Sur la base de l’analyse de la future Politique Agricole Commune (PAC) qui s’appliquera sur la période 2023-2027, plus de 300 experts de 23 pays membres de l’Union européenne ont analysé les impacts de la future PAC sur la protection et la restauration de la biodiversité. Alors que l’Union européenne affiche des objectifs climatiques et environnementaux ambitieux au titre du Pacte Vert, les scientifiques pointent la modestie des effets positifs sur la biodiversité de la future PAC telle qu’elle se dessine et font des propositions concrètes pour corriger cette faiblesse, notamment au titre des mesures du nouvel instrument environnemental de l’éco-régime.
Les chercheurs soulignent l’importance de protéger les éléments naturels du paysage et les prairies gérées de manière extensive, de mettre en œuvre les mesures de protection à l’échelle des territoires, et de conditionner les paiements aux résultats environnementaux obtenus. Ils insistent également sur la double nécessité d’améliorer les procédures de suivi des impacts et de permettre un meilleur engagement des agriculteurs. Une synthèse de ce travail, auquel INRAE a contribué, est publié le 30 juin dans Conservation Letters.visuel_0.jpg?h=48dd7b3d&itok=rAE_g2rz
Depuis sa création en 1962, la PAC gère les relations entre le secteur agricole et la société européenne. Les objectifs de cette politique qui a longtemps été limitée aux seules dimensions économiques se sont progressivement enrichis d’objectifs climatiques, environnementaux et sociaux. A ce jour, les mesures proposées au titre de la lutte contre le changement climatique, la protection des ressources naturelles et la préservation de la biodiversité n’ont eu que trop peu d’effets positifs. Elles n’ont pas, en particulier, permis de stopper les pertes de biodiversité dans les milieux agricoles. Les scientifiques soulignent le risque élevé que la future PAC, qui entrera en vigueur pour cinq ans à compter du 1er janvier 2023, ne permette pas d’inverser cette trajectoire négative.
Corriger le tir exige des mesures plus ambitieuses de protection et de restauration de la biodiversité dans les milieux agricoles. Les propositions formulées à cette fin par les scientifiques ciblent les éléments fixes des paysages (haies, talus, bosquets, bois, zones humides, etc.) et les surfaces semi-naturelles (qui incluent notamment les prairies gérées de manière extensive), la diversité aux échelles de la parcelle, de l’exploitation agricole et des territoires, et la connectivité d’habitats de qualité pour la faune et la flore. Les pratiques et systèmes favorisant ces cibles doivent être encouragés par des aides directes qui seront d’autant plus élevées que les services environnementaux seront importants (dans le cadre d’une obligation de résultats). Leur mise en œuvre exige également une planification spatiale coordonnée qui doit dépasser le seul stade de l’exploitation agricole, la fixation de cibles quantitatives et un renforcement des dispositifs permettant de suivre les progrès (via notamment la fixation d’indicateurs pertinents qui requièrent d’améliorer le système d’information en place dans chaque état membre). Les scientifiques notent enfin que le nouvel instrument environnemental de l’éco-régime est une opportunité pour mettre en œuvre les mesures qu’ils proposent, et soulignent la nécessité de mieux articuler les trois instruments environnementaux de la future PAC (en plus de l’éco-régime, la conditionnalité et les mesures agri-environnementales et climatiques).
Toutes ces mesures doivent être mises en œuvre de façon coordonnée et transparente en incluant l’ensemble des acteurs et en premier lieu les agriculteurs. Au-delà de la PAC, elles exigent un investissement fort des Etats membres pour assurer le suivi et le contrôle et, le cas échéant, le développement d’institutions là où celles-ci sont défaillantes.
Il y a urgence à réduire l’empreinte écologique des agricultures européennes et plus généralement des systèmes alimentaires européens, comme y invite le Pacte Vert et dans ce cadre plus particulièrement la stratégie de la ferme à la fourchette et la stratégie européenne pour la biodiversité en 2030. Hervé Guyomard, directeur de recherche en économie à INRAE et co-auteur de l’article, note ainsi que « le statuquo climatique et environnemental n’est plus une option. Le problème doit être traité à la hauteur de l’enjeu, y compris en tenant compte des conséquences productives et économiques d’une ambition écologique renforcée, conséquences qui requièrent des mesures permettant aux agriculteurs de s’adapter et de s’engager. Des solutions existent pour gérer au mieux les trade-offs entre les différentes dimensions de la durabilité. Si on n’est pas prêt à payer ce prix aujourd’hui, le prix à payer demain et après-demain sera bien plus considérable, avec un climat plus dégradé et une absence totale de services assurés par la biodiversité. »
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