-* 57% des étudiants franciliens jugent tout à fait prioritaire la lutte contre le réchauffement climatique
- 47% ne s’estiment pas suffisamment informés
- 63% utilisent les transports en commun plutôt que la voiture
UN MANQUE D’INFORMATION
Comme les autres jeunes Franciliens (actifs, au chômage ou inactifs), la moitié seulement des étudiants franciliens s’estiment suffisamment informés sur le changement climatique (53 %) – un peu moins que la moyenne des Franciliens (58 %). Ce résultat justifie pleinement l’introduction de modules de formation obligatoires dédiés à cette problématique dans l’ensemble des formations, sur la base d’un socle de compétences et connaissances en cours de définition au niveau du ministère. Au fil des entretiens menés auprès des jeunes, plusieurs étudiants ont d’ailleurs mentionné avoir déjà abordé cette question durant leur scolarité, y compris au lycée : « J’ai été sensibilisé au changement climatique pendant toute mon année scolaire. On a eu beaucoup de cours sur le sujet, et en plus c’est tombé au bac » (étudiant en BTS, 19 ans). Des enseignements ciblés sur le changement climatique sont évoqués : « Dans mes études, c’est assez important, parce que je fais des sciences sociales. On est un peu les acteurs de demain. Dans nos cours, on est amenés à étudier le changement et les politiques permettant cette transition écologique. (…) On a eu une sensibilisation très importante, et les cours qui nous sont proposés changent dans ce sens-là. On traite de ces problèmes d’environnement » (étudiant en licence, 21 ans). Un autre étudiant est encouragé par son école à porter des projets concrets : « Je participe même, au sein de mon école, à des travaux qui sont faits pour le développement durable. Je trouve cela très intéressant. (…) Je dirais que l’école m’a pas mal guidé dans ma façon de penser et d’agir aujourd’hui par rapport au changement climatique » (étudiant en école de commerce, 24 ans). Si la part d’étudiants – et plus généralement de jeunes – se déclarant tout à fait d’accord avec l’idée que le changement climatique est imputable aux activités humaines est supérieure à la moyenne des Franciliens (53 % contre 48 %), près de la moitié n’en semblent pas pleinement convaincus. En revanche, ils identifient mieux les « défis » proposant de les accompagner dans leur démarche pour réduire leur propre impact environnemental. Les plus connus des étudiants sont les défis « Zéro déchet » (73 %), « Économie d’énergie » (67 %), « Alimentation positive » (vers le bio – 60 %) et « Alimentation durable » (vers le local et moins de viande – 60 %). Les défis « Rien de neuf » et « Écomobilité » le sont un peu moins (environ 50 % chacun). Seulement 7 % des étudiants ne connaissent aucun de ces défis, contre 13 % des autres jeunes et 24 % des Franciliens en moyenne ; plus de la moitié en connaissent au moins quatre.UN SUJET DE PRÉOCCUPATION MAJEURE
Les étudiants franciliens sont 57 % à juger tout à fait prioritaire la lutte contre le changement climatique : une proportion supérieure à celle observée parmi les autres jeunes ou la moyenne des Franciliens (48 %). Ce thème est placé au premier ou au deuxième rang des préoccupations de 40 % des étudiants, contre 27 % des autres jeunes et de l’ensemble des Franciliens. C’est la principale préoccupation d’ordre écologique citée par les étudiants, devant la pollution de l’air, la pollution de l’eau et la diminution de la biodiversité (dont le changement climatique est l’un des principaux accélérateurs). C’est aussi la plus grosse crainte qu’ils expriment parmi toutes celles proposées dans le questionnaire, plus fortement d’ailleurs que la moyenne des Franciliens, directement ou indirectement, puisque les catastrophes naturelles (inondations, méga-incendies…) se placent en seconde position de leurs craintes les plus fortes. Cette appréhension des conséquences du changement climatique confine à l’anxiété pour une partie d’entre eux : « C’est vrai que cette situation écologique est assez angoissante, parce que je pense que, le jour où il sera trop tard, ça sera vraiment trop tard. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on fait des actions bénéfiques pour l’environnement, mais ce n’est pas du tout suffisant » (étudiante en école de commerce, 21 ans). Jusqu’à éteindre l’envie d’avoir un jour des enfants : « Le changement climatique, c’est aussi une angoisse climatique dont nous souffrons tous, parce que les rapports du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] sont très alarmistes, et on ne se bouge pas derrière. (…) Je n’étais pas sûre à la base de vouloir des enfants. Maintenant je n’en veux plus du tout, parce que, si c’est pour leur laisser cette planète-là, ça ne vaut pas la peine » (étudiante en formation complémentaire d’initiative locale – FCIL, 24 ans). Cette appréhension semble entamer leur confiance en l’avenir en général. En effet, 57 % des étudiants qui jugent tout à fait prioritaire de lutter contre le changement climatique se disent peu ou pas du tout confiants, plus souvent que la moyenne des étudiants (52 %).UN ÉTUDIANT SUR TROIS S’INVESTIT
D’après les résultats du Baromètre des Franciliens, un tiers des étudiants franciliens sont personnellement engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique. S’ils sont peu à militer au sein d’une association œuvrant en faveur de l’environnement en tant que bénévoles (5 %), ils évoquent d’autres moyens d’action : « J’adhère à des groupes pour planter des arbres, je donne à des associations et j’ai participé à des actions de désobéissance civile, avec notamment le collectif Extinction Rebellion, qui a convié 300 activistes dans des locaux d’Amazon pour que l’entreprise change de politique : des opérations coup-de-poing, de médiatisation. Et je vais beaucoup à des conférences données par des scientifiques, vulgarisateurs et activistes » (étudiante en master, 26 ans). Cette étudiante participe également à des opérations de boycott visant certaines marques et analyse les mesures environnementales inscrites dans les programmes politiques avant de voter. D’autres s’associent aux marches pour le climat : « Dès qu’il y a une marche pour le climat, j’y vais. (…) Ça me tient à cœur. C’est important de protester, surtout pour la jeunesse, dont je fais partie, de dire que l’on veut des changements radicaux » (étudiant en licence, 21 ans). Une « sensibilisation mutuelle » entre pairs est à l’œuvre au sein de leur entourage : « J’essaie un peu de les sensibiliser (…), mais je pense que ça ne se fera que petit à petit » (étudiante en FCIL, 24 ans).MOBILITÉ : DES COMPORTEMENTS PLUS VERTUEUX
C’est dans le domaine de la mobilité que les comportements des étudiants franciliens se révèlent les plus sobres, en comparaison avec les autres jeunes de la région. Plus de six sur dix déclarent utiliser les transports en commun plutôt que la voiture, contre 46 % des autres jeunes ; la moitié se déplacent à vélo ou à pied plutôt qu’en voiture (contre 41 % des autres jeunes). Ils sont aussi plus nombreux à recourir au covoiturage ou à l’autopartage. La région disposant d’un vaste réseau de transports en commun, ce mode est privilégié par les étudiants, comme le confirme l’enquête « Conditions de vie des étudiants » en 2020. Cependant, ces usages peuvent aussi s’expliquer par la contrainte économique à laquelle ils sont davantage soumis, au prix, parfois, de trajets particulièrement longs par les transports collectifs. En ce qui concerne l’usage de l’avion, les étudiants comme les autres jeunes apparaissent plutôt moins modérés que la moyenne des Franciliens. Le moindre coût de l’avion est parfois avancé comme explication : « On sait que l’avion est assez polluant, mais en même temps, aujourd’hui, ça coûte moins cher que le train, alors je le prends… Je prendrais volontiers le train si c’était moins cher » (étudiant en Institut de formation aux soins infirmiers – Ifsi, 26 ans). L’autre domaine dans lequel les étudiants adoptent un comportement plus vertueux est le recours à des produits reconditionnés ou d’occasion. Deux sur trois déclarent en utiliser ; cependant, ils ne se distinguent pas des autres jeunes sur ce point. Les smartphones sont les plus cités (31 %). De plus, ce choix est principalement motivé par le coût des produits (63 %), davantage que par des raisons écologiques (42 %). Un étudiant sur cinq adopte une posture consumériste vis-à-vis de l’usage de produits reconditionnés : ils y font appel pour changer plus régulièrement d’équipement, pouvoir disposer d’un modèle plus haut de gamme, ou encore pour les essayer, les tester. C’est un peu moins cependant que la moyenne des Franciliens concernés (28 %). En ce qui concerne les autres gestes contribuant à lutter contre le réchauffement climatique, les étudiants apparaissent souvent moins investis que les autres Franciliens. C’est le cas, notamment, pour les économies d’énergie : un tiers seulement disent baisser la température de leur logement de 2 ou 3 °C l’hiver, contre 46 % des Franciliens en moyenne, qu’ils vivent ou non encore chez leurs parents. Le fait que certains occupent un logement en résidence étudiante pourrait expliquer une partie de cette différence, compte tenu des modalités de répartition des charges spécifiques à ce parc. D’autre part, ceux qui habitent un logement locatif ordinaire dans le parc privé occupent généralement de petites surfaces, avec une mauvaise performance énergétique. Quatre sur dix éteignent leurs appareils électriques restant en veille, contre 50 % des Franciliens. De façon générale, ils se montrent moins sobres dans leurs usages du numérique, qu’il s’agisse de débrancher les chargeurs de mobile non utilisés, de vider leur boîte e-mail, de limiter les impressions ou de regarder des vidéos en basse définition. Si une majorité pratique le tri de leurs déchets, ils le font beaucoup moins que la moyenne des Franciliens (53 % contre 72 %). Enfin, leurs habitudes alimentaires, telles qu’acheter des fruits et légumes de saison ou des produits locaux en circuit court, apparaissent moins sobres. On peut supposer que c’est, là aussi, au moins en partie, lié au prix élevé des produits à faible impact environnemental.DES ÉTUDIANTS FRANCILIENS PRÊTS À EN FAIRE PLUS
Si les étudiants agissent plutôt moins pour lutter contre le changement climatique que les autres Franciliens dans certains domaines, ils pensent majoritairement pouvoir assez facilement le faire davantage. Quelques comportements font cependant exception, comme ne plus prendre l’avion ou regarder des vidéos en basse définition : moins de 40 % des étudiants qui ne le font pas déjà indiquent qu’ils pourraient l’accomplir assez facilement. Les jeunes déclarent aussi assez peu réduire leur consommation de viande bovine ; mais peut-être en consomment-ils déjà moins que les autres Franciliens ? Trois étudiants sur quatre se montrent ouverts à l’idée de partager certains espaces ou services avec leurs voisins s’ils en avaient la possibilité à l’avenir, contre 66 % des Franciliens en moyenne. Jardin et potager sont les espaces les plus cités, mais les étudiants sont plus nombreux à mentionner aussi une salle commune, un espace de travail, une buanderie ou une chambre d’amis. En outre, près d’un étudiant sur quatre se déclare intéressé par au moins un défi environnemental, et serait donc prêt à se laisser accompagner pour modifier ses habitudes.L’ACTION INDIVIDUELLE : SOUHAITABLE, MAIS INSUFFISANTE
Les acteurs considérés par les étudiants comme étant en mesure d’être les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique sont sensiblement les mêmes que pour le reste de la population : les individus arrivent en tête (36 %), devant les États (26 %) et les entreprises (12 %). En revanche, les étudiants franciliens se distinguent dans le choix des parties prenantes jugées les plus actives. Ils sont d’abord moins nombreux à estimer que personne n’agit (15 %, contre 21 % de l’ensemble des Franciliens interrogés) ou que c’est chacun d’entre nous qui agit le plus (18 %, contre 25 %). Les associations, les fondations et la société civile sont au contraire davantage citées (38 %, contre 25 %). Les entretiens menés montrent que les étudiants reconnaissent l’importance de leurs propres comportements, mais certains expriment une forme d’impuissance face à l’ampleur du défi : « Je suis impliqué, mais je ne peux pas non plus changer le monde en un claquement de doigts, et je n’ai pas des super-pouvoirs » (étudiant en licence, 18 ans). L’action individuelle leur semble parfois vaine : « Je ne dirais pas que je suis vraiment impliqué. C’est vrai que la situation est quand même très alarmante, mais je ne pense pas faire assez. Je reste un peu spectateur. Je me dis que c’est grave, mais que l’on ne peut pas faire grand-chose. (…) En fait, on se dit que ce que l’on fait n’est pas le principal pour faire bouger les choses, que ce n’est pas à nous de changer, que c’est avant tout un système qui doit changer, que tout ce qui concerne l’industrialisation, la façon de traiter l’agriculture, l’agroalimentaire, ce sont avant tout les gouvernements qui doivent changer les choses. Après, on peut continuer à un niveau individuel, mais, tout seul, je ne crois pas que ça serve à grand-chose. On le fait pour se donner bonne conscience, j’imagine … » (étudiant en Ifsi, 26 ans).LES ÉNERGIES RENOUVELABLES EN TÊTE DES SOLUTIONS
L’avis des étudiants sur les solutions à privilégier pour résoudre le problème du changement climatique est assez partagé, comme d’ailleurs celui de l’ensemble des Franciliens. Interrogés à ce sujet, un tiers seulement estiment qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie. Un quart considèrent que nos dirigeants doivent imposer des contraintes fortes à tous et 16 % que c’est aux États de rechercher un accord au niveau mondial. L’espoir que le progrès technique permettra de trouver des solutions n’arrive qu’en quatrième position (13 %). Ils sont 16 % à ne pas voir de solution et à estimer qu’il n’y a rien à faire, le changement climatique étant inévitable. De l’avis des étudiants, les responsabilités collectives ou individuelles apparaissent finalement réparties à tous les échelons de la société. Parmi les mesures collectives proposées pour lutter contre le changement climatique, la plus souhaitable, selon eux, serait de développer massivement les énergies renouvelables (54 % des étudiants, contre 41 % de l’ensemble des Franciliens). Ils sont aussi un peu plus nombreux que les autres à appeler de leurs vœux une forte réduction de la place de la voiture en ville au profit des piétons et des vélos (31 %, contre 24 %). Si, chez certains étudiants, le changement climatique peut être source d’anxiété, leurs comportements individuels ne reflètent pas toujours cette appréhension, à l’exception notable des modes de transport et des achats de produits reconditionnés, qu’ils privilégient. Parmi ceux qui n’ont pas encore adopté les autres manières d’agir allant dans le sens de la sobriété, beaucoup déclarent qu’ils pourraient le faire assez facilement : des progrès importants sont possibles au sein de cette population. Cependant, la contrainte économique, qui pèse fortement sur les étudiants, pourrait primer sur les considérations écologiques. La Consultation nationale étudiante réalisée en 2020 par le Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire (Reses) identifie plusieurs freins au changement en matière d’achat responsable : d’abord le prix des produits à faible impact (70 %), puis l’absence d’alternative (37 %) et le manque d’information (24 %). Elle indique aussi « que la situation résidentielle, et plus exactement le fait d’habiter chez ses parents, peut constituer un réel obstacle à la modification des habitudes de consommation » des étudiants. Le fait de vivre en résidence étudiante peut également contribuer à réduire l’attention qu’ils portent à leurs consommations d’énergie ou d’eau, puisqu’elles sont comprises dans les charges fixes de la résidence. Un important effort d’information et de formation reste donc à faire à leur intention. Pour preuve, seulement la moitié des étudiants franciliens jugent qu’ils sont suffisamment informés sur le changement climatique. La Consultation nationale étudiante de 2020 évalue par ailleurs à 69 % la proportion d’étudiants souhaitant être davantage formés aux enjeux environnementaux. Parmi ceux qui ne suivent pas une formation directement liée à ces problématiques, 69 % n’en entendent que très peu, voire jamais, parler dans leur formation. La diffusion d’un socle de connaissances et compétences partagées dans l’ensemble des formations telle qu’elle est prévue par le Plan climat-biodiversité et transition écologique de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, récemment adopté par le ministère, apparaît donc essentielle. Mais au-delà de cet effort de formation, les étudiants, comme les autres jeunes, aspirent à des changements qui dépassent le cadre des comportements individuels et engagent toutes les composantes de la société, y compris les entreprises et les pouvoirs publics, aux échelles locales, nationales et internationales.■