Des enfants plus concentrés à l’école, des malades qui récupèrent plus vite, des employés plus motivés. Selon des études menées par les chercheurs, il suffit de voir, sentir ou toucher une plante pour rendre la vie plus douce. Depuis plus de 20 ans, les scientifiques s’intéressent aux effets bénéfiques des plantes sur la santé humaine. La scientifique britannique Kathy Willis détaille les principales conclusions de ces recherches dans un ouvrage remarquable, publié en France par Seuil. Elle y explique pourquoi nous devrions faire entrer la nature dans notre quotidien.
Kathy Willis, professeure à l’Université d’Oxford, a lu il y a une quinzaine d’années une étude qui a changé sa vision de notre rapport à la nature. Cette étude démontrait qu’à l’hôpital les patients qui venaient de subir une opération se remettaient trois fois plus rapidement quand les fenêtres de leur chambre donnaient sur des arbres et non des murs. Depuis, les recherches de Kathy Willis tendent à prouver ce lien entre notre fréquentation des espaces verts et la qualité de notre santé, notre humeur et notre longévité.
Du vert à l’horizon car c’est important, ce qu’on voit
Dans son ouvrage Naturel publié aux éditions Seuil, la chercheuse expose ces découvertes scientifiques. Elles démontrent toutes qu’en cas de stress, le simple fait de regarder un paysage de nature, même sur un ordinateur, nous nous calmons. L’auteure cite une étude menée par une équipe de scientifiques de l’Université de Chiba au Japon. Les chercheurs ont demandé à des étudiantes de regarder deux photos pendant quatre-vingt-dix secondes chacune, l’une de forêt et l’autre de tours de bureaux. « Les résultats ont été limpides » note Kathy Willis. « L’activité du cerveau a laissé apparaître un calme physiologique dans les réponses des étudiantes au questionnaire, qui, quand elles regardaient la photo de nature, signalaient des perceptions plus fortes de « confort », de « détente » et de « naturel ». » Il semblerait que regarder des photos de nature déclenche dans notre corps des réactions nous amenant à être plus plus calme et moins anxieux.
Kathy Willis cite aussi le travail des équipes de Roger Ulrich, éminent psychologue environnementaliste. Dans les années 1990, ils ont proposé une Théorie de Réduction du Stress, la SRT. Ils soutenaient que, confronté à la nature, nous avons deux réactions prédéterminées. Tout d’abord, comme nous préférons les images de nature, d’instinct nous leur prêtons plus d’attention. Ensuite, ce faisant, cela nous emmène vers un « état émotionnel plus positif ».
Ces deux facteurs liés entraînent dans notre corps le déclenchement automatique de réactions physiologiques qui nous amènent à récupérer plus vite du stress occasionné. A l’inverse, les chercheurs soutenaient qu’il ne se passe pas la même chose quand nous regardons un environnement urbain – cela peut au contraire entraver la récupération, en particulier après des événements stressants.
De nombreuses études ont depuis démontré son exactitude : quand nous regardons un environnement naturel, les indicateurs physiologiques de stress dans le corps montre un taux de récupération supérieur. Mais regarder des images de nature améliorent aussi nos capacités associées à certaines tâches – ce que l’on appelle les fonctions cognitives. Kathy Willis se réfère notamment à une étude menée en 2015 par une équipe de scientifiques dirigée par Payam Dadvand, un chercheur de l’Institut de santé mondiale de Barcelone.
Dadvand a voulu savoir s’il y avait une différence dans le développement cognitif d’enfants d’école primaire s’ils voyaient des scènes de nature. Il a mené une expérience pendant toute une année scolaire avec 2593 élèves de primaire venant de 36 établissements, avec un âge moyen de 8 ans. L’expérience a démontré que, indépendamment des facteurs socio-économiques ou du contexte familial, plus les enfants disposaient d’espaces verts dans leur vie quotidienne, plus ils progressaient, mois après mois, en matière de mémoire de travail et d’attention.
La sensibilité à la nature : Levier de transformation écologique et sociale
Un décryptage par Paul Klotz – Expert associé à La Fabrique Écologique et à la Fondation Jean Jaurès
Les bienfaits des mains dans la terre et la puissance des odeurs
Dans le paragraphe « Sens cachés », Kathy Willis détaille les bienfaits du microbiote environnemental sur notre santé. Septique sur le sujet, le regard de la scientifique a changé lorsqu’elle est tombée sur une étude démontrant que des enfants qui jouent dans la terre augmentent considérablement leur microbiote intestinal.
Ces enfants étaient divisés en trois groupes. L’un jouait dans un bac à sable dont le sol provenait de la forêt, le deuxième, sur un tapis et le troisième sur du béton. Les scientifiques ont étudié le sang et les bactéries de la peau et de l’intestin des enfants avant et après une période de 28 jours. Ils ont constaté que ceux qui jouaient sur le sol issu de la forêt avaient développé une flore très diversifiée, tant au niveau de l’intestin que de la peau. De plus, leur sang contenait un taux élevé de « cellules tueuses », qui réduisent l’inflammation.
On apprend plus loin qu’un rapport estime que le marché des plantes artificielles, celles fabriquées en polyester et plastique, dépasserait les 780 millions de dollars d’ici 2028. Elles fleurissent dans de nombreux rayons de magasin de décoration. Kathy Willis fait référence à des études qui démontrent que ces plantes synthétiques n’offrent ni la même diminution de stress ni la même amélioration de l’humeur que les vraies.
On découvre plus loin aussi l’importance de l’odeur des plantes sur notre santé. L’étude, menée par le professeur Tsung-Ming Tsa et ses collègues de la Recherche expérimentale sur les forêts de l’Université nationale de Taïwan, s’est penchée sur les bénéfices sanitaires associés à l’inhalation de l’odeur issue du cèdre japonais. Kathy Willis détaille le processus. Mais les auteurs de cette étude ont tiré la conclusion préliminaire que la réaction immunitaire de gens atteints de facteurs de risques cardiovasculaires particuliers pourrait s’améliorer en vivant dans des endroits proches d’environnement forestier diffusant ces composés organiques volatiles. Plus loin, on apprend encore comment l’odeur de rose rend les conducteurs automobiles plus prudents.
Reconnue dans le monde entier pour son travail sur la biodiversité végétale, Kathy Willis apporte dans ce livre de nombreux exemples sur la façon dont la nature peut améliorer notre vie. Il résume l’état actuel des recherches scientifiques, qui sont inconnues du grand public car peu ou pas connues des scientifiques eux-mêmes.
C’est bien l’intérêt de ce livre qui apporte un regard scientifique étayé à ce que nous savions déjà. Alors oui, plus on jardine, mieux on se porte. Kathy Willis considère que l’accès à la nature doit être au cœur de toute politique sociale autant que dans toute politique de santé.
Désormais, la question est de savoir comment l’implémenter. « Dans les villes, il faut prédéterminer les zones de nature fondamentales pour la santé et non pas, comme cela arrive trop souvent, les rajouter après coup ou même pas du tout » suggère Kathy Willis. « La prescription de nature est source de richesse. Utiliser la nature pour diminuer la douleur, pour restaurer et renforcer nos capacités en matière de santé, voilà qui, potentiellement, peut nous faire économiser des milliards sur les budgets mondiaux de la santé, même si seule une infime partie des estimations faites jusqu’à présent sur ce sujet se révèlent exacts. »
« Pourtant, devoir évaluer ainsi le prix de la nature, voilà une chose qui me met à l’aise. » poursuit Kathy Willis. « Parce que la nature, c’est bien davantage qu’une simple chose simplement utiles pour notre santé. La nature n’a rien d’un produit superflu. La nature est parte intégrante de notre vie et nous fournit de multiples services écosystémiques, connus et inconnus. Sans une nature bien diversifiée autour de nous, nous ne pouvons pas survivre. »
Alors que 70% de la population vivra en 2070 dans un environnement urbanisé, « il n’est plus temps de considérer la nature comme quelque chose d’agréables à avoir tout en bas de la liste des priorités, nous devons considérer la nature comme essentielle ».
« La nature est une infrastructure qui soutient le bien-être de l’Humanité »
Pour aller plus loin : « Plus un lieu de vie est végétal, moins ses habitants sont déprimés » : Entretien avec Kathy Willis par Usbek & Rica