Imposer le « progrès » aux peuples indigènes leur apporte rarement longévité ou bonheur. En réalité, les conséquences sont désastreuses. Le respect de leurs droits territoriaux est de loin la meilleure garantie de leur bien-être. Une synthèse en français du rapport de Survival « Le progrès peut tuer », sur les effets dévastateurs de la privation de terre pour les peuples indigènes, est disponible gratuitement en PDF.
Jamais la notion de « progrès » n’a été aussi peu remise en question qu’aujourd’hui ; le progrès est tout simplement considéré comme étant souhaitable pour tous. Les conceptions actuelles du progrès datent de l’époque coloniale, du temps où le fait de s’approprier les ressources et la main-d’oeuvre s’autojustifiait par une supposée action civilisatrice. Mais, qu’est-ce que le progrès? Pour les habitants les plus pauvres des nations les plus pauvres, ses principaux piliers sont l’éducation qui – ils l’espèrent – les conduira à plus de richesse, et les soins de santé qui – ils l’espèrent – leur donneront une vie plus longue. L’approche selon laquelle « le progrès peut tuer » ne remet pas cela en question : nul doute que certains voient en effet leurs rêves s’accomplir, mais d’autres ne font que sombrer plus profondément dans la pauvreté. Il en va autrement pour les peuples indigènes, en particulier pour ceux qui ont peu de contact avec l’extérieur. Leur imposer le « progrès » ne leur apporte jamais une vie plus longue ni plus heureuse, mais les condamne au contraire à une existence plus courte et plus morne dont la seule issue est la mort. Bien des peuples ont été ainsi détruits et bien d’autres restent sous la même menace. Certains en ont pris conscience et choisissent de rester isolés. D’autres entretiennent une relation plus étroite avec l’extérieur – certains d’entre eux reçoivent des soins de santé qui tentent d’endiguer leur anéantissement. Mais il y a là un cercle vicieux mortel, car même dans les pays les plus riches, aucun des soins « modernes » mis à la disposition des peuples indigènes ne saurait être suffisant pour contrer les effets de la perte de leurs terres et des maladies importées. Cette étude ne nie pas le génie scientifique ni ses accomplissements, elle ne s’accroche pas à une vision romantique d’un âge d’or mythique. Il n’est pas question non plus ici d’un rejet du changement; toutes les sociétés sont en constante évolution. Il est cependant indéniable que les peuples indigènes qui vivent sur leurs propres terres et contrôlent leur propre adaptation à un monde en perpétuelle évolution sont pauvres, certes, en termes monétaires, mais que leur qualité de vie et de santé est souvent notablement meilleure que celle de leurs compatriotes. Les indicateurs montrent que lorsque les populations indigènes sont déplacées de leur terre, leur santé et leur bien-être s’effondrent et, dans le même temps, le taux de dépressions, de dépendance et de suicides s’accroît considérablement. Ce sont là des faits indubitables. De récentes tentatives pour évaluer le « bonheur » dans différentes populations ne surprennent en rien les personnes familières des communautés indigènes contrôlant encore leur propre mode de vie; les milliardaires les plus riches au monde ne sont pas plus heureux que n’importe quel berger massai du Kenya. Les programmes d’intervention qui entraînent l’expulsion des peuples indigènes hors de leurs terres et imposent le « progrès » causent une misère inouïe. Ce n’est guère surprenant : le « progrès » – la conviction que « nous » savons mieux – rejoint le colonialisme en ce que tous deux ont pour effet de spolier les terres et les ressources. Les peuples indigènes n’y survivent pas[[90% de la population amérindienne a disparu après être entrée en contact avec les Européens, principalement en raison du choc épidémiologique. D’autres peuples ont été entièrement exterminés.]]. Quand, à l’inverse, ils choisissent leur propre développement sur leur propre terre, ils prospèrent.