La revue Science publie dans son numéro du 27 juin les résultats d’une étude sur la migration des plantes avec le réchauffement climatique menée par des chercheurs d’AgroParisTech – l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement – [[Centre AgroParisTech-Engref de Nancy : l’Institut des sciences et industrie du vivant et de l’environnement, AgroParisTech, est implanté sur 9 sites en France, 6 relevant de son école interne, l’Engref. .Le centre de Nancy est dédié à la formation (cursus des ingénieurs forestiers, Mastère Spécialisé « Forêt, nature, société »…) et la recherche sur la forêt, le bois et la gestion des milieux naturels.]], de l’Université Catholique du Chili et du CNRS. Cette équipe a étudié la répartition de 171 espèces végétales de nos forêts d’altitude. Constat : 118 d’entre elles élisent domiciles plus haut, au rythme de 29 mètres tous les dix ans. Les plantes chercheraient plus de fraîcheur en altitude. Les mousses, fougères et herbacées de sous-bois mènent la danse, progressant de 85 mètres.
Dans le contexte actuel de changement climatique, des phénomènes d’extinction et de colonisation avaient déjà été observés pour les plantes chez quelques espèces en marge de leur distribution en milieu boréal ou de haute montagne. Les changements de distribution, peu étudiés chez les plantes de milieux tempérés, ont été analysés à partir des vastes bases de données du laboratoire d’accueil et du CNRS regroupant des milliers d’inventaires floristiques réalisés dans toutes les forêts des montagnes françaises depuis le début du 20e siècle. Ces bases de données ont permis de comparer la répartition altitudinale de chacune des 171 espèces étudiées entre les périodes 1905-1985 et 1986-2005 pour une gamme d’altitude de 0 à 2600 m dans les milieux tempérés et méditerranéens représentatifs des montagnes ouest-Européennes. La limite de 1985 entre les deux périodes a été choisie car la température moyenne annuelle a augmenté de près de 1°C dans la zone étudiée autour de cette date pivot. L’étude parue dans Science montre une montée significative des espèces en altitude qui affecte la majorité des plantes, de l’ordre de 29 mètres par décennie. Cette montée est effective quelle que soit l’altitude étudiée et les préférences thermiques des plantes. Elle met également en évidence que les espèces sont affectées par le réchauffement climatique dans toute leur aire géographique d’existence et non pas seulement aux limites de celle-ci comme cela avait été montré auparavant. Les chercheurs ont en effet montré que les espèces ont déplacé, à plus haute altitude, leurs habitats préférentiels pour conserver la température qui convient le mieux à leur développement, reproduction, et survie. Toutes les espèces ne migrent pas à la même vitesse : les espèces végétales à durée de vie courte, comme les herbacées, ont tendance à migrer plus vite en altitude que les espèces végétales dont la durée de vie est plus longue comme les arbres ou les arbustes. Les herbacées ont bénéficié au cours des dernières décennies d’un grand nombre de générations permettant à leurs graines de se disperser en altitude en réponse au réchauffement climatique. Les arbres au long cycle de vie n’ont bénéficié seulement que de une ou deux générations pour coloniser de nouveaux milieux. L’ensemble de ces résultats fournissent la preuve que les plantes sont en train de migrer avec le changement climatique actuel pour conserver les températures nécessaires à leur survie. Les différentes vitesses de migration entre arbres et herbacées devraient conduire à un changement de la composition des communautés végétales et de leurs relations avec les espèces animales qui interagissent avec elles. Référence de la publication : J. Lenoir, J. C. Gégout, P. A. Marquet, P. de Ruffray, and H. Brisse, 2008. A Significant Upward Shift in Plant Species Optimum Elevation During the 20th Century. Science 27 June 2008 : 1768-1771. – E-mail: jonathan.lenoir@agroparistech.fr