La pollution urbaine reste une menace environnementale majeure pour la santé dans l’UE, alerte la Cour des comptes européenne dans son rapport. Les villes européennes sont trop bruyantes et l’air y est encore trop pollué, même si la situation s’améliore. Selon les auditeurs, cela est d’autant plus préoccupant que l’UE et ses États membres devront redoubler d’efforts dans les années à venir pour respecter les nouvelles normes, plus strictes.
- La qualité de l’air s’est améliorée dans les zones urbaines, mais il sera difficile de respecter les futures normes.
- L’objectif zéro pollution par le bruit que l’UE s’est fixé pour 2030 a peu de chance d’être atteint.
- Les villes européennes peinent à mettre en œuvre des contre-mesures efficaces.
Synthèse
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la pollution atmosphérique et la pollution sonore sont deux des plus grandes menaces environnementales qui pèsent sur la santé humaine. La pollution de l’air et le bruit ambiant ont tendance à être plus importants dans les zones urbaines, où vivent les trois quarts des citoyens de l’Union européenne.
L’UE a établi des règles régissant la qualité de l’air et les niveaux de bruit ambiant en vue de protéger ses citoyens. Le pacte vert pour l’Europe et le plan d’action «zéro pollution» ont confirmé la ligne d’action de l’UE en fixant des objectifs pour réduire davantage l’incidence de la pollution atmosphérique et du bruit excessif sur la santé humaine.
La Cour des Comptes Européenne a décidé de réaliser cet audit parce que la Commission est à mi-parcours de la période au terme de laquelle ses objectifs «zéro pollution» à l’horizon 2030 doivent être atteints. Le cadre juridique de l’UE relatif à la qualité de l’air est en cours de révision afin d’introduire des normes plus strictes d’ici à 2030; par contre, la directive sur le bruit dans l’environnement de 2002 n’a jamais été révisée. L’objectif du présent rapport d’audit est d’aider les décideurs politiques à prendre des mesures efficaces contre la pollution excessive.
Au cours de ces travaux, les auditeurs ont vérifié si le cadre juridique existant avait été correctement mis en œuvre et si les mesures prises avaient permis d’améliorer la qualité de l’air et de réduire les niveaux de bruit dans les pays (Grèce, Espagne et Pologne) et les villes (Athènes, Barcelone et Cracovie) sélectionnés. La Commission européenne estime à environ 46,4 milliards d’euros et 185,5 milliards d’euros l’aide allouée par l’Union à la réalisation des objectifs en matière de qualité de l’air pour, respectivement, les périodes de programmation 2014-2020 et 2021-2027.
Puis un examen des mesures visant à lutter contre les pollutions atmosphérique et sonore, dont certaines avaient bénéficié d’une aide financière de l’UE. L’audit a également porté sur les actions entreprises par la Commission pour faire respecter la législation européenne.
Les auditeurs ont constaté que malgré une amélioration de la qualité de l’air dans l’UE, en particulier dans les villes sélectionnées, les normes en la matière n’étaient pas toujours respectées ou ne l’étaient que depuis peu. La révision en cours des directives relatives à la qualité de l’air ambiant dans l’UE, qui visent à renforcer les normes existantes, obligera les villes sélectionnées à intensifier leurs efforts.
Les progrès accomplis en matière de réduction de la pollution sonore sont difficiles à évaluer. Cela s’explique principalement par des lacunes et des retards dans l’évaluation de l’ampleur de la pollution sonore par la plupart des États membres de l’UE. Il en va de même pour la communication d’informations dans ce domaine. Les lacunes dans la cartographie du bruit privent les autorités de données essentielles sur l’exposition des citoyens à des niveaux sonores nocifs.
Alors que l’UE dispose de règles en ce qui concerne la qualité de l’air, elle n’a fixé ni valeurs limites ni objectifs de réduction pour ce qui est du bruit. L’audit a constaté que les actions de lutte contre le bruit ne sont pas prioritaires dans les villes sélectionnées et ne sont, au mieux, que partiellement mises en œuvre. Les auditeurs estiment que l’absence d’objectifs de réduction du bruit au niveau européen n’incite pas les États membres à accorder la priorité aux actions visant à réduire efficacement la
pollution sonore. Les seuils de signalement d’une pollution sonore ne couvrent qu’une partie de la population de l’UE susceptible d’être exposée à des niveaux de bruit nocifs.
En cas de non-respect de la législation de l’UE applicable, comme par exemple un dépassement des valeurs limites de pollution de l’air ou l’absence d’outils stratégiques pour gérer le bruit, la Commission peut décider de prendre les dispositions nécessaires et, éventuellement, engager une procédure d’infraction à l’encontre de l’État membre concerné. Les procédures d’infraction de la Commission sont souvent assez longues et ne permettent pas toujours de résoudre les problèmes sous-jacents de non-conformité.
Afin de lutter efficacement contre les pollutions atmosphérique et sonore dans les zones urbaines, il conviendrait que les régions et les villes élaborent et mettent en œuvre des plans d’action. Dans certains cas, les plans d’action dans les villes sélectionnées sont retardés ou inexistants, rendant impossible une réaction rapide et efficace à cette pollution.
L’absence de planification et de coordination adéquates de la part des autorités nationales et régionales réduit souvent l’efficacité des mesures auditées prises pour lutter contre la pollution atmosphérique et sonore au niveau local. En conséquence, les solutions envisagées ont parfois été
revues à la baisse ou reportées.
Lors de l’analyse des projets sélectionnés, en partie financés par l’UE et susceptibles de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air et à la réduction de la pollution sonore, il est souvent impossible d’évaluer leur efficacité et, donc, celle du financement de l’UE correspondant. Cela s’explique par l’absence d’indicateurs spécifiques permettant d’apprécier les résultats d’un projet au regard de sa contribution à l’amélioration de la qualité de l’air et à la réduction des niveaux de
bruit.
Sur la base de ces constatations, la Cour des Comptes Européenne recommande à la Commission d’évaluer dans quelle mesure il serait possible :
- d’introduire des objectifs de réduction du bruit et de définir des niveaux sonores à ne pas dépasser dans la directive relative au bruit dans l’environnement;
- d’aligner le plus possible les seuils de signalement d’une exposition au bruit sur ceux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé
Rapport Spécial – Pollution urbaine dans l’UE
Trois quarts des citoyens européens vivent dans les zones urbaines et sont de ce fait particulièrement exposés aux pollutions atmosphérique et sonore.
Selon l’Agence européenne de l’environnement, la pollution de l’air tue au moins 250 000 personnes chaque année en Europe.
En outre, une exposition prolongée à des niveaux de bruit excessifs peut avoir des effets néfastes sur la santé, comme des troubles du sommeil, de l’anxiété, des troubles cognitifs ou encore des problèmes de santé mentale.
Résultat : 48 000 nouveaux cas de maladies cardiovasculaires et 12 000 décès prématurés tous les ans en Europe.
L’UE a établi des règles pour protéger ses 450 millions de citoyens contre les pollutions atmosphérique et sonore. La Commission européenne affirme avoir alloué une enveloppe de 46,4 milliards d’euros pour la période 2014‑2020 et une autre de 185,5 milliards d’euros pour 2021 à 2027 en vue d’atteindre les objectifs fixés en matière de qualité de l’air.
«Des progrès ont été réalisés en matière de lutte contre la pollution urbaine. Mais nous commettrions une grossière erreur si nous nous reposions sur nos lauriers», a déclaré Klaus-Heiner Lehne, le membre de la Cour responsable de l’audit. «L’UE et ses États membres doivent se rendre compte que les objectifs ambitieux qui ont été fixés ne pourront être atteints sans de gros efforts supplémentaires de leur part.»
Les auditeurs reconnaissent que la qualité de l’air s’est globalement améliorée dans l’UE. Ils font cependant remarquer que la pollution atmosphérique, notamment celle due aux émissions de dioxyde d’azote (NO2) générées par les voitures et les camions, demeure un problème majeur. En 2022, la concentration maximale autorisée de dioxyde d’azote dans l’air était encore dépassée dans 10 États membres.
Les normes européennes de qualité de l’air seront bientôt plus strictes. Les villes de l’UE devront intensifier leurs efforts si elles veulent les respecter et se rapprocher des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Souvent négligé, le bruit constitue l’autre face de la pollution urbaine. Les auditeurs concluent qu’il est pratiquement impossible d’évaluer les progrès réalisés en matière de réduction de ce type de pollution dans l’UE. Dans la plupart des États membres, le contrôle des nuisances sonores présente des lacunes et des retards qui empêchent de discerner une quelconque tendance dans ce domaine.
Les données disponibles semblent indiquer que l’objectif «zéro pollution sonore» consistant à réduire de 30 % le nombre de personnes lésées par le bruit des transports d’ici à 2030 ne sera probablement pas atteint. Dans le meilleur des cas, il baisserait de 19 % et, dans le pire, il augmenterait de 3 % d’ici à 2030.
Le fait est que les villes peinent à lutter efficacement contre les pollutions atmosphérique et sonore. Cela s’explique par la mauvaise coordination des actions entre les différentes autorités ou encore l’efficacité douteuse des mesures, sans parler d’une certaine résistance à l’encontre de celles-ci au niveau local.
Prenons l’exemple des zones vertes (ou axes verts), où les piétons et les cyclistes ont la priorité sur les voitures. Les auditeurs ont constaté qu’elles apportaient des avantages aux riverains, mais qu’en contrepartie, la qualité de l’air et les niveaux sonores se détérioraient dans les rues avoisinantes. De même, les zones à faibles émissions (ZFE) – qui contribuent à réduire les pollutions atmosphérique et sonore – sont devenues un sujet extrêmement sensible. Par exemple, leur introduction à Barcelone et à Cracovie s’est heurtée à des obstacles juridiques au motif qu’elles sont discriminantes et entravent la liberté de mouvement, ce qui a conduit à réduire ou à reporter ces mesures.
La procédure d’infraction, que la Commission européenne est habilitée à engager, est un processus long et pas toujours efficace pour faire respecter les règles de l’UE en matière de pollution atmosphérique et sonore dans les villes auditées.
L’UE est habilitée1 à agir pour préserver, protéger et améliorer la qualité de l’environnement ainsi que pour protéger la santé humaine.
En 2021, dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, des objectifs spécifiques ont été fixés pour réduire la pollution atmosphérique et les nuisances sonores d’ici à 2030.
Il s’agit non seulement de réduire de plus de 55 % l’incidence de la pollution atmosphérique sur la santé (décès prématurés) et de 25 % le nombre d’écosystèmes menacés par la pollution atmosphérique au sein de l’UE, mais également de 30 % le nombre de personnes souffrant de troubles chroniques dus au bruit des transports. Ces objectifs ne sont toutefois pas contraignants pour les États membres.
- En vertu des articles 191 et 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ↩︎