Alors qu’un « Panel des sages » présidé par le français Camdessus vient de rendre son analyse sur les prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) hors de l’Union européenne, les Amis de la Terre et la coalition Counter Balance[[La coalition Counter Balance : Réformer la BEI rassemble les ONG : CEE Bankwatch Network (Europe centrale et orientale), les Amis de la Terre (France), urgewald and WEED (Allemagne), Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (Italie), BothEnds (Pays-Bas), Bretton Woods Project (Grande-Bretagne).]] publient aujourd’hui leur contre évaluation indépendante : “Dans l’intérêt des multinationales plus que du développement : pourquoi l’action de la BEI hors de l’UE est un échec »[[Alex Wilks pour Counter Balance : “Corporate welfare and development deceptions: Why the European Investment Bank is failing to deliver outside the EU”, Février 2010]]. Ce rapport, résultat de plusieurs années de travail des ONG auprès de la BEI et sur le terrain, démontre que les populations des pays en développement ne bénéficient pas des milliards d’euros prêtés chaque année par la Banque publique de l’Union européenne. Les Amis de la Terre et Counter Balance demandent que l’argent européen pour le développement ne passe plus par la BEI et s’opposent à la création d’une nouvelle Banque européenne pour le développement issue de la BEI.
Se basant sur de nombreux projets désastreux financés par la BEI dans les pays en développement, le rapport de Counter Balance démontre l’échec de l’activité de la BEI hors de l’UE, lié notamment à l’incompatibilité entre différents mandats de la Banque qui rend sa mission pratiquement impossible. L’échec est dû également au manque de compétences de l’institution, qui n’a ni le personnel, ni la culture interne, ni les procédures pour mettre en œuvre un travail sérieux sur le développement.
Pour Alex Wilks, consultant et auteur du rapport, « Le Traité de Lisbonne[[Traité de Lisbonne, (Art.21(2)(d) à (g)), le mandat externe de la BEI, conformément à la politique de coopération de l‘UE, “devrait avoir comme objectif premier la réduction et à terme l’éradication de la pauvreté”]] et la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes de novembre 2008[[ – Voir : http://www.amisdelaterre.org/La-Cour-de-Justice-des-Communautes.html ]] établissent clairement que la BEI doit promouvoir le développement soutenable et la réduction de la pauvreté dans les pays du Sud. Mais aujourd’hui, ce n’est pas ce qu’elle fait. Elle se contente d’un modèle archaïque basé sur des prêts à de grosses multinationales, des soutiens aux industries extractives et aux énergies fossiles, ou des lignes de crédits totalement opaques à des intermédiaires financiers. Elle manque totalement d’expertise environnementale et sociale et n’est pas compétente pour intervenir dans les pays en développement. »
Desislava Stoyanova, coordinatrice de la coalition Counter Balance, poursuit : « La société civile travaille depuis près d’une décennie pour essayer d’améliorer le travail de la BEI, mais il faut constater aujourd’hui que la Banque n’est pas capable d’opérer des changements assez profonds pour devenir pertinente en matière de développement. Elle ne devrait plus être impliquée dans ce domaine. »
Le projet d’augmenter le volume de prêt de la BEI de 30% en 2010 aggraverait les problèmes liés aux activités de la BEI. Si le rapport officiel placé sous la présidence de M. Camdessus reconnaît une partie de ces problèmes, la conclusion des ONG est différente.
Anne-Sophie Simpere, des Amis de la Terre, explique : « Contrairement à ce que préconise le rapport de M. Camdessus, nous ne pensons pas que la création d’une nouvelle Banque européenne de développement soit la solution. Ajouter une autre institution aux banques et agences multilatérales existantes aggraverait la complexité et la confusion de l’architecture de l’aide au développement. L’argent européen doit être redirigé vers des institutions existantes autres que la BEI, notamment les institutions liées aux Nations Unies. »
– Rapport téléchargeable en anglais