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La transition indispensable pour répondre à l’enjeu climatique est un processus long, jalonné d’étapes de natures différentes et de défis nouveaux. Chacune de ces étapes requiert des outils spécifiques et adaptés pour comprendre et prévenir les difficultés économiques, sociales ou industrielles inhérentes à chaque phase de la transformation engagée (exploration des options, amorçage des solutions, balisage réglementaire, déploiement de masse). La gouvernance de cette transition doit pouvoir s’appuyer sur des outils de dialogue et de concertation renouvelés au fur et à mesure que les défis nouveaux apparaissent. À travers la Plateforme « Mobilité en transition », l’Iddri et la Fondation européenne pour le climat proposent d’expérimenter à la fois un processus multi-parties prenantes d’approfondissement des enjeux, de caractérisation des risques ou opportunités et un outil unique de dialogue protégé, dans l’objectif d’alimenter le débat public et la compréhension des décideurs politiques. Ce billet de blog revient sur cette démarche innovante, qui a vocation à être étendue à d’autres secteurs de la transition pour en faciliter la mise en œuvre.
Par Jean-Philippe Hermine, Expert Mobilité Senior, et Marjorie Mascaro, Chargée de communication, animation et digital, Plateforme « Agora Mobilité en Transition »
Les principales étapes du processus de transition
Même s’il existe des différences significatives en fonction des secteurs d’activités ou de consommation, il est possible de retenir schématiquement 5 grandes phases pour décrire le processus de transition vers un monde décarboné (en considérant ici la perspective et les domaines de responsabilité des décideurs publics) :- (1) Comprendre et caractériser les enjeux propres à un secteur d’activité ou de consommation.
- (2) Valider les solutions, que ce soit du point de vue de leur faisabilité technique, leur viabilité économique ou leur efficience environnementale ; les choix possibles de trajectoires, d’objectifs ou de technologies sont posés à l’issue de cette phase.
- (3) Amorcer la transformation en s’appuyant sur les acteurs les plus agiles, les plus solvables ou les plus motivés, par une promesse de valorisation de leurs initiatives pionnières ; cette étape permet de profiter d’un retour d’expérience pour identifier les chemins qui fonctionnent et les obstacles à lever. Ces points de blocage devront être levés avant la phase du déploiement massif, qui se traduit par un renforcement des contraintes règlementaires.
- (4) Négocier et fixer une trajectoire, avec des objectifs, et en définir le cadre réglementaire associé ; cette étape consiste également à répartir les responsabilités, en tenant compte des besoins systémiques et en impliquant autant que possible l’ensemble des parties prenantes (pour le cas du secteur des transports : faire émerger une offre auprès du monde industriel, engager les territoires et les acteurs de l’énergie dans la mise en place des infrastructures nécessaires.).
- (5) Mise en œuvre d’une transformation massive des comportements ou des solutions technologiques impliquant l’ensemble des composantes de la société ; probablement l’étape la plus ardue, celle qui porte le plus de risques politiques et industriels.
Le cas du secteur de la mobilité et des transports
En Europe et en particulier en France, le secteur de la mobilité et des transports se situe au passage charnière de la quatrième à la cinquième phase décrites ci-dessus. Dans le cadre de boucles d’itération entre étapes visant à affiner les trajectoires, les discussions encore en cours portent principalement sur des questions de calendrier qui, même si elles restent importantes, sont relativement marginales s’agissant de décrire les contraintes ou les conséquences du déploiement de masse à mettre en œuvre, ceci dans des échéances qui resteront très contraintes pour cette industrie à forte inertie (fin des véhicules thermiques autour de 2035 et mise en place de zones à faibles émissions avec restriction de trafic dans les agglomérations grandes et moyennes d’ici 2025 pour les véhicules particuliers et utilitaires). Le secteur de la mobilité peut en effet être considéré comme relativement en avance de phase par rapport aux autres secteurs qui en sont, pour certains, encore à hésiter entre les solutions technologiques alternatives, sur l’acceptabilité des ruptures ou sur la part des évolutions comportementales possibles et souhaitables. Cette maturité avancée sur le chemin de la transition est justifiée par deux éléments :- d’une part, le poids important que représente le transport pour le défi de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des émissions polluantes en milieu urbain nuisibles à la santé ;
- d’autre part, le fait que ce secteur bénéficie de solutions technologiques, de services ou de reports modaux déjà disponibles, aux performances confirmées et présentant la perspective de devenir compétitifs par rapport aux solutions traditionnelles dans un avenir proche.
- Une approche collaborative indépendante – Les membres invités à rejoindre la plateforme sont représentatifs de l’ensemble des parties prenantes impliquées dans la transformation du secteur des transports et de la mobilité. Ils sont issus du monde économique (constructeurs, gestionnaires de flottes, représentants de consommateurs ou usagers, énergéticiens, etc.), de la société civile (ONG, think tanks), du monde académique ou des territoires. L’indépendance de la structure est assurée par un financement ne reposant pas sur les membres.
- Une démarche volontariste et réaliste – Volontariste sur la réussite de la transition et ses effets environnementaux, réaliste sur les enjeux économiques, sociaux et politiques : l’ambition d’une transition juste, acceptable socialement et vecteur d’opportunités pour l’industrie ou en matière d’innovation. L’acceptation sociale de la transformation en cours et l’adhésion du plus grand nombre seront des marqueurs des travaux.
- Un débat protégé – Les échanges entre les différentes parties prenantes ne sont pas rendus publics ou anonymisés. Le débat est fluidifié, sans l’exigence de consensus et sans être tributaire des positions officielles d’organisations sectorielles ou de défense d’intérêts. Les membres y trouveront notamment la possibilité de confronter leurs hypothèses et analyses ou de tester leurs propositions avant de les rendre publiques.
- Le choix d’objectiver le débat public par la confrontation et la production de données et analyses – Une production collective de données, visant à caractériser les enjeux ou les difficultés que l’on peut anticiper dans la mise en œuvre des trajectoires programmées, et les solutions à mettre en œuvre dans le cadre d’un redéploiement des politiques publiques. Ces analyses approfondies pourront servir de référence dans le débat public.
- Une approche systémique – Identification des multiples défis connexes associés à la transition dans la mobilité (utilisation des ressources naturelles, protection de la biodiversité, transition agricole, santé, aménagement du territoire, etc.), afin notamment d’exploiter les synergies d’une approche trans-sectorielle cohérente ou d’éclairer les angles morts.
Hydrogène pour la neutralité climat : conditions de déploiement en France et en Europe
En parallèle des plans de relance de 2020, la Commission européenne, la France, l’Allemagne et d’autres États membres de l’Union européenne ont simultanément annoncé des stratégies ambitieuses de développement de l’hydrogène, représentant plus de 50 milliards d’euros d’investissements à l’horizon 2030. L’objectif étant, in fine, de contribuer à l’atteinte de la neutralité climat. Cette Étude vise à identifier les principaux enjeux du développement des technologies de l’hydrogène, pour que celui-ci contribue effectivement à atteindre un système neutre en émissions de façon durable. Messages clés- La relative faible efficacité énergétique de l’hydrogène par rapport à d’autres vecteurs énergétiques indique qu’il n’a pas vocation à se substituer au méthane fossile (gaz naturel) dans le système énergétique. Néanmoins, il est utile pour la décarbonation de certains usages, en priorité dans l’industrie et le transport, et pourra jouer un rôle essentiel dans l’équilibrage et la sécurité du système électrique. Le développement rapide de ces nouveaux marchés suppose la diffusion de technologies, d’équipements et de systèmes d’approvisionnement radicalement nouveaux, dont le succès repose sur la mise en oeuvre de politiques de soutien à la fois côté offre et demande.
- Les besoins en infrastructures d’hydrogène à long terme dépendent de choix stratégiques en termes d’offre et de demande, notamment du rôle de l’hydrogène à base de méthane fossile et CCS, de l’utilisation de l’hydrogène pour la production d’électricité et le transport de poids lourds et des choix d’approvisionnement transfrontaliers en hydrogène et carburants dérivés.
- Dans un système neutre en émissions, l’hydrogène doit être produit à partir d’électrolyse renouvelable ou nucléaire, tandis que l’hydrogène à base de méthane fossile et de capture et stockage de carbone (CCS) ne pourrait jouer un rôle dans une période de transition que s’il remplit des conditions climatiques et de viabilité économique non atteintes aujourd’hui. Le coût de l’hydrogène par électrolyse varie selon les gisements d’électricité qu’il mobilise. Même compte tenu des progrès technologiques attendus, il restera supérieur à long terme aux alternatives fossiles que l’hydrogène doit remplacer, mais offrira une solution économiquement viable dans les secteurs pour lesquels il n’existe pas ou peu d’alternative.
- Les échanges transfrontaliers d’hydrogène peuvent être intéressants sur le plan économique, mais posent des enjeux de géopolitique d’approvisionnement énergétique, de spécialisation industrielle et de mise en place de normes de durabilité.