En déplacement dans le Jura, le Président de la République accompagné de deux ministres, Christophe Béchu et Marc Fesneau, est venu insister sur son objectif de planter un milliard d’arbres. Un objectif symbolique qui soulève quatre problèmes majeurs. Décryptage par l’association Canopée.
Un plan de plantation qui repose jusqu’à présent majoritairement sur des coupes rases
Faute de critères suffisants, les plantations d’arbres financées par le gouvernement conduisent à des coupes rases massives : c’est le cas de 87% des projets financés par le plan de relance. Le plan envisagé pour la suite reposerait lui à environ 60% sur des coupes rases d’après nos estimations (2). Analyse, Septembre 2023 : « Le rapport « Objectif forêt » du Ministère de l’Agriculture est-il réellement de nature à viser l’objectif forestier du siècle ? Analyse et propositions des ONGs » Si pour des raisons sanitaires exceptionnelles ces coupes rases peuvent se justifier, dans la très large majorité des cas, il est possible d’améliorer les forêts par des opérations préservant le couvert forestier (éclaircie, balivage, plantation en enrichissement dans les trouées).Un plan de plantation qui va affaiblir le puits de carbone
À court terme, une coupe rase entraine un déstockage de carbone qui ne peut pas être compensé avant plusieurs décennies. Ce déstockage n’est aujourd’hui pas pris en compte dans les simulations de la Stratégie Nationale Bas Carbone qui montre déjà un affaiblissement préoccupant du puits de carbone. À long terme, la résilience de ces nouvelles plantations n’est pas assurée car elles sont le plus souvent peu diversifiées et parfois réalisées avec des essences exotiques qui présentent de nombreux risques.Un plan de plantation qui détruit la biodiversité
Le plan de plantation n’intègre aucun critère de non-régression de la biodiversité. Dans le dispositif actuel (France 2030), le respect de la biodiversité est une simple option : le maintien des éléments écologiques est facultatif et limité à 10% de la surface. Cette disposition est contraire aux engagements pris par la France en matière de biodiversité. Dans une tribune publiée dans Le Monde, nous appelons avec plus de 800 scientifiques, responsables associatifs, élus locaux et acteurs de la forêt-bois a un plan de sauvetage de la forêt française en s’appuyant sur les écosystèmes existants plutôt que raser et replanter (4).Un plan de plantation opaque
Aujourd’hui, aucune information n’est accessible sur les projets financés, leur localisation et la nature des travaux réalisés. Dans les territoires où sont réalisés ces projets, ni les citoyens, ni les associations, ni les élus locaux ne sont informés et lorsqu’ils découvrent les projets, ils se heurtent à un refus de l’administration de transmettre des informations comme les diagnostics qui sont censés être réalisés. D’après nos informations, aucune étude d’incidence environnementale n’est réalisée en zone Natura 2000.S’appuyer sur les écosystèmes existants plutôt que raser et replanter
Raser ou améliorer : une fâcheuse dissonance
Alors que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu a rappelé à plusieurs reprises sa volonté de limiter strictement les coupes rases aux forêts non-améliorables, cette volonté ne se traduit pas dans les critères d’aides. Avec le dispositif actuel, si une forêt a 20% d’arbres dépérissants, elle peut être entièrement rasée. Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire oppose une farouche opposition à ces améliorations.Rapport de Canopée, 2021 : « Plan de relance : le bilan caché »
Dans le cadre du plan « France Relance », le gouvernement a fléché 200 millions d’Euros vers la filière forêt-bois. L’objectif affiché : aider les forêts à s’adapter au changement climatique. Nous révélons dans notre enquête que cet argent public a en vérité principalement financé des coupes rases et la plantation de douglas. Les points clé du rapport :- 87% des projets financés par le plan de relance impliquent des coupes rases.
- Dans 83% des cas, le plan de relance permet des plantations en monoculture. Dans les 17% restants (lorsqu’une parcelle fait plus de 10 hectares), il n’exige qu’une très faible diversification.
- Le douglas est l’arbre le plus planté grâce au plan de relance. Cet arbre n’est pas particulièrement bien adapté au changement climatique : c’est surtout l’arbre parfait pour industrialiser davantage la gestion forestière.