La crise écologique et climatique s’aggrave et a des conséquences de plus en plus visibles. Les scientifiques l’indiquent, la décennie actuelle est cruciale. Il s’agit de promouvoir la sobriété et d’accélérer les changements technologiques souhaitables et possibles, mais cela ne suffira pas. Il y a la nécessité de transformer profondément et dans de très nombreux domaines l’organisation concrète de notre société, en conciliant les dimensions écologiques, sociales et économiques. Il faut penser ce que seront à l’horizon 2050 les caractéristiques de notre pays en situation de neutralité carbone, d’inversion de la courbe de la biodiversité et de véritable protection des atteintes à la santé liées à l’environnement. Voici le dossier que La Fabrique Ecologique, fondation pluraliste de l’écologie, vient de publier sur « Les enjeux écologiques des prochaines échéances électorales ». Confectionné avec des contributeurs parmi les plus compétents dans leur domaine, il est composé de 26 fiches thématiques établies de manière rigoureuse et validée, assorties de propositions de questions susceptibles d’être posées aux candidat-e-s.
Avant-propos
La crise écologique et climatique s’aggrave et a des conséquences de plus en plus visibles. Les scientifiques l’indiquent, la décennie actuelle est cruciale. Il s’agit bien sûr de promouvoir la sobriété et d’accélérer les changements technologiques souhaitables et possibles, mais cela ne suffira pas. Il y a la nécessité de transformer profondément et dans de très nombreux domaines l’organisation concrète de notre société, en conciliant les dimensions écologiques, sociales et économiques. Il faut penser ce que seront à l’horizon 2050 les caractéristiques de notre pays en situation de neutralité carbone, d’inversion de la courbe de la biodiversité et de véritable protection des atteintes à la santé liées à l’environnement. La France, comme d’ailleurs la plupart des autres pays, n’est en aucun cas en situation de respecter les accords de Paris sur le climat. Le mandat qui vient de s’écouler a été marqué par plusieurs lois (sur l’économie circulaire, les mobilités, le climat) et des initiatives institutionnelles (création du Haut conseil pour le climat, convention citoyenne), qui illustrent d’ailleurs les difficultés à trouver les voies concrètes de leur mise en œuvre. Les perspectives de réduction des émissions de gaz à effet de serre restent largement insuffisantes pour avoir une chance d’y parvenir. Les progrès en matière de biodiversité, de prévention des pollutions et de transformation du modèle agricole sont limités. Dans tous ces domaines, plus on attend pour agir, plus on prend le risque d’un monde devenu invivable. Il y a donc l’obligation de définir dans les prochaines années le chemin à suivre et les mesures à prendre pour avancer vers ces objectifs à un rythme suffisant. Pourtant, à la veille d’échéances électorales décisives, les débats électoraux ne portent pratiquement pas sur ces sujets. L’écologie est toujours traitée de fait comme un enjeu de second ordre. En dehors de la primaire écologiste, la question de la transition écologique est loin d’être abordée de manière aussi systématique et approfondie que par exemple la sécurité, l’immigration ou le pouvoir d’achat[[Par exemple, sur les 9h de débat entre les candidats des Républicains, seulement 10 secondes ont été dédiées à la biodiversité et 16 minutes au climat]]. Les quelques points traités, le mix électrique, la chasse, sont importants mais ponctuels et ne correspondent en aucun cas à l’ampleur des enjeux qui sont devant nous. Il est paradoxal que ces sujets soient si peu et mal traités alors que les Français, à juste titre, les placent dans les premiers rangs de leurs priorités. A l’échelle européenne et internationale ces sujets ont de plus pris une nouvelle ampleur : le Pacte vert européen sera une priorité de la présidence française et plusieurs réunions internationales cruciales vont se dérouler dans les prochains mois notamment sur la biodiversité. Il est donc impératif que le prochain président ou la prochaine présidente de la République et les parlementaires qui seront élus en juin 2022 aient une vision précise des transformations qu’ils proposent dans ce domaine. Ce contexte explique que la Fabrique Ecologique ait décidé la publication de ce dossier sur « les enjeux écologiques des prochaines échéances électorales », sur la base transpartisane qui est la sienne. Un des éléments qui nous rassemble est la volonté que le débat public sur la transition écologique soit au cœur de notre vie publique et se déroule sur les vrais sujets et sur des bases rigoureuses et concrètes. Nous souhaitons donc que ce dossier y contribue le mieux possible. Il est composé de 26 fiches correspondant aux sujets les plus importants et, le plus souvent, les moins ou les moins bien traités. Il ne prétend pas ainsi à l’exhaustivité, et n’aborde qu’à la marge par exemple le sujet de la chasse, pour lequel le débat public est déjà important. Chaque fiche est composée de cinq parties : un bref bilan de la situation actuelle, les principales mesures prises lors du dernier quinquennat, l’état du débat public et médiatique, les enjeux de l’avenir, et des suggestions de questions précises et concrètes à poser aux candidat.e.s. Ces questions doivent permettre aux uns et aux autres de s’adresser à elles et eux de la manière la plus efficace possible, en évitant les questions trop générales ou trop techniques. Un des objectifs majeurs de ces prochains mois doit en effet être de les amener à s’exprimer et à prendre des engagements sur les mesures structurelles concrètes à mettre en œuvre. Il n’a pas été possible en revanche d’effectuer à ce stade, dans la très grande majorité des fiches, une description comparative précise des programmes des candidats, ceux-ci étant loin d’être toujours connus pour le moment. La présentation classique des domaines d’action de la transition écologique par grand secteur, logement, transport, industrie, agriculture, si elle a le mérite de la simplicité, a l’inconvénient de masquer les questions structurelles qui doivent impérativement être posées et ne sont pratiquement pas abordées en tant que telles dans le débat public électoral. Le dossier met ainsi l’accent par exemple sur la nouvelle économie écologique, l’organisation du territoire, la transformation de l’emploi, les méthodes de co-construction citoyenne ou le changement nécessaire du mode de consommation. ***Ce dossier a fait l’objet d’un travail très important par les instances, l’équipe et le réseau d’experts de la Fabrique Ecologique. Il a bénéficié de l’apport d’un certain nombre de contributeurs externes parmi les plus compétents. Que toutes celles et ceux qui ont travaillé sur ce document soient sincèrement remerciés. Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, il va faire l’objet d’une phase de co-contruction citoyenne par l’intermédiaire notamment d’un atelier co-écologique, et donc d’une deuxième publication fin janvier 2022.
Contributeurs
Ce dossier constitue un travail d’équipe. Il a été confectionné par – Les membres du bureau de La Fabrique Ecologique : Géraud Guibert, Damien Borot, Pauline Bureau, Lucile Schmid, Pierre Victoria ; – Les membres de l’équipe de La Fabrique Ecologique, sous la coordination de Mathilde Boitias, directrice : Ines Bousquet, Marie-Jeanne Gaertner, Jill Madelenat, Simon Sandre-Sivan ; – Les contributeurs extérieurs suivants : Frédéric Bordage (le numérique), Bernard Chevassus-au-Louis (les politiques agricole et alimentaire), Sébastien Delpont (la rénovation énergétique des logements), Matthieu Febvre-Issaly (la justice climatique), Julien Fosse (l’artificialisation des sols), François Gemenne (le climat et les migrations), Céline Jacob (les espaces maritimes), Christian de Perthuis (la tarification du carbone), Jocelyne Porcher (la condition animale), Jacques Rigaudiat (le mix énergétique), Yoann Rouillac (le rôle de l’entreprise), Eric Vidalenc (le rôle et la place de la science) ; – Les membres du réseau d’experts de La Fabrique Ecologique, qui ont été nombreux à participer à la rédaction, la relecture et les corrections des fiches de ce document Que toutes et tous en soient remercié.e.s !Table des matières
1. Le changement climatique 2. La protection de la biodiversité LES CHANGEMENTS STRUCTURELS D’ORGANISATION DE LA SOCIETE 3. L’organisation du territoire 4. La nouvelle économie écologique 5. L’emploi dans la transition écologique 6. La co-construction citoyenne 7. La consommation 8. L’adaptation au changement climatique 9. Le climat et les migrations LE NOUVEAU MODELE ENERGETIQUE 10. Le mix énergétique 11. L’éolien 12. La mobilité 13. La rénovation énergétique des logements UN NOUVEAU RAPPORT A LA NATURE ET AU VIVANT 14. Les politiques agricole et alimentaire 15. L’artificialisation des sols 16. L’espace maritime et la protection de la biodiversité 17. La santé et l’environnement 18. Le principe de précaution 19. La condition animale LES OUTILS POUR CHANGER DE MODELE 20. Le pacte vert européen (Green deal) 21. La tarification du carbone 22. L’importance de l’éducation et la formation 23. La place et le rôle de la science 24. La justice climatique 25. L’évolution du numérique 26. Le rôle de l’entreprise1. Le changement climatique
– 1. La situation actuelle Le changement climatique est devenu nettement perceptible. La température mondiale a augmenté de 1,1°C depuis les années 1850-1900. La France connait plus fréquemment des vagues de chaleur – canicules en 2003, 2006, 2012,2013, 2015, 2016, 2017, 2018. On constate une augmentation du nombre de sécheresses, de précipitations extrêmes et de pluies intenses. Selon le ministère de la Transition écologique, sur notre territoire, 864 communes et 165 000 bâtiments seraient menacés par l’impact du réchauffement climatique sur les océans. Ces phénomènes sont amenés à s’amplifier de manière exponentielle et certains sont irréversibles (élévation du niveau de la mer). 13 des 20 mégapoles les plus menacées sont en Asie – Bangkok, Osaka, Calcutta ou encore Hô Chi Minh-Ville. Sur d’autres continents, New York, Miami, Alexandrie, Abidjan, Lagos, Rio de Janeiro sont également vulnérables. Même avec un réchauffement de 2°, les chaleurs extrêmes atteindront des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique3: pénuries d’eau potable, famines et canicules extrêmes menacent et menaceront l’existence de centaines de millions de personnes. La trajectoire des émissions de gaz à effet de serre (GES) indique une diminution à l’échelle européenne ou française. L’UE émet 3,5 Gt de CO2, ce qui correspond à une baisse de 23 % par rapport à 1990, et les émissions françaises ont diminué de 20 % par rapport au niveau de 1990 et de 4 % par rapport à 2017[-[Chiffres 2018 figurant dans le bilan 2021]]. Mais l’Etat n’a pas respecté la trajectoire qu’il s’était lui-même fixé en ce domaine de 2015 à 2018 (surplus d’émissions de 15 Mt eq CO2) et a été condamné à ce titre par le tribunal administratif de Paris (cf. fiche infra). La réduction des émissions doit donc être considérablement amplifiée pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris. Il convient également de prendre en compte les émissions importées –sur la même période elles ont augmenté en France de 78 % . A Glasgow (1-13 novembre 2021), la conférence des parties pour le climat (COP 26) a vu les pays s’engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2030 (par rapport à 2010). L’atteinte de la neutralité carbone autour du milieu du siècle a été affirmé comme un objectif commun (Chine et Russie 2060, Inde 2070). Mais les contributions nationales annoncées sont insuffisantes pour atteindre cet objectif, et il est prévu qu’un nouveau rendez-vous de réévaluation de ces contributions se tienne dès la fin 2022. Au-delà de l’impératif de réduction des émissions de GES, la crise climatique implique une action beaucoup plus forte en matière d’adaptation. Âprement discutée à Glasgow, elle concerne au premier chef les pays du Sud et représente un enjeu humain et financier majeur. En Europe, la France, le Royaume Uni ou les Pays-Bas sont particulièrement concernés. Dans ce contexte, de nouveaux mouvements sociaux voient le jour, avec un engagement particulier de la jeunesse. Ils témoignent d’une radicalisation à l’égard de gouvernements accusés d’immobilisme face à l’urgence. La multiplication des procès contre les Etats ou les multinationales pour inaction climatique témoigne de la place croissante prise par le droit sur ces sujets. Il s’agit d’agir, agir vite, et de rompre avec l’ancien modèle de développement économique, la décennie 2020-2030 étant décisive pour prendre les virages nécessaires. La gravité du sujet et l’implication citoyenne font des enjeux énergétiques des sujets majeurs devant être au cœur des débats démocratiques, avec la nécessité de changements intégrant la justice sociale. – 2. Les mesures prises pendant le dernier quinquennat La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) correspond à la feuille de route de la France pour la transition vers une économie bas-carbone. Adoptée pour la première fois en 2015, elle a été révisée en 2018-2019. Elle prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de réduire l’empreinte carbone des Français . La SNBC révisée a fait l’objet d’une consultation du public et été adoptés en avril 2020. Elle a cependant vu ses objectifs de réduction décalés de plusieurs années, et sa traduction légale et réglementaire s’est effectué imparfaitement at avec retard. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a été créé. Présidé par la climatologue Corinne Le Quéré, il doit éclairer les décisions de l’Etat de manière indépendante. Le HCC publie un rapport annuel sur la trajectoire des émissions de GES et la mise en œuvre des politiques. S’y ajoute un avis tous les cinq ans sur les projets de stratégie et de budgets carbone et la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France. Dans son rapport « Agir en cohérence avec les ambitions » de 2019, l’instance se montre critique sur la stratégie gouvernementale et émet des recommandations afin d’atteindre la neutralité carbone. Un deuxième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) a été lancé pour la période 2018-2022. Par rapport au précédent, il se distingue par l’implication des acteurs territoriaux, l’attention portée à l’outre-mer, l’implication des acteurs économiques et la priorité donnée aux solutions fondées sur la nature. Après les travaux de la convention citoyenne pour le climat (voir fiche co-construction citoyenne), la loi « climat et résilience » a été promulguée en août 2021. Ce texte a pour ambition d’organiser la transition écologique à travers tous les domaines de vie et d’activités : la consommation, la production, le travail, les transports, le logement et l’alimentation. Il insiste également sur le renforcement de la protection judiciaire de l’environnement. Mais les chiffrages effectués montrent qu’il ne suffira pas pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Notre pays a par ailleurs mené ses premiers exercices de budgétisation verte en 2019, et pérennisé cette approche à travers la publication d’un document annexé aux projets de loi de finances depuis 2020. La démarche répond à l’initiative de l’OCDE pour une budgétisation environnementale. Le projet de loi de finances 2021 prévoit 37 milliards d’euros pour le climat. La même volonté est sensible à l’échelle des collectivités territoriales . Dans le plan de relance 2020 puis dans celui intitulé « France 2030 » annoncé en 2021, une partie des montants est enfin destinée à des actions à impact sur le climat. Ce dernier plan mise sur l’innovation technologique ; un avion bas carbone, la voiture électrique et hybride, ou encore l’hydrogène vert. – 3. L’état du débat politique et médiatique Le climat est à la fois un enjeu mondial et géopolitique, une question sensible des politiques publiques nationales et un sujet citoyen. La dernière COP a permis de mesurer l’ampleur des efforts qui restent à accomplir pour atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle et « garder en vie »[[Selon les mots d’Alok Sharma le ministre de l’environnement britannique qui présidait la conférence.]] l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Sortir du charbon, renoncer à l’ensemble des énergies fossiles, permettre aux pays du Sud de faire face à la conversion de leur système énergétique et à l’adaptation de leurs conditions de vie, sont autant de défis, au risque aujourd’hui d’un conflit impossible à surmonter entre le Nord et le Sud si certains engagements financiers des pays développés ne sont pas honorés. L’Union européenne apparaît à première vue bien placée face aux défis actuels grâce à son Pacte vert [[La loi européenne pour le climat, adoptée en juin 2021 par le Conseil, fixe un objectif contraignant de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, à l’horizon 2030, par rapport à 1990, ce qui correspond à une réduction de 48% par rapport à 2010.]] et sa feuille de route Fit for 55. Elle pourrait aussi jouer un rôle d’intermédiaire entre le Nord et le Sud. Mais la montée des tensions sino-américaines n’aide pas à la lisibilité des stratégies à moyen terme. Si la Chine premier émetteur de GES a déposé une feuille de route climatique ambitieuse, elle a aussi relancé la construction de centrales à charbon pour faire face à la surchauffe économique post- Covid. Si Joe Biden a réintégré l’accord de Paris dès son élection il se heurte à l’hostilité des Républicains et d’une partie de son camp lorsqu’il s’agit de sortir des énergies fossiles. La France a été un acteur essentiel du relèvement de l’ambition climatique européenne. Il reste que les systèmes énergétiques des Etats membres, reflets de leurs histoires et de décisions politiques nationales, sont hétérogènes. Les débats autour de la taxonomie verte – faut-il y inclure le nucléaire, le gaz- le reflètent. Cela pose autant de défis que la Présidence française à venir du Conseil de l’UE devra affronter. En France, les débats de l’élection présidentielle se concentrent sur la production de l’électricité (places respectives du nucléaire et des renouvelables). Ce sujet a peu d’impact climatique, notre électricité étant déjà largement décarbonée. L’électrification contribuera à la solution pour le climat, mais il n’est ni possible ni même souhaitable que ce soit la seule priorité. Les mesures à prendre sur la sobriété et l’efficacité énergétique ne font pas toujours l’objet d’une identification précise dans ce qu’on sait des éléments de programme de plusieurs candidats. Quelques- uns en ont d’ores et déjà annoncé (ex : financements supplémentaires de la rénovation énergétique des logements), mais les changements d’organisation de la société que nécessite l’action sur le climat font rarement l’objet de propositions concrètes, et encore moins de débats publics (ex : aménagement du territoire, nouveaux modèles économiques, restructuration de certaines filières, régulation de la consommation). 4. Les enjeux pour l’avenir A l’échelle mondiale, le relèvement des ambitions des Etats dès 2023 sera déterminant pour préserver la possibilité d’un réchauffement limité à 1,5 degré. Au niveau européen, la mise en œuvre du Pacte vert devra activer concrètement le fonds de transition juste pour permettre aux Etats de l’Est de l’Union (Allemagne y compris) de sortir de leur dépendance au charbon (cf. fiche sur ce sujet). En France, c’est d’abord la sortie de la dépendance aux énergies fossiles qui est visée. Ceci suppose l’électrification de certains usages, mais aussi et peut-être surtout un effort majeur pour diminuer la consommation d’énergie. Au-delà des nécessaires évolutions technologiques, cet objectif passe par une transformation profonde de notre système de transports, de production industrielle, d’organisation du territoire et de mode de consommation. La question du climat est enfin devenue un symbole de la montée de la méfiance entre citoyens et responsables institutionnels. Atteindre un haut niveau d’ambition, mettre en œuvre ce que prévoient les différents documents stratégiques dans un calendrier conforme aux engagements sont déterminants face à l’urgence climatique. Mais cela suppose de trouver les voies d’une meilleure articulation entre écologie et démocratie. 5. Quelques questions précises et prioritaires destinées aux candidats – 1) Partagez-vous l’idée que pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, la France et l’Europe doivent procéder à des changements sociétaux majeurs ? Si oui, lesquels ? – 2) Êtes-vous d’accord sur le constat figurant dans tous les scénarios, et repris dans la loi, que l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris, au-delà de l’électrification, une forte diminution de la consommation d’énergie ? Si oui, quelles sont les mesures que vous proposez pour y parvenir ? – 3) Les jeunes se mobilisent fortement pour le climat. Êtes-vous prêts à leur donner des responsabilités particulières pour agir en ce domaine ?2. La protection de la biodiversité
Comme cela a déjà été indiqué en introduction, cette fiche ne comprend pas le sujet de la chasse, qui est aujourd’hui dans le débat et qui a fait l’objet de ce fait de multiples diagnostics et de propositions. 1. La situation actuelle Depuis de nombreuses années, les études sur l’état de la biodiversité dans le monde et sur le territoire français montrent toutes un déclin important. Une sixième crise du vivant, d’origine anthropique cette fois-ci, est observée à l’échelle mondiale. En France, où cet enjeu est particulièrement important en particulier compte tenu de l’outre-mer[[Au sein de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) un observatoire a été déployé pour mettre à disposition du grand public des indicateurs exposant l’évolution de dynamiques liées au vivant.]], cinq types de pressions sur la biodiversité sont à l’origine de cette érosion[[Voir le travail de la Fabrique écologique : Les défis de la lutte contre l’artificialisation des sols]] : – le changement d’usage des terres, qui a le plus d’impact : dans notre pays, malgré une volonté affichée de zéro artificialisation nette, 287 hectares par an sont artificialisés en territoire d’outremer et 65758 hectares en territoire métropolitain. Les prairies ont par exemple subi une forte artificialisation, 58 691 hectares depuis 1990 ; – les pollutions émises par les activités humaines : les produits chimiques liés aux activités agricoles sont sources d’importantes pressions sur les espèces inféodées aux milieux agricoles. En France sur les trois dernières années, les ventes de produits phytosanitaires ont augmenté de 15 % pour le secteur de l’agriculture. Cependant, notamment grâce à la loi Zéro phyto, l’achat de produit phyto pour les secteurs non agricoles diminue de 54 % ; – Le changement climatique : conséquence directe des émissions de gaz à effet de serre par les activités humaines, le dérèglement climatique à un impact important sur de nombreuses espèces. La variation des températures influence la temporalité des migrations de certains oiseaux. Pouvant aller jusqu’à 6 jours de décalage dans le temps, ces variations peuvent entraîner des conséquences sur la survie des espèces notamment vis-à-vis des ressources disponibles qui ne suivent plus la même dynamique. – Les espèces exotiques envahissantes : cette faune ou flore provenant d’une zone biogéographique différente, trouve dans les milieux naturels français des conditions de survie bien plus favorables et rentre en compétition avec les espèces locales et patrimoniales. Aujourd’hui, et ce depuis 1982, un département de métropole compte en moyenne 12 espèces exotiques envahissantes de plus tous les dix ans. – L’exploitation des ressources ou la surexploitation des espèces sous différentes formes comme la chasse, le braconnage ou les exploitations au-delà du seuil de soutenabilité de l’espèce (prélèvement plus important que le renouvèlement de la population). La situation est donc alarmante et appelle les politiques et les acteurs privés à prendre de réelles mesures pour réduire l’empreinte environnementale de leurs activités et d’intégrer les solutions de préservation de biodiversité dans l’ensemble des stratégies aussi bien nationales que locales. 2. Les mesures prises pendant le dernier quinquennat[[La Ligue de Protection des Oiseaux a fait un bilan de ces cinq ans]] Au-delà des politiques menées en matière agricole, de condition animale ou d’artificialisation des sols (cf. d’autres fiches), la biodiversité a fait l’objet d’un plan annoncé en juillet 2018. Les objectifs annoncés pour 2023 sont ambitieux, par exemple couvrir au moins 30 % du territoire national terrestre (métropole et outre-mer) et des eaux marines sous juridiction ou souveraineté française par des aires protégées dont 10 % en protection forte. Malheureusement la part actuelle de protection du territoire national reste bien en deçà des objectifs visés avec, à deux ans de l’échéance, seulement 1,6 % des aires marines qui font l’objet de mesures de protections fortes. Une stratégie nationale pour les aires protégées 2030 a été élaborée. De nombreux plans sont sortis ou ont été renouvelés pour un certain nombre d’espèces menacées. Depuis le 1er janvier 2020, l’AFB a fusionné avec l’ONCFS pour devenir l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a alloué 50 millions d’euros dans l’objectif de planter 7000 km de haies et d’alignements d’arbres sur la période 2021-2024. L’adaptation de la législation pour faciliter et sécuriser les projets d’aménagement s’est toutefois effectuée au détriment de la protection de l’environnement, en facilitant les dérogations, en restreignant les études d’impact et en limitant les possibilités de recours en justice des citoyens. Les effectifs de personnel de l’Etat qui y sont consacrés ont globalement diminué. Les mesures sur les pesticides dans les pratiques agricoles ne sont pas suffisantes pour vraiment protéger la biodiversité qui trouve refuge ou nourriture dans ces milieux[[Voir le travail de la Fabrique Ecologique : Perturbateurs endocriniens : l’état de la science et l’enjeu des négociations européennes]]. S’agissant de la chasse, les mesures prises n’ont pas été dans le bon sens. Le gouvernement s’est opposé au moratoire de la commission européenne sur la suspension de la chasse à la tourterelle des bois, espèces étant classée vulnérable à l’échelle mondiale. La baisse du prix du permis de chasse ouvre la porte à plus de chasse sur le territoire. De nombreux oiseaux restent autorisés à la chasse malgré leur situation écologique très inquiétante. Le plan Ours 2018-2028 a été suspendu. Le quinquennat a aussi été marqué par des actions favorables à la biodiversité, comme l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, la relance du projet des barrages de la Sélune ou encore des mesures de protections établies sur des animaux menacés comme les serpents qui ont été intégrés à l’arrêté de protection des Amphibiens et des Reptiliens en début d’année 2021. 3. L’état du débat politique et médiatique La biodiversité est très peu présente dans le débat public, à l’exception du débat sur la chasse ou sur l’ours à l’occasion d’accidents. Au cours de ces épisodes, l’importance de l’impact sur la biodiversité est rarement mise en avant, alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur. Les premiers éléments connus des différents programmes montrent que plusieurs candidats ne se positionnent pas ou pas encore sur ces sujets (LR, RN). Les programmes de LFI et d’EELV l’évoquent, mais de manière encore relativement imprécise. 4. Les enjeux pour l’avenir L’artificialisation constitue toujours la première cause de la perte de biodiversité. Entre 24 000 et 30 000 hectares de terres agricoles et naturelles sont artificialisées chaque année en France, soit une augmentation de l’artificialisation des sols quatre fois plus rapide que celle de la population (cf. fiche infra). Il est essentiel de construire de réelles politiques pour réduire cette dynamique. La solution de procéder à des compensations écologiques des pertes d’espaces naturels pose un certain nombre de questions. La reforestation peut par exemple ne pas constituer de véritables habitats favorables à la biodiversité si les espèces plantées ne sont pas locales ou si celles-ci sont faites en monoculture. De plus, de nombreux projets se font au détriment des problématiques sociales locales, posant alors la question de la pertinence et du bienfait global de ces mesures. Des politiques pour encadrer, suivre et évaluer les actions compensatoires semblent essentielles pour favoriser le plus possible l’émergence de projets structurants, favorables pour la faune et la flore mais aussi pour les territoires. Un des enjeux est de penser simultanément les politiques climatiques et de préservation de la biodiversité. Le climat est intimement lié aux dynamiques du vivant et à sa bonne santé ainsi que celle des écosystèmes. La lutte contre le changement climatique et contre l’érosion de la biodiversité sont des sujets qu’il faut traiter de manière coordonnée, au même niveau, l’un n’évoluant pas sans l’autre. Le résultat exposé par les rapports de l’IPBES et du GIEC en est un témoin fort et aujourd’hui les politiques climatiques françaises reste bien souvent élaborées en silo. Le lien entre la santé et la biodiversité mérite aussi d’être réfléchi. Une grande quantité d’études scientifiques démontrent le lien étroit entre préservation de la biodiversité et émergence de nouvelles maladies infectieuses. Le concept de One Health est maintenant largement démocratisé, et de nombreuses organisations l’ont adopté. En France, les politiques qui lient les questions de santé et de préservation de la biodiversité restent trop peu nombreuses et cet axe apparait comme une problématique majeure dans les années à venir en particulier après la prise de conscience collective due à la crise sanitaire actuelle (cf. fiche santé). Pour la protection des dynamiques naturelles, la préservation et la renaturation des continuités écologiques est plus que jamais en question. Des espaces naturels protégés mais non connectés entre eux restent très peu favorables pour la biodiversité. L’enjeu est d’étendre les ambitions de protection aux continuités écologiques de toutes sortes (trame verte, bleue, brune, noire) et de reconstituer des corridors écologiques fonctionnels sur l’ensemble du territoire et avec les pays voisins. La France doit aussi porter ses ambitions à l’échelle internationale notamment dans les COP biodiversité. L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies a d’ailleurs déclaré la « Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes » – de 2021 à 2030 . Au vu de la prise d’importance de ces questions dans l’arbitrage entre le développement territorial et la protection du patrimoine naturel français, il est crucial de définir une réelle stratégie pour déployer à large échelle les projets de renaturation, en prenant en compte tout du long les enjeux de préservation des espèces endémiques et en déterminant les moyens, aussi bien humains que financiers, à mettre en œuvre durant les prochaines années. 5. Quelques questions précises et prioritaires destinées aux candidats – 1) Pouvez-vous vous engager à finaliser à l’horizon du quinquennat un réseau cohérent de trame verte et bleu, avec un dispositif précis de suivi ? – 2) Êtes-vous prêt à flécher explicitement vers la biodiversité une part des financements d’investissement de la transition écologique ?Dossier sur « Les enjeux écologiques des prochaines échéances électorales »
dossier_presidentielles_lfe_1_12_2021.pdf
Les enjeux écologiques des prochaines échéances électorales
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15 propositions de La Fabrique Ecologique pour le début du quinquennat