A la une, cette semaine de notre revue de presse, l’envolée mondiale des prix des céréales qui crée dans 37 pays pauvres une situation d’urgence allant jusqu’à des émeutes de la faim. Pourquoi les prix se sont-ils emballés si vite ? Certes, les stocks mondiaux ne répondent plus à une demande croissante. Mais, Emmanuel Levy dans Marianne nous raconte pourquoi les fonds spéculatifs sont en grande partie responsables de la hausse mondiale des prix des produits agricoles.
En France, le projet de loi sur les OGM a été adopté par la majorité parlementaire. Mais la presse retiendra surtout la colère de Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) exprimée dans les colonnes du Monde (édition du mercredi 9 avril). Mise en cause par les députés UMP et désavouée par le premier ministre, à l’occasion de la discussion du texte sur les OGM, la secrétaire d’Etat à l’écologie ripostait : "J’en ai marre d’être confrontée à une armée de lâches. " "Il y a un concours de lâcheté et d’inélégance entre Jean-François Copé [...] et Jean-Louis Borloo qui se contente d’assurer le minimum", a-t-elle dit. François Grosdidier (député UMP) raconte à Marianne : "Je participe au groupe depuis 1993. Jamais je n’y ai vu un ministre traité comme ils ont traité "NKM". Copé, Ollier, le président de la commission des Affaires économiques, ils ont pesé de tout leur poids pour que le Ministère de l’Agriculture garde le contrôle sur les OGM". Ce jour-là, Borloo n’a pipé mot, poursuit Marianne. A l’heure de la curée, ces silences-là effacent toutes connivence, conclut l’hebdomadaire. Finalement qui aurait du présenter ses excuses ? On revient également sur les manifestations de soutien au peuple tibétain pendant le passage de la flamme olympique notamment à Paris. Une des seules "bonnes" surprises de la semaine. Comme les 42000 personnes réunies dans une marche blanche pour soutenir Ingrid Betancourt qui entame aujourd’hui son 2241ème jour de captivité. Mais entendra-t-on à temps ses voix chaque jour plus nombreuses "pour un monde meilleur", pour Ingrid, pour les droits de l’homme, pour manger ou encore respirer... Oui même respirer, selon James Hansen, un éminent climatologue , la Terre pourrait déjà avoir dépassé le seuil dangereux de CO2... Mais il est encore temps d’agir en étant chacun à l’origine du changement que nous voulons voir dans le monde.
- La situation : La flambée des prix de la nourriture de base va entraîner la multiplication des émeutes de la faim, dénonce la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. « La facture des importations céréalières des pays les plus pauvres va augmenter de 56 % en 2008 », assure Jacques Diouf, le président de la FAO, après avoir bondi de 37 % en 2007. Pis : les pays les plus démunis d’Afrique subsaharienne pourraient voir leur facture s’envoler de 74 %, en raison du boom des tarifs du fret et du prix du baril de pétrole.
« Des gens meurent déjà dans des émeutes, rappelle Jacques Diouf, et si nous ne prenons pas des décisions rapides, certains mourront de faim. Et les gens ne resteront pas assis en train de mourir de faim, ils réagiront. » Dénonçant « l’impact dévastateur » du prix des denrées, la FAO rappelle que 37 pays pauvres sont dans une situation d’urgence susceptible de conduire à des émeutes. Diouf appelle la planète à réagir pour « corriger les politiques agricoles erronées menées au cours des vingt dernières années ». Priorité : « Une opération massive de distribution de semences et de fertilisants. » L’organisation organisera en juin à Rome une conférence des pays donateurs pour recueillir entre 1,2 et 1,7 milliard de dollars. Sera-ce suffisant ? Aura-t-il fallu attendre ces émeutes et ces manifestations contre la vie chère pour s’intéresser à nouveau aux pays les plus pauvres ?
Le journaliste Vincent Defait revient pour l’hebdomadaire Marianne (n°573 du 12 au 18 avril 2008) sur la situation en Côte d’Ivoire. Dans ce reportage intitulé "Le cri du ventre contre les hausses de prix", le journaliste nous raconte comment le fleuron économique de l’Afrique de l’Ouest, la Côte-d’Ivoire est devenue le théâtre d’émeutes contre "la cherté de la vie". Un scénario qui se répète au Banglasdesh, à Haïti, en Egypte, aux Philippines... Victimes de l’économie mondiale, les peuples affamés réclament des comptes.
- Les causes : Dans ce même numéro de Marianne, Emmanuel Levy nous dit pourquoi la crise des "subprimes" affame le monde. Eloquant ! Après le blé et le soja, ce sont les cours du riz qui s’envolent : +56% en moins d’une semaine, +100% depuis le début de l’année, propulsant la tonne à 800 dollars ! Certes, il manque l’équivalent de 20 millions de tonnes de riz sur un marché mondial déjà tendu par une demande en forte hausse. Mais c’est surtout la spéculation qui prospère. L’abondance d’argent, à l’origine de la crise des subprimes, a trouvé là son nouveau terrain de jeu. Les capitaux qui ne veulent plus aller vers les banques, dont tout le monde se méfie, mais qui cherchent à se protéger de la chute continuelle du dollar se sont rués vers les marchés de matières premières. Après le pétrole et les métaux, ils ont jeté leur dévolu sur les produits agricoles, constate Emmanuel Levy. "Et ce d’autant plus que, avec les céréales comme le maïs, on fait désormais des carburants. Les prix sont donc accrochés au pétrole, dont le cours a doublé en un an", regrette un responsable de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Et une partie de ces dizaines de milliers de milliards de capitaux en mal de forts rendements se sont retrouvés sur le riz, dont le cours a bondi de 30% en quelques heures à la Bourse de Bangkok le 28 mars. "Selon nos calculs, pas loin d’un quart du prix actuel est lié aux positions des fonds spéculatifs", assure Hélène Fienga, économiste à la banque Natixis.
Suite aux manifestations pendant le passage de la flamme Olympiques à Paris, Martine Gozlan dans Marianne (n°573 du 12 au 18 avril 2008), s’emballe. "On n’y croyait plus ! On la pensait raplapla et ventre à terre, KO sous les coups de l’indifférence individuelle et planétaire. Et pourtant l’opinion publique s’est réveillée. [...] Elle a retrouvé la flamme des beaux jours, qui ne supporte pas qu’on éteigne celle des droits de l’homme, qu’on embastille, l’air peinard, au nom des jeux du cirque et de la bienséance internationale. [...] La solidarité avec le Tibet fait vaciller de colère la grande puissance émergente, cette Chine dont on nous a dépeint depuis un an avec des trémolos de jouissance la sensuelle et libérale métamorphose. Las ! L’opinion, requinquée, nargue cette branchitude casquée. [...] Une foule qui agit et qui pense, quel embarras, quelle bonne nouvelle ! Merci Lhassa.
Les autres titres :
Comment évaluer la limite à ne pas dépasser ?, sinterroge Stéphane Foucart dans Le Monde (édition du 11 avril 2008). Pour éviter une "interférence humaine dangereuse" avec le système climatique, le seuil limite de dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique est généralement fixé à 550 parties par million (ppm). C’est par exemple l’objectif - déjà ambitieux - que s’est fixé l’Union européenne (UE). Pour James Hansen, un des chercheurs les plus influents de la communauté des climatologues, ce seuil a été estimé avec trop, beaucoup trop, d’optimisme. Dans des travaux non encore publiés mais dont une version de travail a été mise en ligne, lundi 7 avril, sur le serveur ArXiv, le directeur du Goddard Institute for Space Studies (GISS) et ses coauteurs évaluent le seuil de danger à 350 ppm environ. Or ce niveau a été atteint en 1990. Il se situe aujourd’hui à 385 ppm. Et il augmente à raison d’une à deux unités chaque année.
– Lire le compte rendu de Stéphane Foucart sur le site du Monde
– Télécharger l’étude de James Hansen sur ArXiv (en anglais)
Pauline Graulle revient dans Politis n°997 (semaine du 10 au 16 avril 2008) sur l’exploitation très contestée des mines d’uranium au Niger par la multinationale Areva. Un collectif dénonce de graves pollutions dans la région du Nord, également plongée dans un conflit politique qui s’enlise.
Extrait : "Monsieur Issouf Ag Maha est touareg. C’est le maire de Tchirozérine, une petite commune située entre Agadez et Arlit, au nord du Niger. Depuis juillet 2007, "l’homme bleu" n’a pourtant plus le droit d’y mettre les pieds. Exilé en Normandie, il entend défendre le peuple touareg dans la "guerre oubliée des médias" qui oppose l’armée nigérienne et les rebelles touaregs. Pour l’instigateur du Collectif Tchinaghen, la cause des malheurs du Niger, c’est d’abord son sol. Ou plutôt ses sous-sol, qui regorgent d’une denrée précieuse : l’uranium. "L’installation des miniers sur nos terres menace l’éco-système, explique-t-il, mais aussi l’existence des populations qui y vivent. Nous, Touaregs, sommes considérés comme les derniers gêneurs car nous résistons à la spoliation de nos terres par les géants du nucléaire."
Le Figaro (édition du 3 avril 2008) nous apprend, qu’en plein débat britannique sur la future loi de bioéthique, des chercheurs de Newcastle annoncent avoir produit des cellules humaines à partir d’ovules de vache.
Extrait : C’est un joli pavé dans la mare qu’ont lancé les chercheurs de l’université de Newcastle en annonçant la création d’un embryon hybride homme-animal. Alors qu’en Grande-Bretagne le débat politique, religieux et scientifique relatif à un projet de loi de bioéthique concernant l’aide à la procréation et l’utilisation d’embryons humains venait tout juste de se calmer, l’équipe de Lyle Armstrong a annoncé à la BBC avoir réussi à produire un embryon à partir d’un ovocyte de vache et de cellules humaines. Une première au Royaume-Uni et en Europe. Le premier embryon hybride a apparemment été créé en 2003 à Shanghaï avec des cellules d’homme et de lapin... Lire la suite sur le site du Figaro
Sources : Libération (édition du samedi 12 avril 2008) - Le Monde (éditions des 9 et 11 avril 2008) - Marianne (n°573 du 12 au 18 avril 2008) - Politis n°997 (semaine du 10 au 16 avril 2008) - Le Figaro (édition du 3 avril 2008)