Notre avenir est intimement lié à celui de la nature et du monde vivant. Notre sécurité alimentaire, sanitaire, économique et sociale dépend de la santé des sols, de l’eau, de l’air, de la biodiversité et de la qualité de l’environnement dans lesquels nous vivons. Pourtant, nous connaissons aujourd’hui une sixième extinction d’espèces à un rythme jamais constaté depuis la disparition des dinosaures ! L’enjeu est bien là : la préservation d’écosystèmes en bon état en France est primordiale mais elle est insuffisante à elle seule, tant nos écosystèmes sont souvent déjà dégradés ou détruits. Il est donc urgent de protéger mais aussi de réparer la nature ! Qu’est-ce que la restauration de la nature ? Définition, enjeux et solutions, un dossier France Nature Environnement pour porter la voix de la nature dans le débat public

Plus de 81 % des habitats naturels de l’UE sont dans en mauvais état (IPBES). Ainsi 95% des Français.es estiment qu’il faut se mobiliser pour protéger et restaurer la biodiversité (sondage 2024, OFB).
L’Union européenne s’est emparé du sujet en adoptant en 2024 la législation la plus ambitieuse pour la biodiversité depuis 30 ans : le Règlement européen pour la restauration de la nature. La France doit désormais appliquer ce règlement pour restaurer l’intégrité de notre patrimoine naturel.
Mais qu’est-ce que la restauration de la nature ? Pourquoi devons-nous restaurer les écosystèmes ? Qui peut agir, et comment ? Ce dossier vous explique tout ce qu’il faut savoir sur cet enjeu majeur pour notre quotidien et pour notre avenir.

Face à l’effondrement de la biodiversité, il est temps de réparer les dégâts !
L’année dernière, les eurodéputé·es ont voté le texte le plus ambitieux pour la biodiversité depuis 30 ans : le Règlement européen sur la restauration de la nature. Il est maintenant l’heure de le faire appliquer en France et de restaurer le vivant dans nos territoires.

Le ministère de la Transition écologique propose aux Français.es de donner leur avis sur la restauration de la nature, dans le cadre de la concertation préalable au Plan National de Restauration de la Nature, organisée du 23 mai au 23 août 2025.
En savoir plus : Restaurer la nature en France : portons la voix de la nature dans le débat public
Qu’est-ce que la restauration de la nature ?
La définition de la restauration de la nature
La restauration de la nature ou restauration écologique est un processus volontaire qui vise le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit
SER Standard, Gann et al., 2019

Concrètement, des mesures de restauration de la nature peuvent être prises au niveau national, comme l’interdiction d’épandre des pesticides dans les sites Natura 2000 ou les lieux de captage de notre eau potable par exemple. Elles peuvent être également prises à l’échelle d’un site local :
- l’enlèvement de barrages qui fracturent une rivière et empêchent les migrations de poissons
- la plantation de haies pour créer des refuges de biodiversité et permettre la pollinisation des cultures
- la création de petites zones humides qui filtrent l’eau
- etc.
Avis du CESE
Restauration de la nature : face à l’urgence, donnons l’envie d’agir
La restauration de la nature vise à placer un écosystème dégradé ou détruit dans une dynamique de rétablissement vers un état de référence, c’est à dire une version non dégradée de l’écosystème qui tient compte des conditions environnementales actuelles ou à venir (voir la définition de la SER).
Ainsi, l’objectif n’est pas de revenir à un état originel ou historique, et encore moins à une nature « vierge », d’autant que certains milieux naturels sont dépendants du maintien de pratiques notamment agricoles (cf. 2 sites Natura 2000 dans l’Essonne). Comme l’explique le CESE dans son avis sur la restauration de la nature, l’objectif est le même que le traitement médical d’une fracture de la jambe : il s’agit de retrouver un état de référence (la capacité à s’appuyer sur la jambe et à marcher), et non un état originel (une jambe n’ayant pas subi la fracture).

Les différents types de restauration
Selon la nature et l’état des écosystèmes, les actions de restauration à engager vont demander une intervention humaine plus ou moins importante :
- La restauration passive, sans intervention humaine autre que celle visant à réduire ou supprimer les mécanismes à l’origine de la dégradation de l’écosystème, est à prioriser partout où cela est possible et nécessaire.
- La restauration active (assistée ou reconstructive) peut être nécessaire pour certains écosystèmes fortement dégradés.
Restaurer la nature repose sur un large éventail d’actions possibles, allant de ne rien faire pour laisser la nature se refaire une santé toute seule à des travaux lourds et longs nécessitant beaucoup d’expertise, de matériel et de main d’œuvre.

Pourquoi faut-il restaurer la nature ?
Notre quotidien et notre avenir dépendent de la biodiversité
Restaurer la nature répond d’abord à un impératif écologique : préserver l’intégrité du vivant. C’est également un levier clé pour rétablir les services écosystémiques essentiels à notre quotidien et notre avenir.
En restaurant les réseaux écologiques, revitalisant les sols, laissant vieillir nos forêts, redonnant vie aux mers et océans et rétablissant les connectivités des cours d’eau, la restauration de la nature crée les conditions nécessaires à la résilience des espèces et des sociétés humaines.
Ainsi, restaurer la nature ne veut pas dire exclure les humains mais garantir notre sécurité alimentaire, sanitaire, économique et sociale :
- les agriculteurs et agricultrices bénéficient d’une meilleure qualité des sols, d’une régulation des apports en eau et de la pollinisation des cultures
- les citoyen·nes d’une meilleure protection contre les inondations, d’une eau potable, d’un air respirable et de villes plus fraîches
- les pêcheurs et pêcheuses du rétablissement des stocks de poissons
- le secteur forestier de forêts plus résistantes et résilientes

Les Français·es l’ont bien compris, 86% estiment que leur avenir et leur quotidien dépendent de l’état de la biodiversité et 95% qu’il faut se mobiliser pour protéger et restaurer la biodiversité.
Restaurer la nature c’est nécessaire pour la sécurité alimentaire
La nature est essentielle à la production alimentaire !
- Près de 5 milliards d’euros de la production agricole annuelle de l’UE peuvent être directement attribués aux insectes pollinisateurs
- 75 % des espèces cultivées dépendent partiellement ou totalement des pollinisateurs c’est 1/3 du volume de la production agricole

Résumé de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2025
Lutter contre la forte inflation des prix des produits alimentaires pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition
Par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
Restaurer la nature c’est nécessaire pour la sécurité économique
- Plus de 50 % du PIB mondial repose sur la nature (Banque Mondiale 2022)
- En France, 80 % des emplois dépendent de la biodiversité dont 10 % directement
- 1 euro investi dans la restauration = 8 euros de gains, liés aux avantages d’un écosystème sain selon l’analyse d’impact de la Commission européenne
- En période d’instabilité des relations internationales, renforcer notre résilience écologique et alimentaire est une priorité stratégique pour notre souveraineté : des écosystèmes en bon état limitent notre dépendance à des intrants importés, protègent nos ressources naturelles et assurent notre autonomie à long terme
Restaurer la nature c’est nécessaire pour la sécurité sanitaire
On ne peut pas séparer la nature d’un côté et l’humain de l’autre côté, c’est un monde imbriqué : la santé des écosystèmes et des espèces conditionne notre santé (concept d’Une Seule Santé). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré qu’en Europe les facteurs environnementaux qui pourraient être évités ou supprimés provoquent 1,4 million de décès par an, soit au moins 15% des décès.
- Zoonoses : une biodiversité riche et fonctionnelle agit comme une barrière contre les zoonoses (comme la Covid-19), elle limite la transmission des agents pathogènes en régulant les réservoirs et vecteurs de maladies
- Risques et pollutions : Atténuation des impacts du changement climatique des risques naturels d’inondations, de sécheresses, de vagues de chaleur, d’incendie etc.
- Les zones humides stockent jusqu’à 50 fois plus d’eau qu’un sol sec, limitent les crues en aval, filtrent les polluants, favorisent la biodiversité et stabilisent le climat. Ainsi, 65 % des études comparatives considèrent que les solutions fondées sur la nature sont plus efficaces que des solutions techniques (construction de digues, …)
- Des forêts plus riches et résilientes résistent mieux aux sécheresses, maladies et incendies, ce qui sécurise la production de bois à long terme contrairement aux monocultures qui sont très vulnérables (cf. incendie des pins maritimes dans les landes en 2022)
- Pharmacopée : 70% des médicaments et anti cancéreux proviennent directement des réservoirs de biodiversité

La biodiversité décline à un rythme sans précédent
Depuis 200 ans, les extinctions d’espèces sont 10 à 1000 fois plus rapides que le rythme naturel et + de 81 % des habitats naturels de l’UE sont dans en mauvais état selon l’IPBES, un panel rassemble plus de 1 400 scientifiques du monde entier.
En France, 20 % seulement des habitats d’intérêt communautaire, habitats considérés par l’Union européenne comme étant d’importance pour la conservation de la biodiversité (Annexe 1 de la directive Habitat), sont dans un état favorable sur la période 2013-2018. De plus, 17 % des espèces de faune et de flore sont aujourd’hui menacées ou éteintes en France avec 44 % des oiseaux des milieux agricoles disparus en 34 ans.

Les activités humaines à l’origine de cet effondrement
Il est aujourd’hui largement démontré et admis que l’effondrement accéléré de la biodiversité a pour moteur les pressions directes et indirectes qu’exerce l’être humain. En fragilisant les structures du vivant, les sociétés humaines appauvrissent les territoires qui perdent leurs aménités, leur résilience et qui n’ont pas le temps de s’adapter.
Ces pressions anthropiques sont de différentes natures, la principale étant, pour les milieux terrestres et aquatiques, la destruction et la fragmentation des milieux. Les principales activités humaines à l’origine de ces changements dans l’Union Européenne sont, dans l’ordre :
- L’agriculture intensive : C’est la principale cause d’érosion de la biodiversité dans l’Union européenne. Depuis les années 50, une agriculture plus intensive et spécialisée a progressivement contribué à l’appauvrissement continu de la biodiversité. Dans l’Union européenne, 61% des sols sont en mauvais état principalement en raison de pratiques intensives, telles que le labour profond et l’utilisation excessive de pesticides.
- La modification des régimes hydrologiques : Elle est due en particulier au drainage agricole et aux centrales hydroélectriques.
- L’urbanisation : Depuis 1981, on urbanise presque 4 fois plus vite que la croissance de la population. La France est au-dessus de la moyenne européenne en matière d’artificialisation issue de l’urbanisation.
- Les pollutions : Elles sont également un moteur puissant de la perte de biodiversité : il s’agit des pesticides, microplastiques, PFAS, particules fines et autres rejets et émissions (sonores, lumineuses, thermiques, radioactives, etc.) dans notre environnement.
La surexploitation des ressources, le changement climatique et les espèces exotiques envahissantes représentent les autres principales pressions.
Les mécanismes en mer sont de nature similaire avec principalement l’aménagement du littoral qui touche les habitats côtiers, l’exploitation excessive de certaines ressources (poissons, granulats marins, maerls, etc.) et les pollutions diverses en provenance généralement de la terre.

Comment restaurer la nature en France ?
Le cadre légal de l’Union européenne
En 2023, l’Union européenne s’est doté du texte le plus ambitieux pour la biodiversité depuis 30 ans : le Règlement sur la restauration de la nature. Juridiquement contraignant pour les États membres de l’Union Européenne, il exige la mise en place de mesures de restauration sur au moins 20% des terres et des mers de l’UE d’ici 2030 et sur 100% des surfaces dégradées d’ici 2050. Cet objectif général est décliné par type d’écosystème (marins, forestiers, agricoles, urbains, etc.).
Les États membres doivent élaborer des plans nationaux de restauration de la nature (PNRN), qui préciseront notamment les zones ciblées, les mesures mises en œuvre et les financements dédiés à partir de 2030. C’est une opportunité historique. Mais encore faut-il que la France prenne ses responsabilités.
La nécessité d’une cohérence de l’action publique
Pour protéger les citoyen·nes des impacts de l’effondrement de la biodiversité sur notre quotidien et notre avenir, et pour que les efforts de restauration ne soient pas vains, il est urgent que l’État français donne un cap cohérent en :
- assurant la compatibilité des politiques publiques
- garantissant l’efficacité, l’efficience et la pérennité des actions
10 préconisations pour bâtir un Plan National de
Restauration la Nature (PNRN) à la hauteur des enjeux
France Nature Environnement a émis des recommandations pour élaborer un Plan National de Restauration effectif, efficace et embarquant la population.
Les associations locales : actrices incontournables de la restauration de la nature
Les associations de protection de la nature agissent sur le terrain, sensibilisent le public et interpellent les décideurs.
Comment restaurer la nature près de chez moi ?
Rejoindre une association de protection de la nature près de chez soi et s’engager dans des chantiers participatifs de restauration, des programmes de signalement participatif comme Sentinelles de la Nature ou l’Opération Hérisson, ou encore des activités de sensibilisation.
Aménager son jardin ou son balcon en refuge pour la biodiversité : jardiner au naturel, créer une mare dans son jardin, créer une oasis biodiversité, planter des essences locales mellifères pour contribuer à la sauvegarde des pollinisateurs sauvages, planter des haies ou encore installer des nichoirs ou hôtels à insectes.