“Le calendrier offre des rendez-vous qu’il faut
saisir. La rentrée scolaire avec son côté page
blanche en est un qui autorise les bonnes
résolutions et les vœux de succès. Quels enjeux
pour l’école face aux défis planétaires ?
Sur ses bancs, des futurs citoyens qui ne demandent
qu’à apprendre. Qu’attend-on d’eux ?
Quel futur voulons-nous pour eux ? L’école
soumise à toutes les critiques, inquiétudes et
attentes est en situation de s’interroger et
tenter de répondre à tout cela. Et continuer de
remplir ses missions, d’accueillir les élèves en
bravant la tempête. Car il est bien vrai que
l’impression est que les enseignants naviguent
par gros temps depuis plusieurs années.
A force de dire que l’école est malade, on
pourrait bien finir par la tuer. Comme elle ne
peut pas mourir que peut-il se passer ? On va
la disloquer ? La morceler ? L’amputer ? Renoncer
?
Chaque jour des enfants la rejoignent, bon gré
mal gré, mais ça barde assurément. On a brûlé
ou saccagé des écoles, molesté des enseignants.
C’est peu dire que de tels excès témoignent
d’une rancœur indicible pour s’exprimer
sous une forme aussi agressive qui fait pousser
de hauts cris légitimes et impuissants. La
faute à qui ? Le mistigri de la responsabilité
circule et chacun cherche à s’en débarrasser
bien sûr. Une interrogation collective s’impose
quand les symptômes atteignent une telle
gravité même s’ils sont exceptionnels. Le ressenti
est celui d’un profond malaise, d’un rendez-
vous manqué. Il est incompréhensible que
des enfants en veuillent tant à la société qu’ils
s’attaquent à un de ses symboles les plus
sacrés. Rien n’a retenu le bras des incendiaires
et des casseurs. Comment en sont-ils arrivés
à endosser ce rôle destructeur ? Peut-on
risquer l’hypothèse d’une relation en miroir qui
leur ferait infliger à l’institution chargée de les
former, de leur livrer les outils dont ils auront
besoin dans leur vie d’adultes le sort qu’ils ont
l’impression de subir eux-mêmes ? Veulent-ils
nous dire à leur manière agressive et déconstruite
qu’ils rendent coup pour coup, que c’est
eux qui se trouvent face à des incendiaires et
des casseurs ? A des coups symboliques ils
répondent par de vrais coups que rien ne
peut excuser mais qu’il nous faut parvenir à
décoder, expliquer pour y répondre de manière
adaptée.
L’adaptation, voilà un mot que l’on ne cesse
d’entendre à propos de l’école. De quelle
adaptation parle-t-on ? Beaucoup d’hypocrisie
dans les réponses. Il s’agirait pour certains
d’adapter l’enseignement aux réquisitions
de l’économie, former des
« employables » mot détestable et dangereux.
Pour d’autres il faudrait que l’école s’adapte
aux mutations de la société qui ne peut plus
se contenter de l’école des hussards de la
République, nostalgie empreinte d’amnésie
qui repeint le passé aux couleurs d’un monde
idyllique. Les enfants d’aujourd’hui, pas davantage
que ceux d’hier, n’ont choisi l’époque
et le monde dans lequel ils vivent et à la
construction duquel ils vont être amenés à
participer quand l’âge de le faire sera venu.
Sans renoncer à ses missions il est certain
que l’école doit tenir compte de l’époque.
Beaucoup d’enseignants le font, beaucoup,
beaucoup sinon tout aurait craqué depuis
longtemps. Ils vivent dans une tension incroyable,
soumis à la culture du résultat,
obligés de faire état de performances incertaines
mais auxquelles on fera semblant de
croire.
Tout ce que nous décrivons ici est en somme
la vulgate de ce qui circule sur l’école, sur la
manière dont elle est vécue. L’affolement est
perceptible. C’est collectivement que nous
parviendrons à reconstruire l’école. La réflexion
peut s’envisager sous l’angle du développement
durable dont une des pierres de
touche est la reconnaissance de la compétence
de chacun. Tout est possible pour peu
que l’on s’y mette ensemble. 4D[[4D a été créée en 1993, après le sommet de Rio, afin de constituer un réseau citoyen pour la promotion du développement durable et le suivi des engagements pris par la France,comme par les autres états membres de l’ONU.]] veut apporter
sa contribution à la réflexion collective et
aider à ce que l’école joue de nouveau dans
une paix retrouvée le rôle magnifique qui est
le sien.”
■ Geneviève Guicheney