et des écosystèmes, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que de l’adaptation et de la résilience face au changement climatique.
Le HCC a été créé par le décret du 14 mai 2019, après avoir été installé le 27 novembre 2018 par le Président de la République. Il est inscrit dans la loi relative à l’énergie et au climat de 2019.
Aux termes du décret portant sa création, le Haut conseil pour le climat a deux missions principales :
Il rend chaque année un rapport sur le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre, la bonne mise en œuvre des politiques et mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et développer les puits de carbone.
Il rend un avis tous les 5 ans sur les projets de stratégie bas carbone et de budgets carbone et la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre sur laquelle s’engage la France. Il évalue « la cohérence de la stratégie bas carbone vis-à-vis des politiques nationales et des engagements européens et internationaux de la France, en particulier de l’Accord de Paris et de l’aeinte de la neutralité carbone en 2050.
Pour ces deux missions, le HCC prend en compte les impacts sociaux-économiques de la transition pour les ménages et les entreprises, les enjeux de souveraineté et les impacts environnementaux.
Les rapports du HCC, fondés sur des analyses scientifiques, évaluent les politiques et mesures en place et prévues et formulent des recommandations pour aider la France à atteindre ses objectifs. Ils donnent un éclairage indépendant, factuel et rigoureux sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre de la France et sur ses politiques publiques, dans une perspective à long-terme. Tous les avis et rapports du Haut conseil pour le climat sont rendus publics.

  1. Cela est sans doute dû au contexte général européen et international dans lequel le rapport a été rédigé. En effet, trois décisions ont été rendues par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 9 avril dernier, dont une concernait la France. ↩︎

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