La crise environnementale, encore plus que la crise du Covid-19, révèle la nécessité pour les décideurs publics d’utiliser les savoirs scientifiques pour concevoir des politiques environnementales efficaces. Si les diagnostics scientifiques sur l’érosion de la biodiversité et le changement climatique sont de plus en plus médiatisés, l’environnement peine à imprégner les agendas politiques. Politiques et scientifiques ne parlent pas le même langage, ont des calendriers opposés et ont du mal à trouver des espaces de confrontation et de propositions. Des initiatives, souvent locales, de co-construction des savoirs entre chercheurs, citoyens et décideurs publics, sont encore trop peu démocratisées et parfois mal calibrées. Cette note explicite les liens entre les savoirs scientifiques et la fabrique des politiques, tels qu’ils sont et comment ils pourraient être, en formulant trois propositions opérationnelles, au service de la transition écologique.
La Note de La Fabrique Ecologique « L’écologie des sciences et les politiques environnementales : mariage impossible, union de raison ? » issue du groupe de travail co-présidé par Lucile Schmid et Denis Couvet est en ligne.
Si les chercheurs alertent depuis plusieurs décennies sur la nécessité de prendre en compte le changement climatique et le déclin de la biodiversité (GIEC, IPBES), l’ambition des politiques publiques reste nettement insuffisante pour garder en vie l’objectif de limiter le réchauffement entre 1,5 et 2 degrés d’ici 2100, ou encore respecter les limites planétaires (telles qu’elles peuvent être définies dans l’état actuel des connaissances).
L’importance croissante des enjeux écologiques rend essentielle une meilleure prise en compte dans la décision publique des savoirs scientifiques et des interrogations portées par la recherche. Ce sont l’ensemble des disciplines académiques qui sont concernées – sciences de la terre et sciences humaines et sociales comme le droit et l’économie qui fondent traditionnellement la décision publique.
Pour rapprocher les deux mondes – celui de la décision publique et celui de la recherche concernée par les enjeux écologiques- il est d’abord essentiel de modifier la fabrique des politiques publiques. Vision de long terme, interaction entre le social et l’environnemental, coordination des échelles – locale, nationale, européenne-, enjeux de complexité et dialogue entre acteurs, doivent être pris en compte.
Au sein de ce processus de transformation, les apports de la recherche seront déterminants. Celle-ci n’a pas vocation à être une expertise clé en main, ni à déterminer les modalités opérationnelles d’une décision, ni à se substituer aux débats démocratiques.
Mais les savoirs scientifiques sont centraux pour définir les hypothèses de transformation d’un modèle économique et social incompatible avec les limites planétaires, améliorer les politiques d’adaptation, anticiper, évaluer et ajuster les mesures de politique publique indispensables.
Ils sont aussi clé pour déterminer l’ampleur des dommages causés par le modèle actuel et permettre aux citoyens de mesurer l’ampleur des transformations que nous devons porter collectivement et de leur donner sens (santé, respect des générations futures).
Les exemples ne manquent pas de cette utilité : des études sur les néonicotinoïdes, aux enseignements des sciences citoyennes en matière de biodiversité, en passant par les analyses menées par l’association Acclima Terra en Nouvelle- Aquitaine sur les stratégies d’adaptation ou l’utilisation de la recherche appliquée dans les parcs naturels régionaux.
Pour jouer ce rôle, le monde de la recherche a besoin de se transformer profondément : moyens humains et financiers à la hauteur des défis, réorganisation du système pour redonner du temps aux chercheurs et leur permettre de sortir de leur laboratoire, encouragement à l’interdisciplinarité. En matière d’écologie, les savoirs scientifiques sont produits à la croisée des disciplines, des sciences de la nature comme des sciences humaines et sociales.
Pour que ces savoirs alimentent les débats publics, les chercheurs doivent être en mesure d’accorder plus de temps à la mise en relation de leurs savoirs avec les savoirs techniques, vernaculaires, aux activités de recherche participative. Bien que des initiatives, souvent portées par les collectivités territoriales, d’association entre chercheurs et société civile et/ou décideurs publics émergent, elles demeurent trop peu nombreuses.
Cette évolution est également conditionnée par une transformation structurelle des qualités requises des décideurs. L’attention à la diversité des savoirs, leurs mises en relation, et à la complexité, l’ouverture aux expérimentations, la valorisation des qualités de créativité et de curiosité, la réaffirmation d’obligations éthiques par rapport à certains intérêts économiques, sont autant de préalables à un dialogue fécond.
Ce dialogue nécessite également des modalités d’organisation à la mesure des enjeux, à distance suffisante des institutions, sans pourtant se réduire à des postures de principe. Il doit être opérationnel et comporter des garanties d’indépendance fortes.
Dans cette perspective le groupe de travail porte trois propositions :
Créé par une loi du 8 juillet 1983, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a pour mission d’informer le Parlement des conséquences des choix scientifiques et technologiques dans le but d’éclairer ses décisions.
En 40 ans, cet organe parlementaire au confluent de la science et de la politique, composé de 18 députés et 18 sénateurs, a adopté plus de 240 rapports, organisé une centaine d’auditions publiques et diffusé plusieurs dizaines de notes scientifiques sur une très grande variété de sujets.
Les 5 et 6 juillet 2023, afin de marquer ses 40 ans, l’Office organise plusieurs manifestations à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Introduction
I. Des institutions fragiles qui peinent à donner aux connaissances scientifiques leur juste place
II. La recherche et ses acteurs encore à distance des sphères de la décision
III. Améliorer l’interaction entre les sciences et les politiques publiques pour une meilleure prise en compte de l’impératif écologique
IV. Des propositions.
Cette Note est actuellement ouverte à la co-construction citoyenne. Ceci signifie que chacun(e) peut contribuer à son amélioration en faisant des commentaires et surtout en proposant des amendements précis, soit ci-dessous ou par email à l’adresse contact@lafabriqueecologique.fr. À l’issue de cette période collaborative, le groupe de travail qui a rédigé le document initial se réunira une dernière fois pour retenir les amendements jugés pertinents. Leurs auteurs seront dans ce cas sollicités pour que leur nom figure, s’ils le souhaitent, dans la fiche de présentation de la note en tant que contributeur. La version définitive sera ensuite publiée.
Membres du groupe de travail
Grands témoins